1961. On savait faire du cinéma. Entendre que les réalisateurs utilisaient encore les ressources de la lumière, du décor, du montage, autrement que pour rendre fluide la narration, sans la formater dans une pseudo réalité qui va du réalisme le plus plat aux effets spéciaux les plus bluffants. L'élégance des flashbacks contrastent avec les gros sabots employés aujourd'hui dans la majorité des productions. La musique n'appuyait pas forcément les émotions de façon redondante, des fois que l'on ne comprenne pas dans quelle ambiance on se trouve. Il existe encore de vieux dinosaures pour défendre ce cinéma de l'intelligence et quelques jeunots et jeunettes se battent heureusement pour que perdure le septième art laminé par l'industrie du divertissement.

Belle surprise donc avec ce premier long métrage d'Elio Petri que Carlotta ressort en salles le 20 juin dans une copie superbement restaurée. On connaissait Petri pour Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon et La classe ouvrière va au paradis, mais L'assassin donne envie de découvrir les méconnus Les Jours comptés (I Giorni contati), Il Maestro di Vigevano, La Dixième Victime (La Decima vittima), À chacun son dû (A ciascuno il suo), Un coin tranquille à la campagne (Un Tranquillo posto di campagna), La Propriété, c'est plus le vol (La Proprietà non è più un furto), Todo modo, Les mains sales (Le mani sporche), Buone notizie ovvero la personalità della vittima... Avec le temps qu'il fait et malgré la saison on dira tant mieux, encore des biscuits pour l'hiver !


L'assassin est un guet-apens psychologique dans lequel tombe un bel antiquaire cynique, attiré par le luxe et l'argent, à la fois coincé par la bureaucratie kafkaïenne et le pouvoir policier de l'époque, et par son propre sentiment de culpabilité. Le séducteur est accusé du meurtre de sa "vieille" maîtresse, remarquablement interprétés par Marcello Mastroianni et Micheline Presle. Mais c'est l'Italie d'alors qui est sur la sellette. L'humour n'exclue pas le travail documentaire ni la beauté plastique de l'architecture la critique politique. Le film se hisse facilement à la hauteur des chefs d'œuvre d'Antonioni et des meilleurs de la nouvelle vague, avec en plus un sens aigu de la lutte des classes.