Je venais de regarder Brian Wilson - Le génie empêché des Beach Boys réalisé par Christophe Conte. C'est toujours sympa de regarder un documentaire sur lui et son groupe, mais je connaissais le Making Pet Sounds de Martin R. Smith et Matthew Longfellow, Brian Wilson: I Just Wasn't Made for These Times de Don Was et évidemment l'excellent biopic Love & Mercy de Bill Pohlad. Arte.tv diffuse ce doc en accès libre comme beaucoup d'excellents programmes, telles les séries La maison von Kummerveldt, Un espion très recherché (Bez vědomí), Bron ou la version originale britannique de Utopia, ainsi que des tas de films de fiction et documentaires. Comme j'en parle à ma fille, elle me suggère de regarder The Mamas & the Papas - California Dreamin' réalisé par France Swimberge et diffusé sur la chaîne franco-allemande...
En dehors de l'intérêt pour le groupe, le film a l'avantage de resituer leur aventure dans l'époque, soit avant le Summer of Love lorsqu'ils chantaient du folk, en passant par les émeutes de Watts en 1965 et le Monterey Pop Festival en 67, jusqu'au massacre perpétué par la Charles Manson Family en 69, année qui sonnera le glas de l'euphorie avec également le festival d'Altamont montré par les frères Maysles et Charlotte Zwerin dans le formidable Gimme Shelter.
Est-ce parce que c'était il y a plus d'un demi-siècle et que ma mémoire fait défaut, ou parce qu'avec le temps je comprends seulement aujourd'hui l'influence considérable que mon voyage de trois mois aux États-Unis à l'été 68, seul avec ma petite sœur, eut sur moi qui n'avais que 15 ans ? J'ai souvent parlé de cette année-là, commencée avec les Évènements de Mai auxquels je participai activement, comme du passage du noir et blanc à la couleur. Pourquoi certaines images me font venir les larmes ? Les hippies chez qui je vivais à San Francisco m'avaient fait fumer mes premiers joints et bientôt je testerai le LSD, premier trip en Technicolor. Leur père était le médecin des Black Panthers, leur mère d'origine japonaise avait été internée dans un camp aux USA avec toute sa famille pendant la Seconde Guerre Mondiale. Leur grande voiture décollait du sol à chaque intersection comme dans Bullitt, le Grateful Dead jouait au Fillmore West, je n'en croyais ni mes yeux ni mes oreilles, ou peut-être au contraire je vivais à fond ce voyage initiatique fabuleux qui m'avait fait traverser le pays d'est en ouest et du nord au sud, comme si tout coulait de source. J'étais Peace & Love depuis si longtemps. Je le suis probablement resté, une des clefs de ce que je suis devenu. C'est aussi au cours de ce voyage que j'ai décidé de faire de la musique grâce à Frank Zappa que je retrouverai en France à mon retour.


Si j'ai raconté cette incroyable saga dans mon roman augmenté USA 1968 deux enfants, je n'avais pas entrevu toutes les répercutions que ce voyage aurait sur moi ensuite. Écrit en 2012 exclusivement pour iPad parce qu'il intègre des photographies, des films, des passages sonores et musicaux, une œuvre interactive et des animations graphiques, je pense le mettre à jour lors d'une prochaine réédition, cette fois en papier, actuellement en cours de négociation. Le choix de diffusion des médias audiovisuels faisant intimement partie du récit est encore à l'étude. Je me rends compte de la chance inestimable qui fut la mienne de traverser les États-Unis en 1968 et de vivre autant d'aventures improbables alors que les voyages outre-atlantique n'étaient pas courants. J'emboîtai le pas à cette époque hyper créative et ne m'en départis jamais.
Pour la petite histoire, j'étais amoureux de Michelle Phillips, l'autre chanteuse avec Cass Elliot des Mamas & The Papas, et plus tard je chantai Michelle ma belle à la mère de ma fille qui portait ce prénom ! Est-ce un hasard, si je me dis qu'auparavant j'en avais aimé d'autres qui portait le prénom de ma mère ? Ou, fasciné enfant par Lauren Bacall, j'avais tout de même rencontrée une Lorraine, bien que trop jeune pour qu'il se passât quoi que ce soit... On pense se réinventer, mais le passé imprime des émotions qui nous échappent et dirigent nos pas. Heureusement, je n'ai pas perdu mon goût pour les surprises !