mardi 4 octobre 2011
Burroughs sur la piste Willner
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 4 octobre 2011 à 06:05 :: Musique
J'ai suivi la piste Hal Willner, dans cette jungle peuplée de milliers d'albums. Un indice d'abord, le seul album sous son nom, bourré de samples de 78 tours des années 20, s'appelle Whoops, I'm an Indian. Reprendre la même recherche à intervalles plus ou moins réguliers ne produit pas les mêmes résultats. J'ai commencé en 1981 avec la compilation Amarcord Nino Rota avec Jaki Byard, Carla Bley, Bill Frisell, Muhal Richard Abrams, Steve Lacy, etc., et That's The Way I Feel Now: A Tribute to Thelonious Monk (1984) avec John Zorn, Peter Frampton, Dr John, Carla Bley, Steve Lacy, Randy Weston, Eugene Chadbourne, etc. De ce producteur spécialiste de compilations dont chaque contribution est un hommage, j'ai déjà évoqué ici Lost in the Stars: The Music of Kurt Weill (1985) avec Sting, Marianne Faithfull, Van Dyke Parks, Lou Reed, Tom Waits, Elliott Sharp, Charlie Haden, etc. et Weird Nightmare: Meditations on Mingus (1992) avec Bill Frisell, Vernon Reid, Henry Rollins, Keith Richards, Charlie Watts, Don Byron, Henry Threadgill, Gary Lucas, Bobby Previte, Leonard Cohen, Diamanda Galás, Chuck D, Elvis Costello sur des instruments de Harry Partch. J'aurais pu ajouter Stay Awake: Various Interpretations of Music from Vintage Disney Films (1988) avec Sun Ra, Sinéad O'Connor, Ringo Starr, Yma Sumac, Suzanne Vega, ou September Songs: The Music of Kurt Weill (1995) avec Nick Cave et P J Harvey... La distribution ressemble au trottoir de Sunset Boulevard ! Les étoiles apportent leurs tributs à l'édifice. se succèdent Stormy Weather: The Music of Harold Arlen (2005), Rogue's Gallery: Pirate Ballads, Sea Songs, and Chanteys (2006), Harry Smith Project: Anthology of American Folk Music Revisited (2006) sans citer ses propres contributions à maints albums de ses invités... Il produit autant d'hommages live que d'étonnants albums, proposant aux artistes des rôles inattendus. Ses projets sont des remix inventifs où le passé et l'avenir se percutent en une série d'imprévisibles accidents. Ce chroniqueur encyclopédiste, jamais aussi bon qu'au service de ceux qu'il aime, dessine un portrait culturel de l'époque sans craindre de mêler les éléments populaires aux trucs les plus hirsutes.
En cherchant d'autres albums que son sublime travail sur Carl Stalling (avec Zorn en directeur artistique !) je tombe sur ses collaborations avec des écrivains, et en particulier deux albums avec William Burroughs, Dead City Radio (1990) avec un accompagnement de Sonic Youth, Donald Fagen, John Cale et d'autres, et Spare Ass Annie and Other Tales (1996) avec The Disposable Heroes of Hiphoprisy. Ah, que tous les amateurs de slam écoutent le flow de Burroughs, voix rugueuse et tranchante, portrait au couteau anticipant notre civilisation décadente, et le groove de Michael Franti et Rono Tse. Les citations classiques jouent les contrepoints en un mixage radiophonique pétillant d'à propos. J'ai commandé le premier, ainsi que The Lion For Real d'Allen Ginsberg avec Bill Frisell, Philip Glass, Paul McCartney, et deux autres CD contributifs, Leonard Cohen I'm Your Man et In With the Out Crowd de Bob Holman. En cherchant sur le Net on trouve la plupart pour moins de 8 euros. Closed on Account of Rabies (1997) d'Edgar Allan Poe avec Iggy Pop, Diamanda Galás, Abel Ferrara, Christopher Walken, Gabriel Byrne, Marianne Faithfull, Dr John, Jeff Buckley, semble plus dur à trouver à un prix raisonnable. J'aurais bien indexé chaque nom en hypertexte, mais il n'en resterait plus aucun qui ne soit pas souligné. Il serait temps de rendre hommage à son tour à ce touche à tout effervescent.