70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 20 juillet 2023

Les gouttes de Dieu et autres séries


Ce ne peut être la grève des scénaristes à Hollywood, mais depuis quelque temps j'ai l'impression que les séries tirent en longueur. Mini-séries ou saisons à tire-larigot, le nombre d'épisodes requis réclame-t-il les redites au fil des épisodes ? Si j'en ai laissé pas mal en route, certaines m'ont poussé à binger tard dans la nuit !
Les gouttes de Dieu est la plus récente à m'avoir captivé. Comme je déteste déflorer les films, j'évoquerai simplement le monde du vin remarquablement restitué. Suspense, rapports psychologiques, direction d'acteurs, tout est soigné, et une plongée pédagogique qui m'a donné envie d'ouvrir une bonne bouteille en plein milieu de la projection ! Cette mini-série américano-franco-japonaise en huit épisodes a été créée par Quoc Dang Tran, adaptée d'un manga culte de Tadashi Agi et Shu Okimoto. Les deux protagonistes sont remarquablement interprétés par Tomohisa Yamashita et la Française Fleur Geffrier, alors que c'était deux japonais dans la bédé. Gustave Kervern y est très bien comme le reste de la distribution. J'aime bien découvrir un monde que je connais mal et je suis certain de mieux apprécier mes prochains verres. Toute ma cave risque de passer au peigne fin ! Au delà de cette passionnante plongée œnologique, le sujet se prête à une réflexion sur l'éducation et l'apprentissage, et surtout sur la filiation et l'héritage. Comme on peut l'imaginer pour toutes les familles, ce n'est jamais simple...
Lors de ma dernière revue des séries, j'en étais resté au premier épisode de Rabbit Hole avec Kiefer Sutherland. La série, compliquée et pleine de coups de théâtre, tient la route, même si parfois je m'y perds. J'ai retrouvé le souffle de 24 heures chrono dans ce complot à tiroirs sur les chapeaux de roue. À suivre.
Keri Russell, que j'avais découverte dans l'excellent The Americans, tient à bout de bras The Diplomat, dans ce thriller politique où elle incarne l'ambassadrice américaine en Grande-Bretagne lors d'une crise internationale. À suivre.
Le scénariste Steven Knight, à qui l'on doit le formidable Peaky Blinders, mais aussi Dirty Pretty Things de Stephen Frears et Eastern Promises de David Cronenberg, a écrit SAS Rogue Heroes sur les exploits héroïques du British Army Special Air Service (SAS) pendant la Guerre du Désert au cours de la Seconde Guerre Mondiale, qui n'était pas encore régiment, mais une équipée de têtes brulées. Dans le genre, c'est très réussi.
La mini-série de science-fiction Abysses mérite qu'on aille jusqu'au bout, car le dernier épisode propose une résolution meilleure que ce à quoi on pourrait s'attendre. Dans les thrillers et les films à enquête la fin est rarement à la hauteur de l'énigme. Ce conte dystopique où la mer se rebelle face à la pollution et au réchauffement climatique est hélas prophétique. Il est dommage que les petites histoires intimes entre les protagonistes soient totalement ratées, inutiles, comme souvent dans les films catastrophe, car le reste se tient remarquablement bien, avec un très bon casting international où figurent Cécile de France, Leonie Benesch, Barbara Sukowa, Joshua Odjick, Takuya Kimura, etc.
J'ai été déçu par la dystopique Silo qui sent le déjà vu et répète les mêmes scènes à foison, la population cantonnée dans un bunker en sous-sol de 144 étages par une élite dont on ne connaît pas les intentions. Pas terminé I'm a virgo de Boots Riley dont j'avais adoré le long métrage Sorry To Bother You et dont le pitch est savoureux, mais ça n'avance pas après plusieurs épisodes... Sinon j'ai essayé The Resort, American Born Chinese, Funny Woman, George and Tammy, Elvira, Minx, The Big Door Prize, etc. sans tenir la distance, et préférant regarder des longs métrages moins chronophages...

