Ce matin, le journal Libération, qui jusqu'ici prit le soin le soin de le caricaturer, donne la parole à Alain Badiou, les rares commentaires du philosophe sur l'actualité agissant comme de petits échos à un entretien où le "démocratisme" est clairement mis en question. Badiou insiste sur la nécessité de "se tenir à distance et de la forme-parti et de l'État, et aussi savoir résister au fétichisme du "mouvement", lequel est toujours l'antichambre du désespoir."
Dans une discussion entre amis hier soir, j'ai pu constater moi-même comme il leur était difficilement acceptable d'assimiler à des pansements les propositions pleines de bons sentiments des uns ou des autres alors que tous les fondements du capitalisme libéral ont perverti en amont le système de repères utilisé. Émettant des doutes sur la rigueur des techniques de la psychologie sociale, même émises par la passionnante Ester Duflo devant le Collège de France, j'apparaissais isolé, "sur un rocher", alors que je soulignais simplement que les termes des enquêtes faussaient les protocoles dès lors qu'ils se réclamaient d'une vérité objective sans approfondir les raisons de l'état des choses et des êtres impliqués. La réduction de l'oppression des peuples à des équations dont les termes sont isolés du contexte m'a toujours révolté. Appliquant au public les techniques de marketing du privé, on ne cherche qu'à guérir des symptômes sans remonter aux causes primordiales. Pour en revenir au désespoir, il faut une bonne dose de volontarisme pour ne pas y sombrer tant l'éducation ne nous prépare qu'à nous conformer, voire dans le meilleur des cas réagir, lorsqu'il n'est de solution que dans l'action.
Plus loin, Alain Badiou (photographié ici lors d'une conférence de Slavoj Žižek à l'E.N.S. en mai 2008 qu'il présentait) rend hommage au "trio exemplaire de la fin du XIXe siècle et du début du XXe : Darwin, Marx, Freud... Trois savants (biologie, économie politique, psychologie clinique)... Qui sont aussi des philosophes (théorie de la vie, de l'histoire, du sujet)... Et des révolutionnaires : contre la théologie créationniste, contre la société de classe, contre la vieille morale sexuelle... Donnant sens à des notions à la fois neuves et fondamentales : l'évolution, la sélection, le capitalisme, le communisme, l'inconscient... Ils ont produit des effets immenses, dans tous les domaines du savoir et de l'action. Ils sont inclassables, inépuisables..."
En ce qui concerne l'actualité française, le message est on ne peut plus simple puisqu'il suggère que la rue appelle (jeudi ?!) à la démission de l'orléaniste Sarkozy tant les fronts se multiplient contre sa politique de destruction massive tous azimuts. De quoi Alain Badiou est-il le nom ? Par son rejet de "l'asthénie régressive", sorte d'aquoibonisme démobilisateur, il ne confond par son refus de vote avec le cynisme du citoyen français que la politique ennuie ou qu'il réduit à des mesurettes tant qu'il peut jouir de ses privilèges.