De même qu'il n'y aurait peut-être pas eu Camille sans Brigitte Fontaine, il n'y aurait probablement pas Léopoldine H H sans Camille. Entendre que chaque artiste ouvre la voie aux suivants dès lors qu'il ou elle fait partie des défricheurs. Et pour défricher il faut d'abord être soi-même en s'affranchissant des modèles. On saisira le paradoxe. Comment révéler sa personnalité en assumant la filiation ? C'est d'autant plus complexe lorsque les influences sont nombreuses. Au delà de cette transmission parfois inconsciente, il est indispensable de retrouver sans cesse l'origine de sa passion, le moment fondateur où seule la passion nous guide, sans penser à gagner sa vie ou faire carrière. Or Léopoldine H H déroule une fraîcheur contagieuse. Plus elle s'échappe de l'orthodoxie de la chanson française, mieux le potentiel de sa fantaisie se devine. En cela elle rappelle les débuts plutôt sages de Brigitte Fontaine ou Camille avec respectivement Brigitte Fontaine est .... ? et Le sac des filles, alors que leurs albums suivants, Comme à la radio ou Le fil sont d'une telle originalité qu'ils sont pour beaucoup la référence absolue. Peu importe que Léopoldine préfère revendiquer les influences de Nina Hagen, Colette Magny, Bashung ou Björk, l'important est que ces exemples soient inimitables.


Léopoldine H H possède une sorte de naturel, à la fois espiègle et raffiné, qui laisse espérer une explosion de fantaisie. En fait, son premier album, Blumen im Topf, semble déjà à cheval entre de jolies mélodies sur des textes savamment choisis et des saynètes où elle jongle avec les mots comme avec la musique. D'un côté elle choisit de mettre en musique des textes littéraires (Olivier Cadiot, Gwenaëlle Aubry, Roland Topor, Gildas Milin...), de l'autre elle exploite ses acquis de comédienne, sa principale activité jusqu'ici. Or les plus grands chanteurs, qu'ils soient de variétés ou d'opéra, ont toujours été avant tout de fantastiques dramaturges, capables de faire passer des intentions avec une grimace, un geste, une respiration. C'est l'apanage d'une Piaf, d'un Brel ou d'une Callas. De plus, son oscillation entre le français et l'alsacien, sans compter l'allemand et l'anglais, lui offre déjà de marcher d'un pied sur l'autre avec tendresse et humour, et même une bonne dose d'autodérision et de provocation. Ainsi des chansons comme Blumen im Topf, Zozo Lala, Je suis dans l'air, Mama ich will a Ding, Blumen Frischgemixt Van Landhuyt se prêtent à de délicieuses facéties. Si Léopoldine joue des claviers, du ukulélé, d'une mini-harpe, de la machine à écrire, elle n'est pas toute seule ; Maxime Kerzanet et Charly Marty, comédiens comme elle, l'accompagnent aux guitares et claviers, et ils participent aux chorégraphies désuètes de ses chansons, plus sérieuses dans le fond que son ineffable sourire.

→ Léopoldine H H, Blumen im Topf, cd Mala Noche (label indépendant), 14€