S'enfoncer dans les entrailles de la Terre peut générer une certaine appréhension si l’on est tant soit peu claustrophobe. Est-ce retourner dans le sein de la mère ou s'entraîner à l'ultime voyage ? Nul n’étant encore capable de rebrousser chemin, la régression ne peut que se tourner vers l'avenir. Les regrets sont inutiles. La boussole qui coiffe la cervelle de Stella indique le sud avec raison. Arrivée en haut des marches, il est donc logique qu'elle marque une prudente hésitation. Seul le ronronnement d'une soufflerie monte vers la grille que Stella vient de forcer.

Les notes n'étaient pas toujours très claires. Philippe avait usé de codes lui permettant de se relire pour éviter qu'un lecteur indélicat en saisisse le sens. Naïf ! Stella avait immédiatement décelé les tournures qu'il partageait avec Max. Lui et son père avaient passé plus de temps à jouer avec des cryptogrammes qu'à suivre les cours de maths. S'il leur fallait remplacer les lettres par des chiffres dans leurs équations adolescentes, pourquoi ne pas faire l'inverse et chercher ce que signifiaient les opérations a priori simplistes qui ornaient les marges ? Stella avait passé quelques soirées à se creuser la tête et le résultat valait le déplacement de neurones. Les plans ressemblaient à ceux d'une usine, mais allez savoir ce qu'on y fabrique ! Quelque chose clochait : si les échanges interministériels avec la Déesse sont d'un inintérêt troublant, pourquoi sont-ils tous barrés du tampon "Confidentiel - Copie interdite" ? Les équations griffonnées ne peuvent qu'éveiller la curiosité. Stella trouva le procédé grossier. Deesse + Minerve = Morsure, Pit+Pit+Pit+Pit=Boum, Phil:Max=Aix, Kali*Jim=Nuke étaient les premières énigmes qu'elle déchiffra. Fallait-il vraiment prendre au sérieux ces gamineries indignes des enjeux qui se profilaient à la lecture des en-têtes ? Les conclusions lui avaient sauté aux yeux. Le centre de tri abrite une usine en sous-sol sous couvert de brûler les déchets. Toutes les fumées n'ont pas la même odeur, mais la vapeur d'eau n'inquiète plus les riverains.

Stella prend son courage à deux mains pour dévaler le grand escalier. Dans la descente, elle remarque que toutes portes sont murées. Il est déjà trop tard lorsqu'elle aperçoit les caméras. Au fond du trou, là aussi elle se heurte à un mur. Cela ne tient pas debout. On ne construit pas un tel édifice pour aller se cogner à un bloc de béton. Stella passe les doigts sur la paroi glacée d'où suinte un liquide un peu graisseux. Elle cherche quelque indice qui lui permette de s'infiltrer, car le plan est formel, il y a un passage, indiqué sous le nom de La fuite. Bien que de petite taille, elle use de ses ressorts pour s'accrocher au conduit de ventilation. L'antenne est évidemment dissimulée derrière la grille. Dommage que la zappette n'ait pas été jointe aux dossiers ! En tordant un peu le métal, Stella réussit à se glisser, ses talents d'acrobate lui permettant de ramper le long du tuyau. Elle ne réfléchit plus, elle avance. La chaleur devient rapidement insupportable. La sueur semble suinter de tous ses pores. Certaines rigoles sont bouillantes, d'autres glacées. Elle avance toujours. Après des coudes et des abrupts, une nouvelle grille met un terme à sa reptation. Le spectacle auquel elle assiste est stupéfiant. La tête lui tourne. Une spirale abyssale avale le rythme des machines.