mercredi 28 janvier 2009
Bonne humeur et mauvaise conscience
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 28 janvier 2009 à 00:10 :: Humeurs & opinions
Les deux terrains coexistent. Dans la sphère privée, l'hédonisme est de rigueur. Face à la société humaine, l'addition est douloureuse. On a beau apprécier les grimaces de clown et la danse du ventre, comment accepter le plaisir sans le partager avec le plus grand nombre. La partouse épicurienne à l'échelle de la planète est un rêve d'enfant. Que chacun mange à sa faim, ait un toit et la possibilité de choisir son destin peut sembler un vœu pieu, mais quel autre enjeu vaut-il que l'on s'accroche à la vie ? Le droit de régresser n'est pas donné à tout le monde. L'exploitation de l'homme par l'homme, son assujettissement, les crimes dont il est autant victime que complice empêchent la libido de s'épanouir. Elle renvoie toujours à l'enfance, par le vertige du sexe, la faim du sybarite, l'odeur de sa merde ou la précieuse quête d'un Graal aussi naïve que nécessaire. Le cycle inexorable ressemble plus aux cercles d'un derviche qu'à une évolution. La spirale est double, ascendante dans les élévations de l'âme, abyssale dans sa pitoyable impuissance. Le singe n'arrive plus à se redresser. Nous voilà bien ! À mettre en scène ses contradictions, le corps est plus démonstratif que l'esprit. Pas d'enfumage, mais les manifestations physiques du combat que se livrent le désir de vivre et sa propre incapacité à la partager hors du cercle des initiés. C'est dégueulasse. Que l'on ne s'étonne point que cela fasse mal ou rende malade. Le drame est total, la difficulté d'être absolue. Les nantis de la planète, minorité aux commandes, ayant-droits historiques ou citoyens de base, jouissent ou du moins ils le croient, s'étourdissant dans la consommation des objets ou des sensations. C'est de nous tous, sans exception, dont il s'agit, si vous êtes seulement "équipés" pour lire ces lignes. Mais lorsque la mort se présente que reste-t-il à cet infiniment petit, perdu dans le vaste univers du temps, que la satisfaction d'avoir su prendre et donner, de partager ses richesses et ses interrogations, qu'elles fussent matérielles ou spirituelles ? C'est bref. Raison de plus.
Paysage sylvestre au lever du soleil (1835) de Caspar David Friedrich