Le joli coffret en carton rouge marque d'emblée l'aspect artisanal de l'entreprise. Il abrite deux CD accompagnés de petits livrets avec des textes de Hervé Péjaudier et une préface de Jean Rochard. L'objet justifie donc son acquisition plutôt que quelque version dématérialisée qui, de toute manière, convient mal à ce type de musique, des improvisations à deux voix pour alto (Guillaume Roy) et violoncelle (Didier Petit) que l'on retrouve dans le deuxième disque en trio, successivement avec le chanteur Kristof Hiriart, la clarinettiste Catherine Delaunay, le percussionniste-électronicien Michele Rabbia, Daunik Lazro au sax baryton, Yaping Wang au guqin (sorte de cithare chinoise) et Christiane Bopp au trombone.
Les cordes de Petit et Roy me font penser à un essaim dont la densité excite la charge électrique. Si Petit joua un temps avec des abeilles, il est souvent pieds nus, avec l'habitude de se promener la crosse sur l'épaule. Quant à Roy il a souvent croisé le fer au sein du Quatuor IXI. Les deux musiciens volètent, tourbillonnent, se croisent, se fondent en un ballet hyménoptère donnant naissance à un hyperorganisme devant lequel ils s'effacent, leurs cordes individuelles dessinant chaîne et trame pour tisser une toile arachnide dans laquelle se prend l'histoire de la musique. J'écris "de la musique" comme si elle était une, mais elle est ici plusieurs, racines classiques et populaires, rhizomes de plus d'un mycélium. Le titre du premier album À l'est du soleil laisse penser que c'est encore la nuit...
Le second, Programmes communs, fait référence à des petits arrangements avec les vivants, comme un Tarot taoïste. Pour Le bateleur, Kristof Hiriart, "Langues comme une", articule un murmure, les cordes vocales se transformant en chant et cri au contact de celles de Petit et Roy, et pour L'amoureux, "Programme commun", le Basque frôle le lettrisme. Pour La prêtresse, Catherine Delaunay, "L'arbre à palabres", escalade les filetages du duo comme les branches d'un arbre dont les feuilles seraient des notes qui se ressemblent. Pour L'impératrice, Michele Rabbia, "La position du trépied", prend le temps des bruits de sa cité. Pour L'empereur, Daunik Lazro, "La vie des strates", laisse les archets imiter l'anche et la sienne prend son souffle, rauque et grinçante. Pour L'hiérophante, Yaping Wang, "Douceur carmin", en pince aussi savamment que sauvagement. Pour Le chariot, Christiane Bopp, "Souffle commun", signale délicatement que l'on est arrivés à bon port.

→ Petit Roy, À l'est du soleil + Programmes communs, coffret 2 CD In Situ, dist. Orkhêstra International et Allumés du Jazz