Le plus étonnant de la série Les Américains qui vient de terminer sa quatrième saison est qu’elle soit produite par la chaîne FX appartenant à la Fox Entertainment Group de Rupert Murdoch, réputée pour son caractère réactionnaire. À l’instar des nombreux films de Hollywood mettant en scène les complots intérieurs et la corruption du système, serait-ce une manière de préserver les apparences de la démocratie, antidote adoucissant contre les dérives d’un État fondé sur le génocide et dont l’économie repose en grande partie sur la guerre et le crime organisé ? Car, après tout, ces forfaits et les manipulations d’opinion qu’ils nécessitent occupent essentiellement le champ de la fiction, comme un exorcisme des dérives que le système pourrait engendrées.


Les Américains, dont le c du titre est remplacé par une faucille et un marteau, est une sorte de mélange entre 24 heures chrono et Desperate Housewives. Un couple marié d’agents soviétiques, construit artificiellement par le KGB, est infiltré dans la vie américaine jusqu’à faire deux enfants qui ignorent tout des activités espionnes de leurs parents. Nous sommes en pleine guerre froide, période Guerre des étoiles de Ronald Reagan. Les États Unis soutiennent les Moudjahidin afghans contre les Soviétiques. La série de quatre saisons de treize épisodes de 46 minutes, qui en comptera six jusqu'en 2018, mêle l’action musclée aux désordres psychologiques de cette famille hors-normes avec des incartades de la vie banlieusarde, d’autant qu’un des principaux agents du FBI chargé de les démasquer habite dans la pavillon en face du leur !
Keri Russell et Matthew Rhys ont des rôles en or puisqu’à transformations, obligés de se grimer sans cesse pour jouer quantité de personnages avec perruques et maquillage. Noah Emmerich joue l’agent Beeman, lui-même en proie aux tentations sexuelles, arme préférée des espions de tous bords.

Le thriller, basé comme tout bon récit d’espionnage sur l’infiltration et le retournement, génère un suspense tous azimuts, opposant l’antenne de KGB domiciliée à l’Ambassade soviétique et le FBI. Le plus étonnant est donc que le couple de faux Américains, voire même une partie de sa hiérarchie, est plus sympathique que la section du FBI qui les traque, même si les uns comme les autres ne font pas dans le sentiment, mais assassinent à qui mieux mieux ceux qui les dérangent. On peut juste trouver étrange, voire énervante, la relation parentale que le couple entretient avec leur fille aînée, attirée par les voies du Seigneur, même si le pasteur est un militant anti-nucléaire. Ils choisissent l’autorité plutôt que la pédagogie pour tenter d’empêcher leur fille de prendre ce chemin. Ce conflit de générations incarné par les filles se retrouve dans presque toutes les séries américaines, de Six Feet Under à Mad Men.
Créée par Joe Weisberg, ancien gradé de la CIA, la série s’appuie sur des évènements réels, en particulier l’affaire des Illegals de 2010, mais il a préféré situer l’action dans les années 80, probablement pour ne pas rendre trop parano son public. L’auteur prétend également se focaliser sur le mariage en général, les relations internationales n’étant qu’une allégorie des relations humaines. Cette vision cynique, méfiante et brutale de l’humanité fait froid dans le dos. Ce sont bien Les Américains !

Les Américains, 4 saisons plus deux à venir, DVD et Canal +