En attendant l'édition dvd de l'intégrale Jacques Demy sur laquelle travaille amoureusement la famille Varda-Demy rue Daguerre, offrez-vous le double cd d'Une chambre en ville que Michel Colombier mit en musique en 1982. Si Les parapluies de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort et Peau d'âne sont adulés par tous les admirateurs de Demy et de "comédies" musicales, Une chambre en ville rencontra un succès critique, mais fut un échec populaire incompréhensible. Télérama s'en émut, mais rien n'y fit. Certaines sorties tombent à un mauvais moment, d'autres profitent à un film surestimé. Les succès d'Amélie Poulain ou des Chtis correspondent à une époque de grisaille où le public avait besoin de se changer les idées et d'oublier les tracas de la vie.


Le film de Demy est le plus explicitement politique de son œuvre. Le disque met en valeur ses dialogues comme toujours exceptionnels. Si la musique de Michel Colombier ne possède pas la richesse mélodique de Michel Legrand (par ailleurs plus aussi en verve pour Trois places pour le 26 ni sur le catastrophique Parking, mais quelle idée aussi de laisser chanter Francis Huster !), elle fonctionne dramatiquement à travers la suite de ses récitatifs. Au début du film, la charge des CRS contre les ouvriers des chantiers navals nantais est un morceau d'anthologie.
Dominique Sanda nue sous son manteau de fourrure, la violence de Michel Piccoli en marchand de télés impuissant au collier de barbe rouquin, la prestation extraordinaire de Danielle Darrieux en aristocrate déchue veuve de colonel, les ouvriers métallurgistes joués par Richard Berry et Jean-François Stévenin illuminent ce joyau méconnu ou mésestimé. Les images de Jean Penzer, les décors de Bernard Evein, les costumes de Rosalie Varda participent à la magie de l'œuvre. Le générique des voix est comme souvent absent du livret : Danielle Darrieux qui se double toujours elle-même dans les passages chantés (Mme Langlois), Fabienne Guyon (Violette), Florence Davis (Edith), Liliane Davis (Mme Pelletier), Marie-France Roussel (Mme Sforza), Jacques Revaux (François), Jean-Louis Rolland (Ménager), Georges Blaness (Edmond), Aldo Franck (Dambiel), Michel Colombier (arroseur), Jacques Demy (un ouvrier)...
L'INA permet de découvrir quelques extraits, des moments du tournage, l'enregistrement de la musique, grâce à un reportage passionnant de Gérard Follin et Dominique Rabourdin et à un court sujet de ''Cinéma Cinémas".


En me rendant sur le site de Michel Colombier, j'apprends que le compositeur s'éprit très jeune de jazz et d'improvisation. Si on le connaît pour avoir cosigné la musique de la Messe pour le temps présent avec Pierre Henry pour les ballets de Maurice Béjart, il écrivit énormément avec Serge Gainsbourg et collabora avec Charles Aznavour, Jean-Luc Ponty, Catherine Deneuve, Jeanne Moreau, Stéphane Grappelli. Il fut le directeur musical de Petula Clark (Wings est considéré comme la première symphonie pop) et travailla avec des artistes aussi variés que les Beach Boys, Supertramp, Quincy Jones, Roberta Flack, Barbra Streisand, Herbie Hancock, Earth Wind and Fire, Joni Mitchell, Jaco Pastorius, David Sanborn, Branford Marsalis, Bobby McFerrin, Prince, AIR, Mirwais, Madonna et le Quatuor Kronos.
Attention, ce double cd, commandé sur Screenarchives, est un tirage limité à 1200 copies édité par Kritzerland (extraits sonores).