Après une création, on se sent souvent vidé. L'hyperactivité cède à la nonchalance, la déprime succède à l'euphorie. Une sorte de mollesse vous envahit, on n'a plus envie de penser au passé, mais on est encore incapable d'envisager l'avenir. No man's land d'un dimanche retrouvé. Il faut se reconstruire. Je doute de savoir ne rien faire. Laisser passer un jour sans blog ? Pas si simple, question d'entraînement.
Alors défilent quelques flashs de la veille. La salle est comble, tout se passe bien. Libération nous interviewe et prend des photos trois minutes avant l'entrée des spectateurs. Antoine ayant fait des corrections de dernière heure pour corriger les bugs, nous découvrons pour la première fois l'opéra des lapins en même temps que le public. On entendrait une mouche volée, mais ce sont les premières notes qui résonnent dans le ventre des bestioles. Lorsqu'un bébé commence à babiller ou à pleurer, difficile de savoir, je susurre à Antoine qu'on va se retrouver avec une nouvelle interprétation de 4'33 tant la salle est silencieuse et les premières mesures délicates (thank you Mr Cage). Et puis ça monte, les lapins s'ébrouent, la musique enfle doucement, à la fois calme et inquiétante. Ouf, c'est passé. Le miracle a eu lieu. Nous saluons au milieu de nos petits interprètes. J'entame mon speech avec la voix de Bugs Bunny, enchaînant avec quelques explications succintes : la partition à trois portées, oreilles-lumières-musique, est la même pour tous les lapins qui se décalent aléatoirement sur une durée de dix secondes, c'est comme si on passait la main sur un tableau fraîchement peint et qu'on l'étale sur dix mètres ! Je termine en envoyant des carottes à la salle, histoire de dégeler l'ambiance compassée de ce genre d'événement, une remise de prix...
Voilà, c'est fini, nous savons déjà quelles améliorations apporter aux futures représentations. C'est trop chou, il faut recommencer. On nous propose une version à mille lapins, Antoine dit qu'on pourrait rallonger le spectacle, il faut donc voir grand, le lapin-garou rôde dans les coulisses... C'était drôle de voir tous les spectateurs allongés autour du podium en train de prendre des photos avec leurs téléphones portables...
Je me dis qu'il faut regarder ailleurs, alors je monte sur le toit, histoire de changer d'angle. Même si le paysage ne peut se déplacer, le temps file devant moi, jour après jour. J'aime le mouvement.