L'intérieur de mon nouveau CD, Pique-nique au labo 3, est le détail d'un tableau de mc gayffier qui en a réalisé la pochette. Lucioles est une huile et impression sur panneau de 60x70cm, d'après une photo de l'Américaine Lora Webb Nicols (1883-1962). L'idée des lucioles (lampyridae) lui serait-elle venue du Tombeau des lucioles, l'époustouflant film d'animation d'Isao Takahata ? Une bombe incendiaire était tombée sur le ville de Kōbe. Deux enfants y sont livrés à eux-mêmes. Métaphore de notre monde moderne où nos enfants luttent contre la désintégration de notre planète en se soulevant de la Terre ? Et bien non, c'est Pier Paolo Pasolini qui s'y colle ! mc gayffier rend là hommage à Pasolini (1922-1975) dont l'article sur les lucioles fut publié dans le journal Corriere della Sierra du 1er février 1975 (il sera assassiné dans la nuit du 1ᵉʳ au 2 novembre) sous le titre Il vuoto del potere in Italia (Le vide du pouvoir en Italie), repris dans son livre Écrits corsaires, et analysé par Georges Didi-Huberman dans Survivance des lucioles aux Éditions de Minuit en 2009 ! Alors que la plasticienne avait tablé sur l'aspect pique-nique des deux premiers volumes en jouant sur l'herbe et les petites bêtes qui s'y promènent, la musique de ce troisième volume, dans l'ensemble plus sombre et menaçante, lui a cette fois peut-être inspiré le sujet du laboratoire des Curie avec la radioactivité qui leur colle à la peau jusqu'à l'issue fatale...


Son tableau me rappelle une photographie de 2007 de Michel Séméniako dont il m'avait offert un tirage pour mon soixantième anniversaire. Tirée de la série Lettres d'amour des mouches à feu, il représente une pause d'environ un quart d'heure lors d'une nuit italienne. On peut le constater à la traînée de lumière laissée par les étoiles. Michel Corbou avait souligné ce "moment de poésie, une parenthèse de goût, loin du bruit et de la fureur. Réalisées dans le Piémont avec la complicité d’un entomologiste, ces images s’attachent à l’infiniment fragile et tutoient amoureusement l’invisible. Les signaux lumineux émis par les lucioles (mouches à feu), dans leur recherche du partenaire amoureux, sont de l’ordre de l’indicible. Un quantième de seconde qu’il faut savoir appréhender avec toute l’humilité nécessaire afin d’ÉCOUTER ces lettres d’amour. »


Il est amusant de noter que mes visiteurs imaginent que cette photographie est un tableau tandis que celles ou ceux (doit-on écrire cielles ou ciels ?) qui ouvrent l'album CD pensent que le tableau de mc gayffier est une photographie. Comme le suggérait Seurat à son ami Signac depuis Honfleur : "Allons nous soûler de lumière, ça console." J'ajouterai qu'en ce qui me concerne que c'est plus souvent de la musique que me vient la consolation lorsque je n'ai plus assez de larmes. Son ou lumière, caresses ou mets délicieux, chacun cherche dans le bon sens qui ne saurait mentir et trouve les mouches à feu qui l'apaisent ou lui font retrouver le sourire. Dans tous les cas rêve d'une enfance perdue et retrouvée.