Septembre se termine bien. Il fait beau. Et les films me sourient. J'en ai choisi trois, mais j'aurais pu en évoquer quelques autres comme le délicat Tryptique de Robert Lepage et Pedro Pires (2014) sorti seulement au Québec, le provoquant Daddy de Niki de Saint-Phalle et Peter Whitehead (1973) projeté dans le cadre de l'exposition actuelle mais non édité, les sixties filmées en musique par le même Whitehead (Benefit of The Doubt, The Fall, Tonite Let's All Make Love in London, 1965-1969) introuvables en France mais visibles sur le Net, l'intégrale Sidney Lumet vue à la maison (1957-2007), l'étonnant Wolfen de Michael Wadleigh (1981), la somptueuse remasterisation de Lord Jim de Richard Brooks (1963)... J'y reviendrai peut-être, mais les boîtiers s'amoncellent sur le lecteur sans que j'ai le temps de regarder tout ce que je voudrais, car dans le même temps le travail revient et je dois composer quantité de musiques pour l'image... Donc voici trois nouveautés...


J'ai enchaîné les quatre épisodes de la série de Bruno Dumont dans une saine hilarité à laquelle le cinéaste ne m'avait pas habitué. P'tit Quinquin est une comédie policière interprétée par des comédiens amateurs plus loufoques les uns que les autres. Une comparaison abusive pourrait rappeler le meilleur Mocky ou Twin Peaks, mais Dumont réussit à marier une fantaisie débridée à son goût pour les beaux cadrages, paysages féériques du nord de la France, et les échanges de regards à la fois énigmatiques et profonds, réalisant ainsi un long métrage de 3h20 des plus originaux et des plus drôles de ces dernières années. Il aurait d'ailleurs l'intention de continuer dans cette veine comique qui n'empêche jamais d'aborder des sujets critiques malgré l'apparente légèreté de ton. Ce film pourrait également redorer le blason de la comédie dans les festivals qui programment essentiellement des drames sociaux aux sujets bien pensants des plus conventionnels. P'tit Quinquin diffuse de plus une grande tendresse pour tous ces personnages de la "France profonde", laissés pour compte de la fiction traditionnelle, pourtant plus vrais que nature, quitte à froisser les Ch'tis caricaturés par Dany Boon qui n'auront pas compris que la fable n'a rien de local. (Arte TV / DVD & Blu-Ray Blaq out)


Autre film déjanté, La danza de la realidad est le dernier film d'Alejandro Jodorowsky, autobiographie romancée de sa jeunesse, farcie de références psychanalytiques plus surréalistes qu'analytiques, sorte de pont psychédélique entre Fellini et Buñuel. La symbolique mystique de ses films cultes El Topo ou La montagne sacrée laisse la place à une sérénité mordante où le cinéaste chilien octogénaire règle ses comptes avec sa brute stalinienne de père en offrant à ses trois fils de jouer la comédie. La danse de la réalité est une affaire de famille où le fils aîné incarne le père de l'artiste et dont le cadet compose la musique pendant que sa femme fabrique les costumes, le tout filmé dans son village natal. Là encore on s'amuse beaucoup des galipettes de l'illusionniste et des provocations d'un des fondateurs du groupe Panique. (DVD Pathé)


À l'opposé de Dumont et Jodorowky, Frederik Wiseman aborde avec le plus grand sérieux son enquête sur l'université publique de Berkeley, classée troisième au rang mondial pour la qualité de son enseignement, mais en butte à des réductions drastiques de budget opérées par l'État de Californie. Quatre heures documentaires sans commentaire, interview ni musique venue du ciel, c'est dense et intelligent. At Berkeley devrait intéresser tous les étudiants de France et de Navarre, histoire de comparer leur vécu avec les héritiers d'un campus historique qui a connu ses heures de gloire dans les années 60 au moment de la contestation étudiante. Les questions fondamentales sont posées sur l'accès au savoir et l'avenir de la planète aux mains de ses élites. (DVD Blaq out)