Voilà plus de 20 ans que je n'avais pas entendu Valentin Clastrier, maître incontesté de la vielle à roue. J'écris "incontesté", mais j'imagine que les puristes voient d'un mauvais œil un musicien qui n'est pas issu des musiques traditionnelles, qui a ajouté 17 cordes aux 10 d'origine (grâce au luthier Denis Siorat) et a électrifié son instrument. En 1992 nous l'avions invité sur le cd Opération Blow Up d'Un drame musical instantané. Enregistré ensemble, Nos amis les hommes 423 reste un de mes préférés de l'album. Bernard Vitet est à la trompette et je joue du synthé et de l'échantillonneur. La virtuosité époustouflante de Valentin Clastrier n'a jamais occulté la poésie qui se dégage de son jeu incroyable. Il arrivait déjà à attaquer neuf notes sur un tour de manivelle quand ses collègues n'en produisaient que quatre. Et pendant qu'il tourne il marque le pas sur un gros cube.


Sur son dernier album Valentin Clastrier joue d'une vielle alto électroacoustique construite pour lui par le luthier Wolfgang Weichselbaumer. Parmi les innovations, "la R.V.H. (roue à variation de hauteur) permet de modifier la position de la roue-archet, par rapport au niveau fixe des cordes. Ces variations de hauteur génèrent des différences de volume (nuances), et offrent aussi la possibilité d'un jeu en tapping ou cordes frappées, que l'on peut naturellement alterner avec le jeu frotté habituel." Si l'artiste intègre à sa palette toutes sortes de bruits qui pourraient paraître parasites, c'est toujours pour servir un propos. Chaque morceau est un court métrage évoquant un univers qui ne ressemble à rien de connu. La musique de Valentin Clastrier, à la fois rythmique et lyrique, fait rêver. Elle raconte des histoires à dormir debout, dessine des paysages inouïs et nous renvoie à la question sans réponse.

→ Valentin Clastrier, cd Innacor, dist. L'autre distribution, 16,50€