Les murs témoignent comme les miroirs réfléchissent. Nous renvoyant au passé ils interrogent l'avenir. Que restera-t-il de nous après les grands bouleversements ? Je me souviens de Bagnolet dans les années 70 avec le bidon-ville près du Périphérique, un des chocs de ma vie. Certains de mes voisins n'ont pas bougé de leur petit pavillon ouvrier depuis près de 90 ans. Régulièrement je déplie La pelle mécanique ou la mutation d'une ville de Jörg Müller. Ses illustrations révèlent de drôles de perspectives. Les quartiers changent au rythme des révolutions de palais. S'y inscrivent apparitions et disparitions. Hop, hop, passez muscade ! Les urbanistes ont trop souvent obéi aux lubies des politiques. Le périmètre classé pour cause de proximité avec une église sans caractère interdit la fantaisie architecturale. Comme si l'on pouvait faire plus moche que le bâti existant ! On raconte que, détournée de son lit, la rivière de la Dhuys fut recouverte et asséchée. Les puits de la rue dont certains campent au milieu du salon, ne sont plus utilisés alors que leur eau provenant d'une nappe phréatique permettrait par exemple d'arroser les jardins. En regardant l'affiche je sens les odeurs sucrées et rances des vieux appartements. À deux pas sont parqués des Roms de Montreuil dans des sortes de containers qui ressemblent à des postes électriques. Dans quel monde vit-on ? Quand vient l'été les fenêtres s'ouvrent et l'appartement-témoin livre parcimonieusement ses secrets comme une maison de poupées à laquelle on n'a pas le droit de toucher. Juste regarder. Dans les petits fascicules de bande dessinée vendus dans le métro de mon enfance la réclame vantait les lunettes infra-rouges. Tout était évidemment dans la tête. Pour voir il faut souvent déployer des trésors d'imagination..