vendredi 5 février 2016
Julien Pontvianne retrouve l'éternité
Par Jean-Jacques Birgé,
vendredi 5 février 2016 à 00:47 :: Musique
Le compositeur et musicien Julien Pontvianne n'est pas le premier à avoir été subjugué par la pensée de Henry David Thoreau, enseignant, philosophe, naturaliste amateur et poète américain (1817-1862). De Walden ou la vie dans les bois à La désobéissance civile, l'essayiste a influencé des hommes politiques comme Gandhi et Martin Luther King, des écrivains comme Yeats, Romain Rolland, Giono, Jim Harrison, des compositeurs comme Charles Ives et John Cage, et nombre d'écologistes ou adeptes de la décroissance... Je possède un exemplaire original des Essays Before A Sonata que Ives a publié à compte d'auteur en 1920, complément indispensable de la Concord Sonata, entièrement dévoués à Thoreau et ses amis transcendantalistes, Emerson, Hawthorne et les Alcotts.
Déjà avec son projet pour orchestre Aum Pontvianne faisait chanter les textes de Thoreau qui donnaient du relief à ses grands espaces paysagers. Avec Abhra, qui signifie l'atmosphère ou le vide en sanskrit, il se rapproche du soleil en mettant en musique des extraits des textes de l'Américain qu'il fait accompagner par un orchestre planant au dessus des collines. Consciente ou inconsciente, l'influence de Ives est flagrante, sérénité d'une nature retrouvée à laquelle la voix de l'Anglaise Lauren Kinsella confère une sensualité vertigineuse. Parlé ou chanté importe peu. Le style et l'idée se confondent. L'écoute du CD nous plonge dans un abîme de perplexité tout en nous faisant voyager. L'orchestre passe les cols en se moquant des frontières. La violoncelliste Hannah Marshall, le guitariste Francesco Diodati et le contrebassiste Matteo Bortone, le claviériste Alexandre Herer et Pontvianne au ténor, à la clarinette et à l'harmonium prennent le temps de respirer l'air pur. Ils nous montrent le chemin. Comme dans tous les projets de Pontvianne le temps n'a pas la même durée qu'ailleurs, le changement de repères s'opérant magiquement sans que nous y soyons préparés. Les siècles ne changent rien à l'affaire. Les couleurs les plus délicates affichent mille nuances. Les nuages forment sans cesse de nouveaux dessins. Chaque saison exhale la beauté de la vie. S'approcherait-on de la musique des sphères ?
→ CD Abhra, label Onze Heures Onze, dist. Socadisc, sortie le 11 mars 2016