mercredi 3 avril 2024
Numéro spécial de TK-21 consacré à l'acousmatique
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 3 avril 2024 à 07:31 :: Musique
Le numéro 152 de la revue en ligne TK-21 consacré à la musique concrète/acousmatique/électroacoustique (gratuite, mais on peut la soutenir en y adhérant) me rappelle la défunte revue Musique en Jeu fondée en 1970 par Dominique Jameux. À la même époque on pouvait lire les Cahiers Recherche/Musique publiés par l'INA/GRM, ou les revues VH101 et L'Art Vivant dont certains numéros étaient axés sur les musiques contemporaines. J'ignore s'il existe un équivalent aujourd'hui, mais je crains que non. La presse musicale est dramatiquement sinistrée. Or ce récent numéro de TK-21 dont le propos est, comme chaque fois, souvent au travers des images, de réfléchir notre temps est d'une fabuleuse richesse. Et, comme si cela ne suffisait pas, une suite sur le même sujet est sérieusement envisagée. Sollicité moi-même par Martial Verdier pour y pondre un petit sujet, je me suis forcément inscrit en faux par rapport au terme "acousmatique" avec ma Chanson de geste. J'y aborde mon rapport aux machines en évoquant chronologiquement mon périple, agrémenté de l'écoute de First Step, First Tape composé en 1968, Bolet meuble improvisé à l'ARP 2600 en 1975 avec Francis Gorgé, et Power Symphony que j'avais enregistré en 2012 pour le Prix Pictet du temps où j'occupais le poste de directeur musical ds Soirées des Rencontres d'Arles.
J'ai donc commencé la lecture de ce superbe recueil en écoutant Brunhild Ferrari évoquer avec justesse l'œuvre protéiforme de son mari Luc Ferrari, illustrée par un film étonnant de 1962, Spontané IV, quatre improvisations sur schéma orchestral avec l'Ensemble EIMCP dirigé par Konstantin Simonovic et le compositeur. Ce n'est pas un hasard si je me sens des affinités avec lui, car évidemment nul son électronique dans cette pièce réalisée dans le cadre des expériences instrumentales du GRM dont il avait alors la charge. Un petit pas de côté, comme d'hab ! Dans le disque Opération Blow Up (1992) d'Un Drame Musical Instantané figure la collaboration de notre trio intitulée Comedia dell'Amore 224 où Luc est crédité "reportage et voix" tandis que je jouais du synthétiseur et en assumais le mixage.
Le texte de Denis Dufour revient aussi sur son trajet historique, le film d'Esteban Zúñiga Domínguez l'interrogeant sur "l'écriture acousmatique". Suit un entretien vidéo de l'incontournable Michel Chion avec un extrait de son Requiem. Atomes est une création numérique de Simon Girard sur une musique d'Alexandre Yterse. En continuant avec les entretiens de Frédéric Acquaviva ou du duo Kristoff K.Roll entrecoupé des pièces World is the Blues et Corazón Road, je me rends compte que je ne suis pas le seul à considérer l'acousmatique comme un instrument parmi d'autres. C'est une sacrée bande d'iconoclastes qui sont mis là en images !
Deux extraits de son Hörspiel Chasseurs illustrent les propos de l'artiste sonore Amandine Casadamont avec qui j'ai eu le plaisir de commettre plusieurs albums et concerts sous le nom de Harpon. Suivent les témoignages de Bérangère Maximin, Jean-Baptiste Favory, le film Abraxas de Bruno Roche sur une musique de Lionel Marchetti et le live-vidéo de Philippe Boisnard sur celle de Jean Voguet, la visite du magasin de disques Souffle Continu présentée par Théo Jarrier (c'est sur leur label que figure mon duo de 1974 Avant Toute avec Francis Gorgé), les textes La spirale compositionnelle et spirituelle de Karheinz Stockhausen et Musique acousmatique contre impérialisme de l'image de Denis Schmite... C'est copieux, je n'ai pas encore tout lu, ni tout écouté. Survolé évidemment pour en livrer un compte-rendu plus flou que je ne le souhaiterais, mais chaque position réclamerait débat ! Toute la revue est donc merveilleusement illustrée iconographiquement, mais aussi en sons et vidéos, ce numéro donnant fortement envie de se (re)plonger dans tous ceux qui l'ont précédé, et évidemment de s'y abonner.