lundi 23 août 2021

After Dark, My Sweet


À l'issue de la projection d'After Dark, My Sweet j'ignorais si j'allais en écrire une chronique, mais l'entretien avec son réalisateur James Foley, en bonus sur le DVD / Blu-Ray, m'en a convaincu. Mieux que cela, il m'a aussitôt donné envie de me programmer le visionnage d'At Close Range (Comme un chien enragé, avec Christopher Walken, Sean Penn et Kiefer Sutherland, 1986), Glengarry Glen Ross avec Al Pacino, Jack Lemmon, Alec Baldwin, Ed Harris, Alan Arkin, Kevin Spacey, 1992), Fear (Obsession mortelle avec Mark Wahlberg, Reese Witherspoon, 1996)... Citer le nom des comédiens n'est pas innocent tant la direction d'acteurs de Foley est particulière. Il s'adresse toujours à eux un par un en l'absence des autres, optant pour le langage de chaque comédien. Dans After Dark, My Sweet (La mort sera si douce, 1990) Jason Patric est bouleversant, Rachel Ward d'une beauté renversante, Bruce Dern inquiétant à souhait. L'adaptation du roman de Jim Thompson exige une voix off à la première personne très singulière. Le scope 2.35 des grands espaces empêche toute distraction, les gros plans, les yeux ne trompent pas dans ce jeu de dupes très noir.


Le thriller ne ressemble à aucun autre. Foley fait corps avec son film. J'ignore encore si son meilleur, mais j'ai été fasciné par le malaise du héros et sa perspicacité dans le flou de son handicap. Un jeune boxeur sonné. Une jolie veuve alcoolique. Un ancien flic véreux. Une prise d'otage encombrante. Les personnages se révèlent au fur et à mesure. Surtout lui, le narrateur. J'ai hâte de voir les autres films, du moins ceux de cette époque, parce que je ne suis pas sûr de suivre les derniers (Cinquante nuances plus sombres, Cinquante nuances plus claires), car After Dark, My Sweet est un grand film qui, après un échec cuisant à sa sortie (annoncé bêtement comme un film sexy), mérite d'être redécouvert aujourd'hui, grand film noir, tout en nuances de noir. J'ai même aimé la musique de Maurice Jarre. Trou-blant.

→ James Foley, After Dark, My Sweet, DVD / Blu-Ray Carlotta, 20€

jeudi 12 novembre 2020

La haine est le salaire des pauvres


Depuis cet article du 27 juillet 2007, les propriétaires de certaines plateformes se sont érigés en censeurs et des lecteurs en délateurs. C'est le lot du bénévolat participatif anonyme. La brutalité des échanges virtuels n'a rien à voir avec la nécessité de composer dans la vie réelle en général.
Quant à la haine, elle se retranche derrière la liberté d'expression. Je chantais alors "Moins on en parle mieux on se porte." comme ma mère le répétait lorsqu'un journal pointait l'antisémitisme en gros titre de sa une. Les médias aux ordres qui dénoncent les crimes de désaxés en les attribuant à une quelconque idéologie savent très bien qu'ils créent des vocations morbides. Et ces leurres cachent les vrais problèmes, jamais abordés au Journal de 20 heures. Les faits, amplifiés ou édulcorés, remplacent l'analyse et la réflexion. Chaque fois que l'État interdit abusivement, il fabrique ce qu'il est censé combattre. Parfois sous contrôle, d'autres fois cela lui échappe simplement. Bête et méchant. Nocif, certainement...
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Hier [26 juillet 2007] j'ai dû effacer un paquet de propos racistes sur YouTube en commentaires de mon film Le sniper et j'ai techniquement interdit à leurs auteurs de continuer de se répandre. Internet favorise les échanges, mais certaines limites s'imposent. Libre à chaque rédacteur de jouer son rôle de modérateur en excluant la haine de son site.
Les commentaires qui y sont commis, souvent sous couvert d'anonymat, sont aussi de la responsabilité légale de celui qui les gère. Il est parfaitement attaquable en justice même si les phrases litigieuses ont été supprimées très vite. Cela explique que les commentaires de certains blogs nécessitent de passer par l'acceptation d'un modérateur avant de pouvoir être publiés.
N'empêche que cette haine est un douloureux retour à la réalité, même et surtout si elle est niée et bafouée. En 1991, je chantais Der Hass ist der Armen Lohn sur le disque Kind Lieder d'Un Drame Musical Instantané, une chanson que j'écrivis en partie en allemand avec en tête Un survivant de Varsovie, une des dernières œuvres d'Arnold Schönberg :



Der Rassenhass.
Je weniger davon dir Rede ist, um so besser fühlt man sich.
La haine raciale
Profitverschleierung'
La haine Le profit.

