On pouvait s'y attendre. Les 100 personnalités commentant les 100 œuvres choisies du Centre Pompidou parlent d'elles-mêmes plus que des tableaux qui tiennent lieu de prétextes. La critique obéit toujours à cette règle sous-jacente. Les sujets prennent le pas sur les objets et l'intérêt de l'article tient à la personnalité de celle ou celui qui l'écrit. L'œuvre n'a pas besoin de médiateur pour se transmettre. On prendra donc soin de prendre mon point de vue avec des pincettes !
L'idée du film, succession de 100 clips, est accrocheuse tant la distribution est fameuse, mélange improbable de candides "people", convoqués pour leur célébrité et condamnés à livrer leurs états d'âme ou de comiques pirouettes. L'accumulation n'est pas pire que les Cinématons de Gérard Courant et se laisse un temps regarder puisque l'on zappe toutes les 1'30 sur un nouveau tandem.
Reste la faute de goût majeure de l'illustration musicale qui accompagne chaque séquence en un papier peint épouvantable normalisant l'ensemble. Proposer à une personnalité de commenter l'œuvre de son choix produit des effets variés révélant la sincérité ou la superficialité des invités, produisant le désir de voir ou revoir tel tableau puisqu'ici la durée ne permet que de picorer, à l'image de la consommation générale des expositions. Hélas aucune réflexion n'a guidé le choix des musiques, une soupe indigeste épousant le rythme invariable de chaque séquence, qui ne sont liées ni à l'œuvre ni à son commentaire. C'est dommage, car c'est à cet endroit que le défilé aurait pu devenir un film sans perdre son attrait "grand public". Par cette dialectique audio-visuelle il aurait pu faire œuvre à son tour. Le réalisateur a reproduit l'erreur du cinéma parlant, oubliant que le son est le véritable partenaire de l'image. C'est d'autant plus dommage que le Centre Pompidou, du moins son secteur pédagogique car la circulation entre les services n'est pas le fort de cette monstrueuse institution, avait commandé en son temps de courtes séquences sonores à Gérard Chiron et à moi-même, pour tenter de représenter chaque œuvre en une petite minute, histoire, forme et matériau. Pour que les clips réalisés par Raynal Pellicer dépassent l'accumulation systématique il eusse fallu que les sons, tant et si bien qu'il soit justifié d'en ajouter, renvoient à quelque chose, à l'œuvre, à son auteur, à l'époque ou au lieu de sa création, ou encore à la personnalité qui l'a choisie. Que nenni, c'est raté. L'erreur tient entre autres au "refus de didactisme" proclamé. Là on frise la démagogie. La séquence avec la comédienne Emannuelle Laborit est la plus flagrante du ratage, avec une voix off interprétant son langage sourd-muet sur fond musical ! On pourra toujours se replier vers la curiosité qu'inspirent les commentaires des candides issus "du monde du spectacle, des arts, des médias ou de la société civile" et qui réservent évidemment quelques surprises (dvd, Ed. Montparnasse).