19 octobre 1987. Le "hasard" fait bien les choses. Le lendemain matin, Un Drame Musical Instantané avait rendez-vous avec Jean-Jacques Henry aux Archives du Film de Bois d'Arcy pour assister à la projection de la copie rénovée du film L'argent, d'après le roman d'Émile Zola, dont nous devions composer la musique à l'occasion du centenaire du cinéaste Marcel L'Herbier. Lors de la sortie du DVD j'avais publié en avril dernier cette photo de Bernard, Francis et moi lisant chacun un quotidien faisant leur une du "lundi noir". La veille au soir, je zappais en direct les chaînes télé pour concocter un petit montage sonore "radiophonique" sans les images, sans collure ni aucune manipulation d'aucune sorte, juste au bouton de pause, sur le krach boursier que tous les commentateurs comparaient au ''jeudi noir'' du 24 octobre 1929. J'avais immédiatement eu l'idée de l'intégrer à notre partition de ce film-fleuve :
© GRRR 1987
Après avoir ajouté un dernier élément hétérogène en coda, un enregistrement de notre grand orchestre pour faire le lien avec le trio se préparant à jouer plus de trois heures en direct dans l'obscurité, j'intitulai Retournement de tendance ou nouveau vertige ce premier mouvement montrant que ce sont les mêmes schémas depuis Zola et que le film de 1928 (!) reste d'une actualité brûlante, d'ailleurs tant dans sa plastique que dans son analyse économique et politique. Le roman, écrit en 1891 en plein scandale de Panama, s'inspirait lui-même du krach de l'Union Générale dix ans plus tôt. Quatre vingts ans après le film, rien n'a changé. Ecoutez encore le discours d'il y a vingt et un an, ce sont les mêmes mots, ce qui montre aussi que feindre la surprise est d'un cynisme achevé.
Certains parlent aussi de moraliser le secteur bancaire et financier. C'est une blague ! On ne peut moraliser une entreprise de vol caractérisé. Tant que les hommes et les femmes ne se révoltent pas contre cette escroquerie institutionnelle, l'empire du crime a de beaux jours devant lui.