Der Hass ist der Armen Lohn
Je weniger davon dir Rede ist, um so besser fühlt man sich.
Denn diejenigen, die ihn einimpfen, wollen seinen Pelz,
Sein Robbenfell oder seine Schlangenhaut:
Elefanten Sterne!
Profit,
Je mehr davon die Rede ist, um so besser wird man sich fühlen.

La haine est le salaire des pauvres.
Moins on en parle mieux on se porte.
Targui, Palestiniens,
Le profit, source des maux,
Vous arrache la peau.

Was gibt es gerechteres als man selbst, der sich vermengt?
Völker in der Mehrzahl der Arten
Geben wir Cäsar das wenige, das ihm gebührt.
Für jeden einzelnen ist es viel,
Für alle zusammen ist es alles.

Photo de l'expo Kiefer au Grand Palais
Le texte du sniper - Exposition à Soft Target (Utrecht)
Texte original d'Un survivant de Varsovie (1947)

vendredi 5 décembre 2008

Maux tus et bouches cousues


C'est une pensée récurrente. Je suis chez moi au chaud. Je regarde le jardin. Mes billets m'apparaissent bien légers face à l'actualité révoltante que nous font partager les médias dominants à coups de flashes d'information volatiles ou les résistants de l'ombre révélant les maux tus et bouches cousues. Rafle dans une école en Isère, descente de police dans des classes de troisième avec fouille au corps dans le Gers, accusation sans preuves d'une hypothétique ultra-gauche à Tarnac, méthodes abusives des gardes à vue, projets de cadenasser les asiles psychiatriques ou d'incarcérer les enfants dès 12 ans, surpopulation des prisons avec suicides à la clef, cynisme du patronat, cadeaux somptueux de l'État offerts aux riches sur le dos des pauvres, SDF morts de froid aux portes de Paris, chômage grandissant et faillites des petites entreprises, arrogance du pouvoir pérorant dans la peopolisation tape-à-l'œil, blanc-seing à la brutalité de ses flics, presse aux ordres de ses propriétaires, télévision à la botte de leur ami président démocratiquement (!) élu... Nous sommes débordés par les manifestations d'un régime paranoïaque qui multiplie les effets d'annonce, les coups fourrés et les coups foireux. Et encore ! Je n'évoque ces exemples que dans le cadre serré de la politique nationale. Partout les populations semblent anesthésiées. Mais qu'en sait-on vraiment ? La presse est sous contrôle. On pille les ressources de la planète, faune et flore, on parque les pauvres, on les exproprie, on les affame et on les assassine puisque le lumpen n'est pas récupérable, on les fait s'entretuer pour s'approprier le minerai ou le cacao... Ma plaquette de chocolat a le goût du sang. Les lois de l'entropie sont à l'œuvre. Tout a une fin. Les révolutions ne se produisent que lorsque la faim devient intolérable et qu'un mouvement politique s'organise. Entre faim et fin il n'y a que la rime qui soit riche. "S'ils n'ont plus de pain qu'ils mangent de la brioche !" Dans ses Antimémoires, Malraux raconte qu'en Chine pendant la Longue Marche il n'y avait plus d'écorce aux arbres sur plusieurs mètres de haut, générant, de plus, des dysenteries terribles. Où se produira le débordement ? Aux États Unis où les armes sont en vente libre, lorsque les noirs et les hispanos comprendront que leur président est un fantoche de plus à la botte du Capital, le dernier coup de génie de la CIA ? En Afrique où des millions d'hommes, de femmes et d'enfants sont sacrifiés sur l'autel de l'inexploitabilité ? En Amérique du Sud, seul continent où souffle actuellement une brise de révolte contre le pillage de ses ressources naturelles par le géant du Nord ? En Russie ou en Chine où la corruption se frotte aux modèles conjugués du libéralisme sauvage et des restes du stalinisme ? J'évite d'évoquer l'Australie au risque de comparer notre cas à celui des kangourous et des aborigènes ! Mais que se passe-t-il donc dans notre vieille Europe anesthésiée ? Est-ce la fatalité, l'embonpoint, la superficialité, la compromission, la paresse, la lâcheté qui nous assagissent ?
Mes billets reflètent souvent une consommation (plutôt culturelle mais qu'est ce que cela change ?) qui fait écran à la difficulté d'être et à la responsabilité civile, citoyenne ou simplement humaine. Nous vivons avec nos contradictions. La culpabilité ne résout rien. Seule notre responsabilité peut changer les choses. Notre sens critique doit s'exercer dans tous les domaines, sur tous les fronts. Il y a heureusement des jours où je me laisse aller à l'euphorie et où j'oublie un instant l'horreur du monde des hommes. Je m'étourdis. Tension, détente, pour avancer nous avons besoin de ces deux termes, consonance et dissonance, le yin et le yang ! Comment trouver l'équilibre ? Certainement pas en jouant les trois singes, à nous boucher les oreilles, fermer les yeux et nous taire. C'est dans la rue que se jouera la prochaine manche... De quel côté de la barricade serons-nous ? Quelles flammes nous ranimeront ? Répétition.

