L'air conditionnel
Par Jean-Jacques Birgé, jeudi 24 avril 2008 à 00:24 :: Humeurs & opinions :: #913 :: rss
Depuis que l'ANPE s'est installée un peu plus haut dans la rue, un énorme bruit de soufflerie sort des grilles du spacieux garage qui jouxte leurs bureaux. La nuit, on dirait le son d'un groupe électrogène fonctionnant sans interruption. Comme je leur rends visite, le directeur a l'amabilité de me montrer leurs nouveaux locaux tous beaux tous blancs avec passerelles et escaliers de métal clair. Mais la lumière zénithale qui tombe de la verrière les "oblige" à recourir à l'air conditionné et c'est là que le bât blesse. L'architecte a fait sortir les énormes tuyaux carrés au rez-de-chaussée, orientés vers le trottoir de manière à ce que toute la rue en profite, la cavité du parking jouant le rôle de caisse de résonance, particulièrement "pompant" la nuit, allez savoir pourquoi. Mon guide n'en sait pas plus, car contrairement aux Assedic qui sont très riches (dixit), les ANPE ne peuvent acheter leurs locaux et les agences sont toutes locataires.
L'air conditionné est un système choquant tant il est gourmand en énergie dans notre époque de gaspillage et de pollution généralisée. J'ai pris la photo à Bangkok depuis la fenêtre de notre hôtel qu'il était impossible d'ouvrir sous peine de ne plus nous entendre. Si j'avais photographié la vue de notre chambre à Manhattan, les appareils auraient été mieux agencés, mais le vacarme aurait été le même. De grandes orgues s'y élèvent vers un ciel invisible en faisant vibrer les façades arrière des gigantesques buildings serrés les uns contre les autres. Leurs fenêtres sont simplement condamnées, comme nous-mêmes à respirer cet air filtré et malsain, au risque de nous prendre pour de vieux légionnaires cacochymes. Ici repose. Dans le monde entier cette folie se développe, sans souci des dégâts écologiques que cette lubie produit.
À New York, par exemple, on crève de chaud l'hiver et on ressort frigorifiés l'été. Le choc thermique aura raison de notre corps si l'on avait résisté à la pollution de l'air. Il faut se trimballer avec un pull-over en pleine canicule, des fois que l'on ait besoin d'entrer faire ses courses dans un magasin ou envie d'aller se payer une toile, et en plein hiver, il vaut mieux choisir des vêtements chauds et légers que l'on pourra ôter et porter sur le bras dès que l'on devra pénétrer où que ce soit. En Asie comme en Amérique, l'été on gèle dans les taxis comme dans le moindre immeuble un peu cossu. L'hiver on dégouline de sueur. Pas moyen de couper la clim' et d'ouvrir la fenêtre tant le bruit est assourdissant ! Les allergiques à ce système abusivement exploité sont donc condamnés à ne pas fermer l'œil de la nuit, dégoulinant dans leur jus puisque les ventilateurs plafonniers ont le plus souvent été envoyés à la décharge. Tant d'absurdité et de gâchis sont consternants. Encore une des manifestations qu'il est coutume d'appeler le progrès.
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