samedi 7 février 2009
Symphonique
Par Jean-Jacques Birgé,
samedi 7 février 2009 à 00:31 :: Musique
Les masses orchestrales m'ont toujours attiré. Les grandes salles conviennent d'ailleurs mieux à mon travail que les clubs et les petits lieux. Question d'échelle. Être entouré, immergé. J'ai besoin de l'écran large et d'une palette haute en couleurs pour projeter les images que mon cerveau imagine. La musique de chambre ne me hante que la nuit ; de l'aube à minuit, je rêve en couleurs symphoniques. Émule d'Edgard Varèse et enfant des années 60, j'ai pallié à l'absence du nombre par l'amplification et la synthèse sonore. C'est de notre temps. L'orchestre symphonique est un bel outil du passé, et puisqu'il permet de jouer le répertoire classique autant l'utiliser aussi pour des pièces actuelles. J'aimerais réitérer les expériences que nous fîmes avec La Bourse et la vie, J'accuse, Contrefaçons ou La fosse. Dans l'alternative je me transforme en homme-orchestre. Pour l'amoureux de l'instant, être à la fois le compositeur, le chef et l'interprète est grisant. Je sens chaque pupitre au bout de mes doigts. Hier après-midi j'ai recommencé à enregistrer à fort volume sonore, musique de danse primitive, rituel contemporain et sauvage, les rythmes accéléraient celui de mon cœur. Je me suis arrêté avant de tourner de l'œil.
Je me calme en écoutant le coffret de trois CD de Salvatore Sciarrino qui rassemble des œuvres interprétées par l'Orchestre Symphonique de la RAI sous la baguette de Tito Ceccherini. Le compositeur joue d'effets si discrets qu'ils nécessitent un dispositif important pour que les sons parviennent jusqu'à nos oreilles. Je suis émerveillé par les couleurs inouïes que Sciarrino produit tout en reconnaissant ici et là des sonorités familières à ceux qui pratiquent l'improvisation depuis déjà un demi-siècle. Pas étonnant que ce Sicilien ait étudié les arts visuels avant de se consacrer à la musique en autodidacte ! Ce sont souvent mes préférés. Pourtant, comme chez Fausto Romitelli, c'est la maîtrise qui m'épate plus que l'invention. La musique de Sciarrino est élégante, elle se nourrit des petits bruits parasites des instruments de l'orchestre et des recherches instrumentales du XXe siècle tout en assumant l'héritage classique. Sa musique est à la fois reposante et stimulante. L'esprit y trouve son compte. Je suis la partition les yeux fermés.
Le coup de feu de I fuocchi oltre la ragione me fait sauter en l'air et me rappelle la coda de Crimes parfaits à sa création en 1981 par le grand orchestre du Drame. Bernard avait caché un fusil mitrailleur dans une valise à l'avant-scène. Au moment fatal, la lumière s'éteint, il sort l'instrument de sa boîte qui commence par s'enrayer, puis jaillissent dans le noir du théâtre les flammes d'une rafale.