Le jazz ou le free jazz n'en finissent pas de se transformer, voire de renaître s'il a tendance à s'endormir sur ses lauriers swing ou libertaires. L'écriture préalable et l'instantanée se font des courbettes. L'actualité s'appuie sur les leçons du passé. Dans le nouveau disque de Japanic, le groupe mené par la pianiste Aki Takase, l'énergie tient le cap. Ce n'est pas pour rien que l'album s'intitule Forte. On y retrouve le saxophoniste Daniel Erdmann, au ténor et au soprano, carrément abonné au label hongrois BMC, qui tient une fois de plus ses promesses. La contrebasse est entre les mains de Carlos Bica, la batterie dans celles de Dag Magnus Narvesen. Le platiniste Vincent von Schlippenbach confère une originalité particulière à l'ensemble lorsqu'il scratche des voix, de vieilles cires ou jongle avec les timbres. Son papa (et compagnon d'Aki Takase), le célèbre pianiste de free jazz Alexander von Schlippenbach, et le tromboniste Nils Wogram viennent en renfort ici ou là. En finale nous avons droit à un duo piano-trombone sur I'm confessin' de Chris Smith popularisé par Fats Waller, manière de rendre hommage à tous ceux qui les ont précédés et sans qui il n'y aurait pas de renouveau.


Le renouveau du jazz passe aussi par ses hybridations avec d'autres musiques, souvent venues d'autres continents. Ce choix permet aux Laughing Bastards de mener la danse, d'Ethiopie en Jamaïque en faisant un crochet par les pays slaves. Ces emprunts sont autant de séduisants Fetish qui donnent son nom à l'album. Michel Mast au saxophone ténor, Jan-Sebastiaan Degeyter passant des guitares au banjo ou à l'omnichord, Eline Duerinck au violoncelle, Cyrille Obermüller à la contrebasse, Marcos Della Rocha à la batterie et aux percussions sautent d'un pied sur l'autre en glissant sur la piste comme des pros de la valse. Ces Belges de Gand ont la tendresse en ligne de mire. Si les couleurs sont caméristes, leurs mélodies font pop.

Donc deux manières d'envisager le jazz, dans la force ou la retenue, un temps pour tout, mais toujours entre tradition et modernité :
→ Aki Takase, Forte, CD BMC, dist. Socadisc, 11€
→ Laughing Bastards, Fetish, CD BMC, dist. Socadisc, 11€