jeudi 10 avril 2008
Des yeux pour voir...
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 10 avril 2008 à 00:07 :: Humeurs & opinions
De même qu'il est absolument impensable de prendre pour argent comptant la globalité des informations véhiculées par la presse qui ne fait que développer ce que les grandes agences officielles lui communiquent (AFP, Reuters...) - rappelez-vous, par exemple, les récentes affaires de RER ou même d'Outreau - nous devons rester extrêmement prudents avec celles que nous recevons quotidiennement sur Internet et ne surtout rien réexpédier avant d'en avoir vérifier l'authenticité. Les mails dénonciateurs à scandale s'avèrent souvent être des informations passablement tronquées ou se révèlent de simples hoax qui encombrent le réseau et font perdre toute crédibilité à "la résistance" qui s'y développe, ce qui est peut-être le but de ceux qui les inventent.
Hier, j'avais déjà écrit les trois premières propositions lorsque Françoise m'a fait suivre l'enquête de Michel Collon. Il y avait quelque chose qui ne collait pas entre la photographie et son commentaire. Pas besoin d'être très malin, j'avais "vu" juste l'image avant de lire : le coup d'œil initial ne correspondait pas à la légende. Peut-être parce que j'ai l'habitude de chercher le hors-champ et qu'ici l'attitude des badauds en disait long...
En 1989, le prétendu charnier de Timisoara en Roumanie nous avait mis la puce à l'oreille. La même année, l'exécution du couple Ceauşescu nous a immédiatement paru une mise en scène. La localisation de leurs blessures ne correspondait pas aux impacts des balles filmés sur le mur derrière eux. Procès expéditif, rien ne collait, aujourd'hui j'ai oublié les détails, inhumation dans une tombe anonyme, on a vite fait de se débarrasser de la question.
Pendant la première guerre du Golfe, à quinze jours d'intervalle, je vois à la télévision le même pont détruit sous deux noms différents. Les oiseaux mazoutés du Koweït ne faisaient pas non plus partie de la faune locale. Et les puits de pétrole étaient censés brûler pendant des années et des années... Douze ans plus tard, on comprendra que Saddam Hussein n'a probablement pas été arrêté à cette saison, mais six mois plus tôt, l'état de la végétation (les palmiers à l'arrière-plan) jouant le rôle d'indice révélateur. Les images imprécises d'usines d'armes de destruction massive en Irak font partie du lot...
On a beau voir et revoir les films réalisés autour du 11 septembre 2001, on reste coi devant la crédulité du public. Les démonstrations sont pourtant renversantes (1 2 3). À moins de rebondissements spectaculaires dont les Américains ont le secret, la version officielle du gouvernement Bush figurera dans les livres d'histoire et le président des États Unis ne sera jamais traduit en justice.
En Union Soviétique, les victimes des purges staliniennes étaient systématiquement effacées des photos de groupe. On pourrait jouer au jeu des sept erreurs tellement l'évidence saute aux yeux.
Je ne cite que quelques exemples qui me reviennent à l'esprit ce matin, mais la liste est longue, des manipulations reconnues, de celles qui le seront un jour, de toutes celles qui passeront à la trappe. En ce qui concerne les légendes abusives, tronquées, détournées, le meilleur exemple est de regarder les actualités télévisées qui ne montrent rien et disent tout, tout ce que les téléspectateurs doivent en penser. Le contre exemple pourrait être représenté par le passionnant magazine No comment sur la chaîne Euronews, mais il y a toujours une façon de cadrer ou de monter les images. Un documentaire, même sans être accompagné du rituel commentaire, n'a rien à voir avec une prétendue vérité. Le cinéma-vérité est une pure vue de l'esprit, une arnaque digne du marketing. LA vérité elle-même n'existe pas, nous apprenait-on en philo au lycée. Il faut en voir de toutes les couleurs pour faire ses choix, regarder, écouter, prendre ses distances avec les évidences et se demander encore et encore "pourquoi?". La théorie du complot, déclinée de diverses manières selon les époques ou les enjeux géopolitiques, peut évidemment engendrer des effets révisionnistes. Il est donc nécessaire de creuser les zones de doute en s'informant de diverses manières, accepter de changer d'angle, analyser les arguments des uns et des autres, en réfléchissant chaque fois à qui profite le crime ?