Illustration de l'exposition Kiefer au Grand Palais, à deux pas de celui de l'Elysée.

jeudi 20 septembre 2007

Sauvés de justesse


Dans trente minutes le spectacle va démarrer. Nous remontons doucement vers la surface après plusieurs heures de bagarre avec la technologie, encore plus pénible que la technique, un cran au-dessus dans l'échelle de la douleur. Lorsqu'on est chanteur ou percussionniste, on ne peut s'en prendre qu'à soi les jours où rien ne semble aller comme il faut. Dès que l'on a besoin d'une simple prise de courant, d'un microphone, d'un piano ou d'un projecteur, les choses commencent à nous échapper. Dépendre de l'informatique est encore plus risqué. C'est le stress assuré, alors que tout est programmé pour marcher comme sur des roulettes. Cette après-midi, Antoine s'est arraché les cheveux sur un problème de communication entre l'ordinateur et nos lapins : certains réagissaient avec un délai de trois minutes à la place des dix secondes attendues. Nous avons testé tous les maillons de la chaîne pour incriminer définitivement un des deux routeurs qui envoient la partition aux 100 Nabaztag réunis sur la scène de la Salle Paul Fort à Nantes, situé juste au-dessus du Pannonica. Mais le devoir m'appelle, je vous raconterai la suite après la représentation. En attendant, je vous laisse avec Francis Marmande, qui nous a gratifiés d'un réjouissante chronique en page 2 du Monde d'aujourd'hui :

