mardi 14 octobre 2014
Sara Acremann, une fille
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 14 octobre 2014 à 00:00 :: Multimedia
Sara Acremann est la fille génétique de mon meilleur ami. Devenue artiste plasticienne, elle est passée me voir pour que je lui parle de son père à qui elle ressemble physiquement, forme du visage, et des yeux pétillants de malice. Lui n'étant plus là, j'ai regardé à mon tour ce qu'elle fabrique...
Les films et les installations de Sara tournent autour de la famille. Sa mère, sa grand-mère, son beau-père sont les acteurs de ses plans fixes où la fiction envahit le réel au travers des persiennes. Les cadres sont soignés, hors-champ, jeux de miroirs, au propre comme au figuré. Duras, Romand et Resnais sont passés par là. Si le passé reste énigmatique l'avenir préoccupe ses personnages. Comment l'appréhender dans la vieillesse ? Dans Les Varennes de Loire la grand-mère déraille avec humour. Le couple des parents cherchent les questions lorsqu'ils n'ont plus de réponse. Est-ce que l'herbe pousse encore ? conjugue celle du temps au présent comme si nous vivions dans plusieurs, comme s'il n'y aurait plus d'âge, comme si le château de Neublans se refermait à jamais sur ses habitants...
Plus de cadre, l'installation sonore est un simple hors-champ où le montage ne s'entend pas. Le récit se fabrique comme la mémoire, volatile, sans cesse recomposé. Pékin Deuxième Périphérique est une série de photographies où les passants s'affichent devant les grands formats collés dans la rue (photo en haut). Chine que Sara arpente à l'heure actuelle. Conflits confond encore une fois le réel et sa transformation fictionnelle, ici des maquettes s'inspirant de photos de conflits contemporains. Dans la vidéo Est-ce que je serai heureuse ? la même dialectique s'installe entre l'astrologue chinois, Sara et l'amie qui traduit en français. L'artiste construit un labyrinthe où finiront peut-être par communiquer les impasses, impossibilité d'un dialogue qu'elle s'approprie sans cesse. Trame sans drame montre encore comment tout exprimer dans la pudeur... Ce qui ne peut être dit, su ou vécu, qui pourrait être deviné, constitue le terreau de la création artistique. Ce n'est qu'avec le temps que les lignes de force deviennent visibles. On finit parfois par se reconnaître, instant fugace où le miroir renvoie l'image que l'on se fait de soi-même ou celle de ceux qui nous ont rêvé et engendré.