Des amis, des amies m'ont parfois reproché d'aller trop vite dans mes relations amoureuses, comme si mon enthousiasme faisait peur et empêchait certaines relations de s'établir. J'ai toujours répondu que si c'était la bonne personne pourquoi perdre du temps en simagrées, et en cas de fausse route autant s'en apercevoir le plus tôt possible ! Si je me réfère à mes amours passées, cette promptitude m'a toujours réussi et je reste persuadé que celles que j'ai effarouchées n'étaient pas faites pour moi. Les ruptures ont procédé de la même vitesse, bien que j'en fusse rarement l'initiateur. Cette symétrie se retrouve dans le divorce qui est à la hauteur du mariage, à savoir que plus on y met d'importance, plus le divorce sera douloureux. En voyant les sommes colossales dépensées par les jeunes couples qui se marient je me dis souvent qu'ils n'auront pas fini d'en rembourser les frais avant de se séparer ! Mes deux divorces avec des femmes que j'ai beaucoup aimées se sont passés à l'amiable. Nous avions habité ensemble dès le premier jour et avons profité de notre complicité de très nombreuses années. Mes liaisons plus courtes, bien qu'assez longues, n'ont pas été différentes. Lorsque je repense à ce que nous avons vécu je n'en conserve que de bons souvenirs. À quoi bon ressasser nos erreurs ? J'ai été heureux avec toutes (enfin, sauf une, il était probablement nécessaire de se tromper au moins une fois, mais cela avait duré tout de même deux ans !) et, grâce leur soit rendue, j'ai l'impression d'avoir été chaque fois un homme meilleur. C'est dire qu'à mon âge canonique j'espère m'approcher de la notion de Mensch, rare trace de ma culture ancestrale.
J'avais d'abord titré "I know where I'm going", comme le film de Michael Powell que j'adore, et pour cause, il y a des évidences, trop rares, raison de plus pour ne pas les laisser passer. Si je peux parfaitement identifier mon désir, suis-je pour autant capable de sentir la réciprocité, indispensable pour faire ensemble un bout de chemin, sans ne jamais s'ennuyer, dans une confiance mutuelle absolue, et une acceptation totale de l'autre ? Je me suis parfois leurré, mais fus rembarré suffisamment tôt pour que cela n'ait aucune gravité. Lorsque le regard de l'autre fait miroir, jaillit l'élan le plus fou. La raison s'efface alors, remplacée par une certitude qui me rappelle l'improvisation musicale. Comme on se surprend soi-même, on acceptera les mystères qui meuvent l'être aimé en se fiant à son intuition, surtout si elle a fait ses preuves. Cela n'empêche pas la plus grande fébrilité, car à l'instant de la rencontre on n'est encore rien, portant pourtant l'énorme bagage du déficit des années antérieures. Est-on alors capable de s'en débarrasser pour renaître comme au premier jour ? Peut-on avoir l'innocence de croire que tout est encore possible, à chaque moment de l'existence ? Lorsque la magie opère, il ne faut surtout pas s'endormir et entretenir la flamme, légère, brûlante, merveilleuse.

P.S.: oui, c'est l'été, on peut jouer, je me laisse pousser la barbe ; et dans une seconde il va pleuvoir des hallebardes, c'est bon pour le jardin. Quant à mon petit article, n'y cherchez pas de sous-entendus, j'ai tenu ces propos de tous temps, ce qui ne m'empêche pas de rêver, même s'il faut toujours prendre en compte le temps entre la foudre et le tonnerre, il y a un fichu délai entre l'image et le son...
J'ajouterai que mes amitiés furent toujours aussi évidentes, tant dans la rencontre que dans d'éventuelles ruptures.