Schmitt et Birgé, des lapins communicants

Un petit lapin fait fureur. Un petit lapin communicant. Il s'appelle Nabaztag. Nabaztag ("lapin" en arménien) fonctionne en Wifi et doit son nom à Rafi Haladjian. Portrait dans Le Monde du 6 avril 2006 : "Je m'appelle rafi et j'ai 43 ans. Rafi s'écrit avec un "r" minuscule parce que c'est un prénom arménien. Bien que n'ayant rien fait (et en particulier pas des études d'ingénieur), je baigne dans les réseaux depuis qu'ils étaient tout petits. En 1984, j'ai sombré dans le Minitel pour n'en sortir qu'en 1994 en fondant FranceNet (devenue Flexus, devenue BT France), première boîte d'internetterie en France. Depuis 2003 avec Violet et Ozone, j'explore la vie après le PC et après l'Internet tel que nous le connaissons. Je porte des lunettes. C'est à peu près tout ce que je peux dire sur moi." Avec Olivier Mével et Sylvain Huet, l'agence Violet passe de trois à trente bricoleurs. Mise au point des lapins intelligents au-dessus du Gibus, en face de la garde républicaine.
Nabaztag, c'est un truc pour "geeks" et "geekettes" : les Paganini du Net et des nouvelles technologies, enfin, les joyeux, ceux qui ne se prennent ni pour Diderot ni pour Zorro. D'un gadget branché, le lapin en plastique devient objet populaire (200 000 vendus). Ici entrent en scène Jean-Jacques Birgé, compositeur, agitateur (Un drame musical instantané, Les Allumés du jazz, musiques brintzingues en tout genre), designer sonore ; plus Antoine Schmitt, artiste designer comportemental. Et Nabaztag ? Il parlote, il mange des nuages, il dit la météo, les cours de la Bourse, il se branche un peu sur n'importe quoi, il fait réveil, et pour l'amour avec un autre lapin, il bouge les oreilles. Exactement comme les humains, en somme.
Jeudi 20 septembre au festival Scopitone de Nantes, le 6 octobre à la Nuit blanche d'Amiens et le 20 à Amsterdam avant tournée mondiale, Nabaz'mob, opéra pour cent lapins communicants de Schmitt et Birgé, sera donné pour la plus grande joie des petits et des grands. Car les lapins déconnent. Ils sont indisciplinés, répondent à l'envers aux injonctions, et se révèlent incapables de jouer la musique ensemble. Comme les humains (non musiciens).
Un opéra, on connaît. Encore que ce soit complexe. Mais enfin, même en pleine célébration de Callas, on voit. Peut-être suffit-il de comparer avec un autre objet chantant non identifié, tout récent mais plus classique, Welcome to the Voice, pour prendre la mesure. Welcome to the Voice, hommage à la voix, livret de Muriel Teodori (psychanalyste rayonnante et allumée) et musique de Steve Nieve (clavier de divers bricolos, Sting, David Bowie ou Elvis Costello), Welcome to the Voice réalise une belle expérience de transversalité heureuse. Si vous voulez entendre sur orchestration au petit poil Barbara Bonney, Nathalie Manfrino, Armanda Roocroft, Sara Fulgoni, plus Elvis Costello, Sting, passe encore, mais aussi Robert Wyatt, ce génie, foncez. En plus, quand les voisins viendront prendre un kir framboise, vous pourrez arborer l'album sans complexe : c'est sur Deutsche Grammophon.
Le truc de Schmitt et Birgé reste plus minimaliste. Ils ont commencé par convoquer cent lapins avec leurs parents à Beaubourg (mai 2006). Après quoi, au Javits Center, à New York, ils ont reçu 70 000 visiteurs en quatre jours. Ce succès les étonne. Le lapin porte-bonheur. Prochain concert à bord du Titanic ? Dans un genre plus proche de l'art modeste, on connaît un prof qui, pour neutraliser les irruptions intempestives, fait dégainer tous les portables au début de l'amphi. Il invite les 258 porteurs à déclencher leur propre sonnerie. Passé un léger flottement, les étudiants s'exécutent : voir Charles Ives, Cage, Ligeti et Birgé. Plus disciplinés que les lapins ? Les temps semblent hélas le prouver.
Francis Marmande (Le Monde, 20/09/2007)

Une minute avant de monter sur scène, Antoine a l'idée lumineuse que nos ennuis pourraient provenir de l'anti-virus du PC triant la masse des données qui vont et viennent jusqu'à nos bestioles, ralentissant considérablement le système. Le même gag avait accablé Nicolas à la création de l'installation des Portes. La désactivation anti-virale ne résout pas tout, mais cette version inédite de notre opéra se tient bien, même si nous en présentons une interprétation très différente des précédentes représentations comme de celle de demain. Les alternances densité/silence sont remplacées par de belles progressions linéaires, et, si les ballets de lumière sont moins minimalistes qu'Antoine ne le souhaiterait nous sommes soulagés d'avoir réussi de justesse. Lors du salut final, je souligne que "si nos lapins ont été particulièrement indisciplinés, ils nous incitent à la désobéissance civile pour les temps à venir."

Photo d'un tableau de Kiefer.

lundi 6 août 2007

La passion des plantes


Dimanche, il faisait beau.
J'ai terminé de traiter les fichiers du lapin italien avant le dîner ; j'avais commencé à 7 heures du matin. La première livraison en compte un bon millier, j'aurais mis moins de trois jours, je vais de plus en plus vite...
En arrachant les palmes fanées du yucca qui grimpe maintenant à plus de deux mètres devant la fenêtre de la cuisine, Caroline a dévoilé ses racines. Elle espère faire repartir dans son jardin celle qu'elle a coupée. Encore un alien végétal. Si les piquants repoussent chaque fois que je les taille pour éviter qu'on s'y pique douloureusement, sa chair est très tendre. Chaque année il produit une grappe de fleurs blanches immense qui pousse en son cœur. L'ancien propriétaire raconte qu'il a tenté de s'en débarrasser avec de l'acide, mais qu'au contraire cela l'a fortifié ! Je rampe par terre pour admirer le travail. C'était le jour pour bricoler dehors, Françoise et Jonathan ont réparé deux chaises avec de la fourrure synthétique rose fluo. Il paraît que la semaine va être pluvieuse. Le tonnerre gronde déjà. Le soleil reviendra à Pâques ou à la Trinité. On ne sait plus où on en est. Le mois d'août est déstabilisant. C'est bien.
J'ai photographié le palmier à l'exposition Kiefer. Comme touché par la foudre. Il renaît de ses cendres par la grâce de l'artiste qui lui a confectionné un appui-tête. J'espère aller voir celle d'Annette Messager ce soir au Centre Pompidou... Si j'ai terminé de découper les fichiers du gourou, encore deux cents aujourd'hui...
Je m'y mets de ce pas.

