Hier j'ai perdu la mémoire. Pas vraiment la mienne, mais un peu tout de même. J'ai trop tard découvert que je possédais déjà la dernière version du logiciel. C'est vraiment idiot. Tout ça pour ça. Suivant les indications du mode d'emploi j'ai réinitialisé la pédale d'effets qui m'avait pris tant de temps à programmer. Les indications d'Eventide étaient-elles erronées ou aurais-je appuyé sur une mauvaise combinaison de boutons ? La manipulation consistait pourtant à sauvegarder les programmes sur mon ordinateur avant la mise à jour de la H9Max. J'avais heureusement griffonné pas mal de notes au dos de feuilles de papier usagées, mais mes dernières programmations se sont volatilisées en un instant. Comme je ne les avais encore jamais utilisées, je ne me souviens d'absolument rien, si ce n'est que j'étais très content de ce que j'avais bidouillé. Ce genre de mésaventure est devenue monnaie courante. Avant l'informatique, le feu ou l'eau, le bris ou le temps faisaient disparaître ce à quoi nous tenions. Il faut s'habituer. Rien n'est éternel. Nous ne le sommes pas. Il arrive souvent que nous travaillions pour rien. Cela fait partie de l'incessant processus d'apprentissage. Je vais donc suivre le même protocole que la première fois. Mieux, comme si c'était la première fois ! Avec des oreilles neuves...
La mémoire est un sujet qui m'a toujours passionné. Toute la mémoire du monde, comme chez Alain Resnais. Babel. La saturation du disque dur lorsqu'on vieillit, nous obligeant à jeter des informations pour en accueillir de nouvelles. Le choix, justement, de ce qu'on garde. Le tri. Les trous, de ceux qu'on a sur le bout de la langue. Le recours au livre ? L'informatique change la donne. Mutation de l'espèce. Je connaissais par cœur pratiquement tous les numéros de téléphone de mon calepin. Je dois réciter le mien pour ne pas l'oublier. Je pouvais retrouver un passage d'un bouquin grâce à son emplacement physique dans la page et dans l'épaisseur de l'ouvrage. La liseuse efface ces traces. Je savais dans quel cinéma j'avais vu tel film. Aujourd'hui c'est simple, puisque je les ai tous sous la main. On me dit souvent que j'ai une mémoire phénoménale. C'est le contraire. J'envie les musiciens qui jouent sans partition, les comédiens sur scène... J'ai toujours été très bien organisé. Les petites fiches cartonnées ont laissé la place aux bases de données. J'ai indexé les CD-R sur lesquels dorment mes archives. La fonction Spotlight et le champ Rechercher de mon navigateur, voire de ce blog aux 5000 articles, tiennent lieu de bouée de sauvetage quand je me noie en puisant en vain dans les méandres de mon cerveau. À ma fille qui avait eu une dissertation à rédiger sur le sujet, j'avais répondu qu'il faudrait une seconde vie pour se rappeler de la première. Je ne me souviens même plus comment je pensais terminer cet article.