À la fin du film Mix-Up ou Méli-Mélo de Françoise Romand, je me souviens que nous nous étions demandés comment traduire "we all belong one another" pour les sous-titres et que nous avions opté pour un truc du genre "nous nous appartenons tous les uns les autres". Ainsi ai-je traduit le One Another Orchestra par L'orchestre des uns les autres, dénomination que les protagonistes ont choisi pour revendiquer l'absence de chef et la solidarité du groupe. Rien d'étonnant à trouver ce recueil de chants et musiques résistantes sur le label nato, producteur des disques collectifs Buenaventura Durruti, Chroniques de résistance, de la trilogie sur les Indiens d'Amérique ou De l'origine du monde de Tony Hymas. Le pianiste anglais signe ici trois des titres, mais on découvrira aussi des pièces de Beb Guérin, Jacques Thollot, Michel Portal, Lol Coxhill, Nina Simone, Jef Lee Johnson, Sidney Bechet et François Corneloup... L'ensemble me rappelle les beaux arrangements de Carla Bley, les fanfares de la Nouvelle-Orléans ou les clins d'œil carabéens d'Eric Dolphy. C'est que le sextet est également composé de la clarinettiste Catherine Delaunay, des saxophonistes Nathan Hanson et François Corneloup, de la contrebassiste Hélène Labarrière et du batteur Davu Seru, tous et toutes chouchoux du label. Sur la Romance de la Guardia Civil española la rappeuse Billie Brelok a les accents de Violeta Ferrer qui avait l'habitude d'y déclamer les poèmes de Federico Garcia Lorca. Ajoutez les talents d'ingénieur du son de Jacky Molard et les illustrations de Nathalie Ferlut et vous obtenez un des plus beaux disques de ce printemps. La musique est festive. On sent le plaisir d'être ensemble. La musique est légère. On sent le poids de la passion. La musique est grave. On sent le lyrisme de la résistance. La musique est juste de la musique. On sent la chaleur qu'on a en soi et que l'hiver politique avait laissé refroidir.

→ One Another Orchestra, CD nato, dist. L'Autre Distribution, 15€, sortie le 24 mai 2024 (mais le 1er mai est forcément un bon jour pour l'évoquer)