Tout le quartier se croise à son chevet. Deux ans après avoir fait couper un magnifique peuplier, mon voisin récidive en martyrisant son deuxième et dernier arbre. C'est une honte, un crève-cœur. Les oiseaux, petits et grands, venaient s'y percher. Les merles y avaient leur nid. Sa haute silhouette se découpait sur le ciel comme une ombre bienveillante sur la rue. J'en ai des crampes d'estomac tellement je suis en colère, impuissant devant tant d'ignorance. Le cèdre protégeait les voisins d'en face des rites d'un autre âge où la communauté repliée sur elle-même écorche ses chants dans des cabanes en bois qui poussent comme des colonies dans ce qui est devenu une cour. La verdure atténuait le bruit de ses nombreux enfants qui jouent aussi bien au foot qu'ils ne psalmodient ! Fâché contre eux parce qu'ils continuent à envoyer des ballons dans notre jardin, cassant systématiquement les pots et écrabouillant les fleurs, je leur avais expliqué à quel point nous tenons à ce coin de verdure. Ils m'avaient simplement répondu qu'ils avaient essayé de faire pousser des plantes, mais que cela donnait trop de travail à entretenir. Sic. Ils avaient aussi précisé qu'ils détestaient la nature. Cela ne les empêche pas de nourrir paradoxalement et illégalement les pigeons, volatiles urbains qui chassent les espèces de passage. La mairie m'avait répondu que la loi ne leur interdisait pas de tout arracher. Nous leur avions, les uns et les autres, exprimé notre attachement pour le grand conifère, mais ils ont le droit pour eux et nous vivons, semble-t-il, sur une autre planète, dans une utopie où seul le présent peut être messianique. Les ouvriers qui ont taillé comme des sagouins ont répondu à Françoise qu'ils ne coupaient pas tout, mais le massacre est affiché. Notre voisin, avec qui nous essayons néanmoins d'entretenir des relations de bon voisinage, détruit systématiquement toute la flore qu'il occupe, d'abord la haie qui nous séparait, ensuite le peuplier, puis l'herbe remplacée par des dalles, et aujourd'hui il ne reste qu'un tronc décharné. Phénomène étrange.