samedi 9 mai 2009
Objecteurs de croissance
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 9 mai 2009 à 00:04 :: Humeurs & opinions
Il y a une semaine, Libération publiait un entretien passionnant avec le politologue et écrivain Paul Ariès, directeur de la nouvelle publication Le Sarkophage, prônant le ralentissement de la société et sa relocalisation. Il nous invite ainsi, individuellement et collectivement, à retrouver le sens des limites. Les comparaisons sont éloquentes : là où un individu sans limites ira les chercher dans la conduite à risques, la toxicomanie, le suicide, la société explosera les inégalités, épuisera les ressources, exacerbera les conflits...
Ariès commence par nous mettre en garde contre les conséquences des crises qui accouchent plus souvent d'Hitler et Staline que de Gandhi et nous incite à apprendre à vivre beaucoup mieux avec beaucoup moins. Pour ce faire, la première décroissance suggérée est celle des inégalités sociales, car sans elle les classes moyennes continueront de tenter d'imiter les classes aisées, etc. Le monde entier ne pourra jouir des avantages des quelques nantis. Trois milliards d'automobiles est par exemple une chose impossible ! Seule issue, sortir de la civilisation automobile au profit de transports en commun quasi gratuits. Le "toujours plus" n'est viable ni dans le modèle capitaliste, ni dans celui du socialisme. Il faut donc changer notre façon de penser, décoloniser notre imaginaire de consommateur. Ariès, qui choisit la voie démocratique pour compter ses partisans, articule la décroissance sous trois formes de résistance : individuelle en accord avec nos propres idées, collective en développant des alternatives au cœur de la société, politique pour éviter la récupération par un capitalisme avide de toutes les critiques pour se régénérer. Ariès termine en évoquant le désir, moteur incontournable pour nous sortir de l'ornière où nous nous sommes fichus.
Évidemment je résume un texte qui lui-même reprend très succinctement la pensée de l'auteur. Mais c'est certainement aujourd'hui la proposition d'action la plus lucide face au gâchis, au saccage, au crime de masse organisé, à la folie de la vitesse qui nous dévorent tous tel le dieu Moloch. Si nous ne décidons pas d'enrayer la folie qui nous mène par le bout du nez, nous courrons droit à la catastrophe, et nous la savons.