Hommage à Charles Bitsch
Par Jean-Jacques Birgé, jeudi 7 juillet 2016 à 00:12 :: Humeurs & opinions :: #3401 :: rss
Les Cahiers du Cinéma m'apprennent le décès de Charles Bitsch survenu le 27 mai dernier à l'âge de 85 ans. Charles était connu pour avoir été directeur de la photographie et cadreur de Jacques Rivette pour Le Coup du berger et Paris nous appartient, puis assistant réalisateur de Claude Chabrol, Jacques Demy, Jean-Pierre Melville et, à plusieurs reprises, de Jean-Luc Godard, et il était passé à la réalisation. C'était un homme sérieux qui avait toujours le sourire, un sourire grave et bien intentionné. J'avais moi-même été son assistant en 1975, à ma sortie de l'Idhec, en particulier pour un vinyle 33 tours 30 cm réalisé pour le Parti Communiste Français à l'occasion de l'Année internationale de la femme. Cela ne s'invente pas. Ou plutôt si. Tout était à inventer. C'est ce qui m'avait plu. D'autant que personne de l'équipe ne savait comment fabriquer un disque. Comme je viens de produire mon premier album avec Francis Gorgé et le percussionniste Shiroc intitulé Défense de, Jean-André Fieschi, alors directeur de production d'Uni/ci/té, la boîte d'audiovisuel du PCF, me propose de seconder Charles Bitsch. L'autre assistante, chargée de la documentation, est Charlotte Latigrat qui deviendra plus tard directrice de France Bleu Alsace, puis des programmes musicaux de France Culture et créera le Festival d'Île de France. On l'entend chanter Le temps des cerises passé à la moulinette de mon ARP 2600 en face B ! Je me souviens que le mixage aura lieu la veille de mes "trois jours" et que je prendrai des pilules pour m'empêcher de dormir pendant les 48 heures qui les précèdent, espérant me faire réformer, mais ça c'est une autre histoire qui faisait bien rire Charles.
En hommage à l'homme exquis et délicat qu'était Charles Bitsch je me suis décidé à numériser les deux faces du 33 tours. Il est absolument passionnant d'entendre ce qui se disait alors du monde du travail et du combat des femmes. J'avais engagé Bernard Lubat comme arrangeur d'une chanson de Claude Réva.
Mais je me rappelle surtout ma colère lorsque le Comité Central du PCF refusa que nous insérions la phrase d'Engels "La femme est le prolétaire de l'homme". Rien de surprenant pour moi qui n'étais que compagnon de route, fondamentalement critique de la politique du Parti que nous appelions "révisionniste", se fourvoyant dans le Programme Commun avec le PS, association qui le coula d'ailleurs progressivement et définitivement. Pourquoi soutenir un parti qui suivait les positions des sociaux-démocrates ? La question reste hélas d'actualité.
C'est grâce aux séances de variétés avec Lubat que je prends contact avec le monde du jazz, Bernard m'emmenant à un concert de Michel Portal après notre enregistrement en studio. Comment me retrouverai-je dans un placard à balais avec le clarinettiste expliquant à tour de rôle à J-F Jenny-Clarke, Daniel Humair, Lubat, Joseph Dejean ce qu'il attend de chacun d'eux ? Mystère et boule de gomme ! Je le raccompagnerai plus tard chez lui en voiture, car il a la jambe dans le plâtre. Un an plus tard je ferai la connaissance de Bernard Vitet, marquant mon entrée en tant que musicien dans ce monde fermé et élitiste.
Je vous distrais alors que je voulais vous faire écouter le disque... Face A vous entendrez des témoignages de l'époque, Louise Labbé chantée par Hélène Martin, Mireille Bertrand, la Berceuse de Mère Courage par Germaine Montéro, des témoignages sur la maternité, Demande aux femmes de Claude Réva.
Face B : Comme une blessure de Joan-Pau Verdier par Francesca Solleville, Rimbaud dit par René Bourdet, Paul Éluard par Hélène Martin, une évocation de Danièle Casanova, la voix d'Elsa Triolet, Aragon par Monique Morelli, Madame Nguyen Thy Binh, Jean Ferrat, Valentina Térechkova, Georges Marchais, Maïakovski dit par Amélie Prévost. La pochette est de Claude Fillion et Alain Le Bris d'après Fernand Léger.
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