Snarx-Fx a mis en ligne les 23 films que Pierre Oscar Lévy a réalisés pour Samsung et qui sont actuellement exposés au Petit Palais à Paris jusqu'au 17 octobre dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture" (entrée gratuite). La reproduction sur Internet ne peut être à l'égal des originaux filmés pour les nouveaux écrans à Haute Définition, mais le travail du studio de post-production qui s'est chargé de toute la réalisation technique des films est suffisamment soigné pour que l'on jouisse du travail que nous avons effectué dans la joie et l'allégresse ! On ne pourra pas apprécier non plus ici la 3D du Böcklin et du Chardin, mais le site a le mérite de livrer les génériques exacts à la fin de chaque film, l'agence de presse responsable de la communication ayant eu une fâcheuse tendance à régler des comptes personnels en travestissant la réalité de cette magnifique aventure entre notre équipe et le constructeur coréen.
À l'initiative de Samsung, le producteur délégué Dominique Playoust me confia la direction artistique du projet. Je n'imaginai pas un tableau dans un écran sans que ce fusse un film. En proposant à Pierre Oscar Lévy de porter les couleurs d'autant de chefs d'œuvre, j'ignorais encore qu'il rêvait depuis l'enfance de s'y plonger corps et âme. J'en composai musiques et partitions sonores, avec pour certains tableaux la collaboration du violoncelliste Vincent Segal et de mon camarade Bernard Vitet qui construisit nombre des instruments uniques que j'utilisai pour ces courts métrages : trompette à anche pour Les Ambassadeurs de Holbein, flûtes du Rembrandt et du Gauguin, clavier de percussion du Vermeer, contrebasse à tension variable du Böcklin, etc.
Aucun commentaire n'oriente l'interprétation du spectateur. Seuls l'image et le son décryptent les intentions des peintres et emportent les voyageurs dans cette nouvelle aventure que les nouvelles technologies permettent aujourd'hui. Il m'est arrivé de m'effacer devant l'image en ne construisant qu'un simple décor sonore, mais le plus souvent la partition évite l'illustration pour jouir de son rôle complémentaire. Recommandons par exemple Composition métaphysique de Chirico où Vincent et moi avons enregistré quatre interprétations différentes, autant de questions pour le même mouvement, tous les films ayant été à l'origine conçus pour être joués en boucle. Avec La tempête de Giorgione je prends des libertés mêlant sons réels et effets de théâtre. De même, le son des Noces de Cana de Véronèse provient d'un reportage que j'ai réalisé dans la salle du Louvre où il est exposé, y ajoutant un quatuor à cordes comme enregistré in situ et le bruit de l'eau qui se transforme en vin, puisque nous avons souvent adjoint un clin d'œil numérique, les effets spéciaux ayant été ajoutés à la demande de Samsung. Le Monet plaît beaucoup, mais c'est une utilisation extrêmement classique de la musique au cinéma, elle renforce néanmoins l'impression d'inachevé du tableau et la profonde tristesse qui s'en dégage. De son côté Pierre Oscar suit les pistes creusées par Luis Belhaouari, notre conseiller historique nous révélant souvent des signes cachés qui donnent leur sens aux scènes peintes.
Notre démarche plut tant aux conservateurs du Petit Palais qu'ils décidèrent d'héberger l'exposition dans son aile sud, espace habituellement ensoleillé, peu propice à y montrer des toiles de maître. Les tableaux ont été choisis par Charles Villeneuve de Janti en fonction d'une thématique qui leur est propre, mais a-t-elle quoi que ce soit à voir avec les scénarios cinématographiques que nous avons réalisés ? Le catalogue, hors-série de Connaissance des Arts, s'est ainsi fourvoyé en évoquant les toiles originales, absentes de l'exposition, et en omettant les merveilles cinématographiques qu'elles ont engendrées. Dans une approche très différente de la nôtre, l'équipe de Laforme a réalisé 17 autres films parmi les 40 en suivant les préceptes que nous avions imaginés, et Jean-Luc Blais a produit une scénographie simple et élégante qui met en valeur les écrans.
La télé a vécu, vive la télé ? Les films seront probablement offerts par Samsung avec l'achat de ses téléviseurs C6000 et C9000. La nouveauté marketing réside dans cet apport de contenu qui double l'offre des chaînes traditionnelles par des programmes exclusifs. Comme Sony ou LG, Samsung fournit des programmes à la demande, archives de telle ou telle chaîne, mais son idée de financer des programmes de création, pour l'instant issus du patrimoine (mais qui sait de l'avenir ?), est une initiative ouvrant de nouvelles perspectives à la diffusion de contenus originaux.

P.S.: les films étant réalisés pour être joués en boucle, le son s'arrête brusquement sur la version mise en ligne.