mardi 10 janvier 2012
Qu'y a-t-il à voir à filmer un concert ?
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 10 janvier 2012 à 00:00 :: Musique
Edgard Varèse se moquait du public qui se lève et se tord le cou pour voir qui joue de quoi dans la fosse pendant un concert. Seule la musique comptait à ses yeux. Bernard Vitet soutenait que toute représentation est un spectacle et qu'il est nécessaire d'en contrôler l'image. À la télé le jury de The Voice tourne le dos aux candidats pour ne pas être influencé par leur plastique. Aujourd'hui, pour communiquer leur travail sur le Net où le buzz prend parfois, les musiciens ont besoin d'être filmés. Les vidéos YouTube, DailyMotion ou Vimeo tiennent lieu de teasers, bandes-annonces censées attirer le public, et surtout les programmateurs trop paresseux pour se déplacer, ou trop éloignés lorsque l'on vise une diffusion internationale. Le petit film de Françoise Romand sur notre opéra Nabaz'mob nous a ainsi permis de parcourir la planète depuis cinq ans. Mais comment restituer l'émotion du direct ?
On ne peut pas. À défaut de faire œuvre de création (Step Across The Border, Straight No Chaser, 200 Motels, The Death of Klinghoffer, comédies musicales, clips inventifs, biopics...) ou de pédagogie (les films de Bruno Monsaingeon avec Glenn Gould, Les Grandes Répétitions de Luc Ferrari et Gérard Patris...), les captations sont ce qu'elles sont, quels que soient les moyens. Elles représentent parfois des témoignages inestimables (Monterey Pop, Woodstock, Gimme Shelter, Spike Jones, opéras filmés, variétés anthologiques, concerts commentés...), mais elles restent de pâles restitutions de la réalité.
Je ne peux faire exception à la règle quand le groupe Odeia me demande amicalement de filmer un de leurs concerts en appartement. Cela nécessite au moins deux caméras pour effectuer le moindre montage. J'en place une sur pied en plan général et me sers de mon Lumix pour changer d'angle, en essayant de ne pas gêner les spectateurs. Sonia Cruchon fait le maximum pour atténuer la dominante rouge après avoir réussi à monter le peu de rushes que je lui ai fournis. La teinte vert-rose donne un petit côté suranné aux images du trio à cordes qui adapte des morceaux traditionnels chantés par Elsa en grec, français, italien, ladino...
Le groupe Odeia sélectionne trois morceaux pour son site. Le premier est Gorizia, un chant italien anti-militariste qui relate une terrible bataille à la frontière italo-slovène en août 1916. Je me souviens d'Elsa à six ans, chantant La belle est au jardin d'amour sur les remparts de St Jean Pied de Port ; elle le chante avec les mêmes ornements qu'alors, appris avec Claire Caillard, lui conférant une délicate tonalité médiévale.
Enfin Levatillu stu cappeddu est une chanson sicilienne qu'interprétaient, le 4 décembre dernier, la chanteuse Elsa Birgé, le violoniste Lucien Alfonso, le violoncelliste Karsten Hochapfel et le contrebassiste Pierre-Yves Le Jeune. Prochains concerts à Paris le 3 février au 3 Arts, et le 12 à nouveau en appartement.
Photo © Erik Patrix