vendredi 27 juillet 2007

La haine est le salaire des pauvres


Hier j'ai dû effacer un paquet de propos racistes sur YouTube en commentaires de mon film Le sniper et j'ai techniquement interdit à leurs auteurs de continuer de se répandre. Internet favorise les échanges, mais certaines limites s'imposent. Libre à chaque rédacteur de jouer son rôle de modérateur en excluant la haine de son site.
Les commentaires qui y sont commis, souvent sous couvert d'anonymat, sont aussi de la responsabilité légale de celui qui les gère. Il est parfaitement attaquable en justice même si les phrases litigieuses ont été supprimées très vite. Cela explique que les commentaires de certains blogs nécessitent de passer par l'acceptation d'un modérateur avant de pouvoir être publiés.
N'empêche que cette haine est un douloureux retour à la réalité, même et surtout si elle est niée et bafouée. En 1991, je chantais Der Hass ist der Armen Lohn sur le disque Kind Lieder d'Un Drame Musical Instantané, une chanson que j'écrivis en partie en allemand avec en tête Un survivant de Varsovie, une des dernières œuvres d'Arnold Schönberg :

Der Rassenhass.
Je weniger davon dir Rede ist, um so besser fühlt man sich.
La haine raciale
Profitverschleierung'
La haine Le profit.

Der Hass ist der Armen Lohn
Je weniger davon dir Rede ist, um so besser fühlt man sich.
Denn diejenigen, die ihn einimpfen, wollen seinen Pelz,
Sein Robbenfell oder seine Schlangenhaut:
Elefanten Sterne!
Profit,
Je mehr davon die Rede ist, um so besser wird man sich fühlen.

La haine est le salaire des pauvres.
Moins on en parle mieux on se porte.
Targui, Palestiniens,
Le profit, source des maux,
Vous arrache la peau.

Was gibt es gerechteres als man selbst, der sich vermengt?
Völker in der Mehrzahl der Arten
Geben wir Cäsar das wenige, das ihm gebührt.
Für jeden einzelnen ist es viel,
Für alle zusammen ist es alles.

Photo de l'expo Kiefer au Grand Palais.
Le texte du sniper - Exposition à Soft Target (Utrecht)
Texte original d'Un survivant de Varsovie (1947).

samedi 14 juillet 2007

Les musées m'usent et m'amusent


On pouvait tout voir, rien n'entendre. Tant mieux. Les audioguides empêchent l'évasion. Impossible de s'approprier le tableau de Kiefer avec un casque sur les oreilles. La photographie permet de retrouver une intimité avec l'œuvre. Les visites se font en plusieurs étapes. D'abord au pas de course, dans le catalogue, en revoyant les photos s'il est autorisé d'en prendre (il m'est arrivé d'en voler en comptant le nombre de secondes d'inattention d'un gardien), en revenant pour l'une des œuvres qui le mérite à nos yeux, une seule, le luxe, pour y pénétrer ; enfin en parler, écrire ou y penser. Alain me dit que Kiefer vit dans le sud de la France où il détruit progressivement et avec art sa demeure-atelier, 35 hectares, comme le château qu'il a transformé en Allemagne. Le gisant représenterait-il un autoportrait de l'artiste livré en pâture au public ?

dimanche 8 juillet 2007

Anselm Kiefer, dernier jour


Sous la nef, les sculptures de fin du monde de Kiefer se dressent au milieu des vestiges d'un ancien temps. Les édifices tapissés de tôle ondulée abritent la croûte terrestre et des restes d'une nature en décomposition. Les cargos échoués sont attaqués par la rouille. Le public profite d'une dernière après-midi dominicale pour arpenter la plage.
Il ne reste donc plus qu'aujourd'hui dimanche pour découvrir l'artiste Anselm Kiefer au Grand-Palais, première exposition de Monumenta 2007 sur le principe "Un artiste, un lieu, une œuvre". Les prochaines seront consacrées à Richard Serra en 2008 et Christian Boltanski en 2009.