On a parfois appelé le cinéaste Harun Farocki le Godard allemand, mais, à la revoyure, Alexander Kluge lui est plus comparable, par la variété inventive de son œuvre, son engagement politique et un traitement documentaire de la fiction, ou son contraire ! En effet, le cinéma est incompatible avec la vérité et, dans le même temps, s'en approche parfois au plus près, telle la poésie.
La Cinémathèque Française, concentrée sur l'évènement Jacques Demy que l'on ne manquera pas, risque de passer à l'as la rétrospective qu'elle consacrera à Alexander Kluge du 24 avril au 3 juin, en sa présence.
Le cinéaste et écrivain allemand est un des chefs de file de la Nouvelle Vague allemande des années 60-80. En 1962, il fit partie des initiateurs du manifeste d’Oberhausen qui revendiqua un cinéma d'auteur, indépendant et critique. Il avait été l'élève d'Adorno, l'assistant de Fritz Lang et réalisa dix longs métrages et de très nombreux courts, sans compter ses romans et installations.
L'éditeur Filmmuseum, distribué en France par Choses Vues, a publié quinze double-DVD soit 200 films dont les titres français m'ont paru éloquents : Anita G, Travaux occasionnels d'une esclave, Les artistes sous les chapiteaux : perplexes, Ferdinand le radical, L'indomptable Leni Peickert, Reformikus, L'Allemagne en automne, La patriote, La force des sentiments, L'attaque du présent sur le temps qui reste, La puissance poétique de la théorie, La magie de l'âme obscure, Liberté pour les consonnes, La guerre est la fin de tous les plans, Dans le danger et la plus grande détresse le juste milieu apporte la mort, L’amour est clairvoyant, La Tour Eiffel, King Kong et la femme blanche, L’homme sans tête, Dans la frénésie du travail, Adieu au bon côté de la vie... Comment voulez-vous résumer cela en quelques lignes ? Alexander Kluge dresse un portrait social et politique, historique et intime, philosophique et poétique de l'Allemagne, et de l'humanité. Aucun film ne se ressemble et ses films ne ressemblent à aucun autre.