De l'autre côté de la colline, l'herbe est toujours plus verte. Pour savoir ne jamais me heurter à un mur, je contourne l'obstacle. Le prendre à revers c'est tromper l'ennemi qui se réfléchit dans la glace. Les pentes sont à pic. Les distances sont trompeuses. Une vallée peut en cacher une autre. Aucune ne se ressemble. Nous prenons l'habitude du panorama avec ses cimes inaccessibles qui disparaissent chaque matin dans un suffocant nuage de brume et jaillissent à midi sous les rayons d'un radiateur cosmique. Un léger changement de repères et la végétation chavire. Les fleurs ont beau marier le jaune et le mauve ici aussi, ce ne sont pas les mêmes. Les soleils se transforment en clochettes, des cristaux remplacent les étoiles. Et puis il y a l'espace. Space, name it, and I go ! Si la pleine lune nous offre une nuit américaine, quinze jours plus tard l'obscurité de la campagne fait apparaître des millions de trous d'épingle parmi lesquels se meuvent des réflexions satellitaires, des clignotants rouge et vert et des coups de rasoir autorisant les vœux inavouables. Le jour ne peut offrir cette uniformité de l'infini. On aperçoit la route, l'immensité du vert sur lequel se devinent les bestiaux paissant sur l'estive. Nous apprenons à jouir de chaque paysage. Car si ailleurs ou demain l'herbe est plus verte, chaque instant offre un point de vue unique sur le temps qui passe. Il serait dommage de ne jouir de la vie que sous un seul angle !