Françoise filme les répétitions qui ont lieu au Studio GRRR. Il y a du vent, dans le jardin les clochettes tintent avec véhémence, et de la fenêtre on voit le forsythia et le cognassier du Japon, branches constellées de petites fleurs jaune ou rouge. Yuko Oshima joue de la batterie Gretsch, que nous a prêtée Le Triton (où nous jouons demain jeudi), et d'un échantillonneur virtuel qu'elle transforme avec des effets analogiques. Tandis qu'elle chante en japonais, je fais le yakuza en prenant une voix grave et rauque, on s'y croirait. Je me suis entraîné avant et pendant mon voyage au Japon en 1996 lorsque nous avons monté les expositions sur la fête foraine à Kumamoto et Osaka avec Raymond Sarti et Zeev Gourarier. Ève Risser est obligée de "préparer" mon grand Yamaha droit, un U3, mais elle aura heureusement un piano à queue pour le concert. Elle chante aussi en japonais et joue de la flûte traversière. Ni l'une ni l'autre, nous n'emporterons nos Theremin comme nous l'avions annoncé, nous avons suffisamment de matériel à trimbaler comme ça. J'utilise beaucoup ma voix que je transforme avec le H3000, je joue de petits instruments à anche et des guimbardes, j'ai mon sempiternel synthétiseur VFX et les machines virtuelles, développées avec Frédéric Durieu, que je projetterai sur un écran au-dessus de moi et dont je transforme les sons avec un effet dont l'interface est un rayon infra-rouge en 3D. Nous nous entendons bien, c'est un régal. J'apprécie beaucoup notre façon de procéder, en évitant de trop répéter, mais en mettant en place la suite des morceaux, choisissant les timbres, évoquant nos intentions, soignant les transitions. La première partie est constituée de pièces du répertoire de Donkey Monkey sur lesquelles je me greffe et que les filles adaptent à la situation. Je donne le ton de la seconde, cette fois c'est à Ève et Yuko de rentrer dans mon monde. Il y a encore des zones de flou que nous devons mettre au clair aujourd'hui. C'est drôle comme j'ai passé une bonne journée à les écouter et à m'égosiller devant le micro, mais je suis ratatiné, comme elles d'ailleurs. Nous devons encore prendre le temps de nous reposer et de préparer le matériel. C'est la partie que j'aime le moins de ce travail, je risque chaque fois de me coincer le dos, alors je rêve d'une salle de spectacle où tout serait installé et où je n'aurais plus qu'à jouer...