Le 1er janvier j'évoquai les raisons de mon choix d'enregistrer mes prochaines rencontres musicales en public au Studio GRRR. À l'usage je me rends compte que cela donne autant de travail que jouer dans une salle de concert traditionnelle, mais les conditions techniques et humaines sont autrement plus gratifiantes. Jusqu'ici, en 36 rencontres fabuleuses pendant une douzaine d'années, j'avais nommé Pique-nique au labo ces journées où j'invitais un musicien ou une musicienne à choisir un ou une troisième pour enregistrer un album en une journée, pour le publier aussitôt gratuitement en lecture ou téléchargement. Trois CD physiques (volumes 1-2 et 3) réfléchissent ces expériences étonnantes où je publiais dans l'ordre et pratiquement sans montage nos exploits. L'idée était toujours de jouer pour se rencontrer et non l'inverse comme on en a l'habitude, donc, autant que possible, des artistes qui s'estiment, mais n'avaient jamais performé ensemble. Je me débrouillais chaque fois pour concocter un menu de déjeuner en accord avec leurs goûts. Avec Apéro Labo les agapes ont lieu à l'issue du concert, partagé avec les spectateurs et spectatrices. Donc dimanche dernier marquait la première d'une série que j'espère longue, à raison d'environ un concert ou performance par mois. J'envisage en effet d'autres prestations comme, par exemple, des lectures, ou aux beaux jours des danseurs dans le jardin avec un dispositif instrumental plus sommaire que les ressources du studio. C'est encore tout frais, mais la réception de cette première me donne vraiment envie de continuer...
Le violoniste Mathias Lévy était venu malgré une grippe carabinée qui le collerait au lit les jours suivants. Évidemment, comme tous les artistes, il se laissa porter par le feu de l'action. Je me souviens d'un concert au Gibus en 1974 avec Lard Free où l'on dut me porter en scène et m'en faire descendre, apprenant le lendemain que j'avais une hépatite virale qui m'annihilerait pendant trois semaines. L'invention et le lyrisme de Mathias sont néanmoins toujours aussi bouleversants. Quant au saxophoniste Antonin-Tri Hoang, s'il joua pas mal de clarinette, il avait apporté un petit synthétiseur qui sembla l'exciter cet après-midi-là plus que ses anches. L'instrument a beau être tout petit, Antonin le maîtrise avec la même virtuosité que tout ce qu'il fabrique, et j'étais surpris de ne pas être gêné comme cela peut m'arriver lorsque je joue avec un autre électronicien, ne sachant plus qui fait quoi dans le mixage général. De plus, il avait conçu un protocole participatif avec le public tout à fait réjouissant. Je lui avais demandé d'y penser pour remplacer le tirage aléatoire des thèmes que nous devrions suivre lors de nos compositions instantanées, comme je l'ai souvent pratiqué lors de mes derniers concerts. Je lui avais aussi préalablement envoyé des dizaines de morceaux choisis pour compléter sa playlist de cinq heures, playlist où il piocherait en aléatoire une minute de musique à faire écouter au casque chaque fois à l'un/e de nos invités. L'élu/e pourrait alors commenter, pendant ou après, ce qu'il ou elle écoutait, sans que le reste du public ni nous-mêmes sachent de quoi il s'agit, et ce en évitant les termes musicaux. Ces évocations intimes devenaient ainsi la partition de ce que nous jouerions aussitôt.


Pour l'album Apéro Labo 1 qui paraît donc aujourd'hui, cinq jours après ce concert exécuté devant une trentaine de convives, j'ai conservé avant chaque pièce les interprétations "littéraires" des spectateurs/trices qui se sont chaque fois proposé/e/s pour jouer le jeu. J'ai choisi arbitrairement des titres relatifs à chacune. Se suivent : Allumettes Paillasson, Particules fines, Au delà des galaxies, Un gros Sibérien, Le train ne s'arrête jamais, Combat de chiens coréen, Yemen. J'avais un peu peur de mes qualités d'ingénieur du son, devant réalisé en permanence un double mixage, l'un avec tout le monde pour l'enregistrement, l'autre où seuls les instruments électroniques sont diffusés dans les quatre enceintes entourant le public. Je fus sauvé par le petit magnétophone Nagra ajouté parallèlement pour capter la voix de nos librettistes improvisés. Il faut que je m'y penche sérieusement, mais le son stéréophonique du baladeur est très proche du mixage à 24 voies beaucoup plus sophistiqué. Donc, aucune coupe, les morceaux dans l'ordre où ils furent joués, mais un mixage entièrement original. Comme lors des enregistrements des Pique-nique, je ne fais aucune correction (égalisation), ni à l'enregistrement, ni au mixage ; tout est dans la place des micros et l'écoute des musiciens. Par contre, pour le mixage je remets tout à plat, revoyant totalement les niveaux sonores de chacun, j'ajoute parfois un effet de réverbération sur un instrument, mais c'est tout de même un travail d'orfèvre. Il ne reste plus qu'à fabriquer la pochette et à mettre tout cela en ligne.

→ Birgé Hoang Lévy, Apéro Labo 1, GRRR 3118, gratuit en écoute et téléchargement sur drame.org et Bandcamp

Photo du trio © Martin Meissonnier

N.B.: Le second Apéro Labo aura lieu le dimanche 18 févier avec la tubiste Fanny Meteier et l'altiste Maëlle Desbrosses, superbe rencontre en perspective ! Et l'apéro sera cette fois végétarien. M'écrire si vous désirez y assister. Les places étant limitées et très convoitées, et le bouche à oreille fonctionnant à vitesse V, c'est déjà presque complet. Mais vous pouvez préciser si vous désirez participer à une prochaine, et nous vous enverrons l'annonce en priorité.