Même si c'est très agréable, la manie de marcher pieds nus m'a coûté maints déboires comme la fracture répétée de mon fameux petit orteil gauche. Aujourd'hui c'est plutôt la crève qui me guette si je me balade ainsi sur le sol glacé. J'ai beau maîtriser la parade magique de "l'alium cepa 4 ou 5 CH trois granules quatre fois par jour" je risque un bon rhume, ce qui ne serait pas malin à la veille du départ pour Londres. Encore faudrait-il que le trafic ferroviaire soit rétabli dans le tunnel sous la Manche pour que l'Eurostar nous y transporte ! J'hésite donc entre les chaussons fourrés en laine des Pyrénées achetés à Luchon dans la vallée ou les Priglovke dont j'écorche monstrueusement le nom bosniaque si je me souviens de l'hilarité générale des assiégés sarajéviens lorsque j'essayais de le prononcer. Le premier magasin a retiré de la vente les chaussons colorés de son étalage pour laisser la place aux skis, comme si on n'avait pas besoin de se réchauffer les pinceaux en rentrant des pistes ! L'odieux boutiquier des allées d'Étigny ne semble pas avoir besoin de notre clientèle en cette saison. Quinze ans plus tôt, l'autre vitrine exposait les deux dernières paires de chaussettes à semelle de toute la ville. Après que j'ai emporté la paire de rouges pour mes arpions et la bleue pour Elsa, le vieux monsieur gentil baissa définitivement le rideau de fer. Il n'y avait plus rien à vendre à Sarajevo. Je n'ai plus qu'à faire attention de ne pas glisser dans l'escalier...