Orwellisation de la presse française
Par Jean-Jacques Birgé, vendredi 22 août 2008 à 02:16 :: Humeurs & opinions :: #1049 :: rss
Pierre-Oscar pense à moi régulièrement en m'indiquant des sujets épineux. Cette façon de rester en contact par médias interposés nous permet de dialoguer même si nous sommes immergés dans nos projets propres, nos vies, nos combats. Mails, vidéos en ligne, blogs, commentaires dessinent une carte du Pas Tendre, en toute amitié, pour ramper dans la fange géopolitique.
La désinformation, comme l'appelle Jean-Claude en se calant devant le 20 heures, est à son comble. Les États Unis financent Reporters Sans Frontières pour tenter de déstabiliser la Chine, ils arment la Géorgie pour continuer leur encerclement de la Russie, ils soutiennent Israël pour assurer leurs bases au Proche et Moyen-Orient, occupent l'Irak et menacent l'Iran en lorgnant sur leur pétrole, visent la Syrie pour faire passer leurs oléoducs, etc. La liste remplirait un annuaire du téléphone. La France, malhabile petit soldat, leur emboîte le pas en essayant de les imiter avec relativement peu de succès (revoir par exemple le formidable documentaire "À qui profite la cocaïne ?" de Mylène Sauloy et Gilles de Maistre), sauf pour étouffer les affaires, une spécialité locale (le Rwanda, Elf, les frégates de Taïwan, la Bosnie, Clearstream, UIMM, etc.). Ces lignes ne dédouanent pas pour autant la Chine, la Russie, les pays arabes, etc., mais se poser en défenseurs de la démocratie est d'un cynisme achevé.
Lorsqu'un journaliste d'une chaîne publique ne suit pas la ligne gouvernementale mensongère qui soutient les USA et Israël, il est simplement viré. Ainsi, Richard Labévière, rédacteur en chef à Radio France International (RFI) s'explique sur son licenciement abusif après son interview exclusive du Président syrien Bachar el Assad en juillet dernier. Cela se produit au moment au Christine Ockrent-Kouchner et Alain de Pouzilhac prennent la direction de l'Audiovisuel Extérieur de la France (AEF, soit RFI, TV5 Monde et France 24). Il s'agit simplement "d'imposer une lecture unique, néo-conservatrice et inconditionnellement pro-israélienne des crises et des relations internationales" au Moyen-Orient.
Texte de la pétition de soutien à Richard Labévière en cliquant sur "Lire la suite".
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Le 8 juillet 2008, Richard Labévière, rédacteur en chef à Radio France Internationale (RFI), expert des questions proche et moyen-orientales, auteur de plusieurs ouvrages traduits dans plusieurs langues sur ces questions, réalise à Damas une interview exclusive du président syrien Bachar al-Assad avant son voyage à Paris, pour RFI et TV5-Monde – deux filiales de la holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF) : dans n’importe quel organe d’information, cette réussite journalistique serait saluée par la direction. À RFI, il en va tout autrement : l’affaire se transforme en « faute grave », passible de licenciement. Celui-ci, escorté d’un étonnant bouquet de fautes de procédures, est signifié au journaliste par Alain de Pouzilhac, PDG de l'AEF, le lundi 11 août. Sans que le Conseil de discipline se soit prononcé.
Et le dossier est vide, d’un vide abyssal. Il reproche à l’intervieweur de n’avoir pas prévenu à temps sa hiérarchie – mais elle l’était (par écrit) cinq jours avant l’interview. Il lui impute des dysfonctionnements de production - mais les directions de RFI et TV5-Monde en sont seules responsables. Et tout à l’avenant. Lorsqu’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Serait-ce que le journaliste n’est pas conforme à la doxa en vigueur ?
Cette manière brutale et injustifiée, au mépris du droit, de se débarrasser d’un journaliste qui déplaît, augure mal de la suite. L’affaire, précipitamment bouclée au coeur du calme estival, va bien au-delà d’un classique abus de pouvoir. Elle pourrait être emblématique de la reprise en mains de l’Audiovisuel extérieur de la France sur les contenus éditoriaux, comme du plan social à venir, dont chacun sait que la première cible est RFI.
L'affaire Richard Labévière s’inscrit dans l’orwellisation en cours de la presse française, la remise en cause du pluralisme journalistique et de la liberté d’expression au pays des Lumières. Avec, pour horizon, la volonté d’imposer une lecture unique, néo-conservatrice et inconditionnellement pro-israélienne des crises et des relations internationales.
Soutenir ce journaliste irréprochable, qui assigne en justice la chaîne publique qui l'employait, c'est soutenir la presse libre dont tout citoyen a besoin.
Commentaires
1. Le vendredi 22 août 2008 à 22:12, par rodrigue
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