mercredi 11 janvier 2012
Terra Nova by Spielberg, ou on efface tout et on recommence pareil
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 11 janvier 2012 à 00:35 :: Cinéma & DVD
La série Terra Nova (sur Canal + à partir du 19 janvier) ressemble à son producteur Steven Spielberg car, encore cette fois, une famille américaine est au centre de l'aventure, les adolescents étant systématiquement confrontés aux adultes. La science-fiction croise aussi Jurassic Park puisqu'une faille dans l'espace-temps permet à une colonie d'êtres humains de 2149, ère de fin du monde pour ne pas varier du thème en vogue au cinéma actuellement, de revenir 85 millions en arrière pour retrouver la mère nature. Comme au Crétacé règnent les dinosaures, l'affrontement entre les monstres préhistoriques et les scouts suréquipés est spectaculaire, sans négliger le combat entre les gros méchants caricaturaux, avides de profit à court terme, et les citoyens en quête de paix condamnés à se défendre. Les premiers épisodes sont plutôt anecdotiques jusqu'à ce que l'intrigue commence à pointer son nez à partir seulement du huitième épisode d'une première saison qui n'en compte que treize.
À y regarder de plus près, soit s'infliger l'intégrale avec ses violonades sentimentales et ses cavalcades in the jungle, la révolte immature des jeunes gens semble préoccuper les auteurs rassemblés autour de la scénariste Kelly Marcel. La lutte fratricide que se livre les adultes sous la férule d'un militaire de carrière aux cheveux blancs et aux plaques de chocolat intactes ou de ses adversaires, vilaine rebelle black et sponsors cupides, n'est pourtant pas du meilleur exemple. Malgré cela, les ados n'arrêtent pas de désobéir, mentir, multiplier les bévues, se laisser berner, etc., et leurs parents de toujours pardonner, parce qu'après tout c'est leur chair ! L'absence du père chez Spielberg n'est toujours pas digérée, et les femmes n'y suffisent pas, se sacrifiant régulièrement.
La grande constante du cinéma actuel est donc la fin du monde, générant soit l'extinction de toute vie sur Terre, soit la fuite salvatrice pour un petit nombre. Y voir l'incapacité de l'humanité à enrayer le processus morbide et le cynisme des riches à chercher à s'en sortir en laissant crever la majorité. L'arrogance actuelle des financiers est-elle déjà conformée à la colonisation de quelque nouvelle planète ? La classe moyenne, ruinée, irait rejoindre les pauvres se laisser mourir ou s'entretuer.
Cette perspective peu réjouissante me contrarie pour une raison idiote, matérielle et égoïste, car je m'en voudrais de hurler avec les loups. En effet, depuis des lustres j'essaye de monter un projet de science-fiction intitulé L'astre qui ne plaisait à (presque) personne et qui se décline aujourd'hui à toutes les sauces : on savait qu'on allait mourir, mais on ignorait que ce serait tous ensemble. Je range donc L'astre dans mes cartons, malgré un désir toujours aussi vif de le réaliser, ma dernière tentative ayant été d'en faire une web-fiction, le découpage en épisodes collant parfaitement à ce récit explosé où chaque individu réagit à sa manière à la catastrophe annoncée. Je venais de le ressortir de mes cartons pour me plonger dans une nouvelle adaptation qui semblait économiquement viable. Face aux oiseaux de malheur qui ont baissé les bras, plutôt que de mettre en scène l'orgueil humain et son incapacité à se gérer collectivement, je rêve d'une histoire où s'exprime la solidarité et où l'espoir peut renaître... Quelques cinéastes ont déjà choisi cette voie avec lucidité. Tant qu'il reste une petite flamme qui brille dans la nuit, rien n'est perdu.