À chacun de nos anniversaires, Maman nous invite au restaurant. Elle trouve que c'est plutôt à elle qu'il faudrait souhaiter un bon anniversaire, parce qu'elle s'est coltinée tout le boulot, du moins pendant tous mes débuts. J'avais déjà pas mal d'années. En voilà une de plus. J'ai souvent prétendu avoir tous les ans passés. J'ai 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans, 30, 40, 50, 55 aujourd'hui. Il faut savoir choisir selon les instants. Je fais ce que je peux pour garder la fantaisie de mon adolescence et gagner la sagesse qu'est supposée apporter la maturité. Il arrive hélas que je me comporte comme un gamin capricieux, mauvaise pioche. Ou que je joue les rabat-joie comme un adulte responsable, ce n'est pas mieux. Nous avons donc tous les âges acquis précédemment, pas seulement celui qui s'affiche officiellement. C'est un peu comme un mille-feuilles ou une pile de choses à faire qui s'amoncèle sur le bureau. On peut aussi tirer au hasard. C'est ce qui nous arrive le plus souvent si nous n'y prenons garde. J'appartiens à une génération qui pensait ne pas atteindre 30 ans. Chaque année de plus est une victoire. Je pense à tous les disparus et à tous ceux et celles que j'aime.