Depuis la veille j'avais les boyaux façon scoubidou. L'idée d'aller faire la queue à huit heures du matin à Pôle-Emploi pour faire valoir mes droits m'était absolument insupportable. Devant le rideau de fer les chômeurs sont en colère contre l'inorganisation systématique de l'agence qui se livre à toutes sortes d'humiliations scandaleuses et totalement improductives. Si certains comprennent les enjeux financiers dont tous les citoyens sont victimes, la plupart s'insurge contre la publicité faite au mariage pour tous qu'ils jugent camoufler les véritables problèmes. Une jeune Polonaise regrette les promesses de Sarkozy sur la retraite. Un titi parisien se demande comment il va nourrir sa famille si ses indemnités sont encore retardées. Pendant ce temps-là l'argent travaille, il ne chôme pas, les termes sont impropres, il copule et fait des petits. Françoise me reprochera de ne pas avoir mis sur le tapis le revenu de base pour tous pour lequel les Suisses vont bientôt voter par référendum. Comme il n'y a pas de distributeur de numéros à l'entrée on est obligés de faire le pied de grue debout les uns derrière les autres. La grille s'ouvre. Une femme demande à aller aux toilettes. Un employé qui a déjà enfilé les sandales et T-shirt de ses vacances lui répond agressivement qu'il n'y en a pas alors que la pancarte est devant nous. Comme elle insiste, l'abruti lui répond que c'est fermé pour cause de plan Vigipirate et qu'il n'a pas le code ! Le ton monte. C'est pourtant un endroit public et certains attendront là plus de deux heures. On essaie de calmer le jeu en expliquant que si les préposés sont si odieux c'est que leur hiérarchie ne doit pas les ménager.
Cette fois j'ai affaire à un employé bienveillant. Aucun de mes courriers ne leur parvient depuis huit mois. Ses collègues toujours charmants qui répondent au 3949 n'ont aucun autre moyen de communication avec les agences locales que le mail. Leur seul latitude est la consultation de mon dossier et la constatation des faits : je n'aurais jamais répondu, etc. À tous les niveaux de cette chaîne brisée les interlocuteurs sont anonymes, ne permettant aucun suivi personnalisé. Il faut chaque fois tout reprendre au début. L'employé me raconte que leur logiciel a changé en 2009 et que seuls les anciens ont accès à ce qui est antérieur dans mon dossier ! Il m'explique aussi que le courrier posté à mon agence locale est détournée par le centre régional censé le redistribuer, mais ne le fait pas. Pourquoi ? Je vous laisse deviner. Plutôt que de faire perdre du temps à tout le monde en se fendant chaque fois d'une visite pour décoincer la situation, soit une croix à cocher pour valider l'indemnisation, il me susurre que la solution la plus simple consisterait à déposer simplement mes réponses dans la boîte aux lettres de l'agence locale pour éviter le filtrage absurde qui nous est à tous imposé. On marche sur la tête.

Photo prise à l'exposition Winshluss, un monde merveilleux au Musée des Arts Décoratifs jusqu'au 10 novembre.