jeudi 18 septembre 2025
Helsinki (14ème et dernier épisode)
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 18 septembre 2025 à 08:06 :: Voyage

Après un mois de crapahutage dans les pays baltes il était tentant de traverser le bras de mer qui sépare l'Estonie de la Finlande. Deux heures de ferry plus tard, nous voilà arrivés à Helsinki où je ne suis pas venu depuis une bonne vingtaine d'années, la dernière fois pour une conférence sur le design sonore interactif en m'appuyant entre autres sur le CD-Rom Alphabet, un de mes hits avec le disque Défense de et l'opéra Nabaz'mob !

L'architecture date ici plutôt des années 1910-1920. Ce sont de hauts immeubles le long d'avenues et de rues larges. Comme Vilnius, Riga et Tallinn, tout peut se faire à pied, à condition d'y passer la journée ! Les magasins vintage et de seconde main y pullulent depuis quelque temps. Je ne résiste pas et acquiers quelques magnifiques chemises en soie pour un prix dérisoire. Le reste est cher. Comme à Tallinn, ce sont pratiquement les prix de Paris, parfois même au-dessus. Nous faisons des courses dans les marchés couverts ou extérieurs logés sous des tentes pour ne pas systématiquement manger au restaurant. Beaucoup de saumon évidemment (tel, fumé, gravlax, soupe), de délicieux pains comme on aimerait en trouver aussi en France (du noir qui ressemble presque à du pain d'épices), des myrtilles, des pommes de terre. Il fait trop froid dans les pays scandinaves pour qu'y poussent fruits et légumes.

Il y a partout de grands parcs, et nous croisons des oies bernaches qui se chamaillent sur l'une de ces pelouses qui me font mal aux cheveux, car cela empêche forcément la diversité et la prolifération d'insectes nécessaires à un bon équilibre de la nature. Ces dernières années les bernaches se sont multipliées et posent quelques problèmes aux habitants de Helsinki.

En longeant un des nombreux lacs ("des lacs, des forêts" scandait, amusée, ma compagne avant le départ !) nous croisons même une grue cendrée près d'un monticule de land art (quinze jours plus tard je croiserai bernaches et grue cendrée en liberté au Jardin des Plantes de Nantes !).

Nous visitons évidemment les deux célèbres musées d'art contemporain, Amos Rex et Kiasma. À Amos Rex qui ne présente que des expos temporaires, nous sommes agréablement surpris par celle d'Anna Estarriola, une Catalane résidant en Finlande depuis 2004. C'est tout un travail sur le corps fantasmé, jusqu'à faire tenir des acrobates sur la tête, posés simplement par les extrémités de leurs cheveux !

Mais la grande rencontre est celle de l'artiste pluridisciplinaire Marita Liulia. J'ai connu cette amie il y a plus de vingt-cinq ans lorsque nous œuvrions dans le multimédia. Marita avait signé deux CD-Roms impertinents, The Ambitious Bitch suivi de S.O.B. (Son of a Bitch). Lors de mon séjour à Helsinki j'avais adoré son travail avec le danseur-chorégraphe Tero Saarinen et l'accordéoniste Kimmo Pohjonen. En 2003 j'avais également posé pour son Tarot, y incarnant Le Jugement. Depuis, Marita est revenue à la peinture et son succès ne fait que grandir, internationalement. Comme pigment elle utilise souvent l'or sous toutes ses formes, me faisant parfois penser à Klimt. Rien d'étonnant à retrouver une influence viennoise chez elle : depuis le début de notre périple cette tendance est présente partout, plus particulièrement dans l'architecture. On peut aussi penser à Joan Mitchell, à l'abstraction lyrique ou un nouvel impressionnisme. Marita peint des tableaux organiques, comme des bouquets, qu'ils soient de fleurs imaginaires ou d'artifices flamboyants.

Marita et Timo sont venus nous chercher le matin à Torkkelinmäki pour aller marcher autour d'un lac avant de nous y baigner. Nous avons autant besoin de nature que de ville. Cet équilibre est indispensable aux citadins que nous sommes. J'aime plus que tout les grands espaces, les forêts primaires, la mer, les déserts et les hautes montagnes. Les nuages ont cédé devant le bleu du ciel toujours plus haut en montant vers le nord. L'eau est délicieuse. Elle rend la peau douce. Nous n'avons qu'à nous baisser pour cueillir myrtilles et airelles rouges. Nous rentrons déjeuner chez nos amis, une maison-musée, lieu où a été fondé Helsinki. Il fait beau. Nous rentrons à pied en nous guidant comme d'habitude avec le GPS de nos smartphones.

Le jour du départ nous profitons des dernières heures pour aller vers le quartier branché de Suvilahti (comme partout des friches industrielles converties) et le quartier ouvrier de Puu-Vallila où des petits jardins accompagnent les maisons en bois.

Voilà, c'est fini, ou tout peut recommencer. Théo a suffisamment arrosé le jardin pour qu'il ne dessèche pas en notre absence, et il a câliné les chats ! Nous passons les premiers jours à jardiner et je termine ce journal de voyage.