Depuis cet article du 13 mai 2010 cela ne s'est pas arrangé. Tout va très vite. Trop vite. Le marché fait s'emballer les produits technologiques. Beaucoup vivent sous perfusion informatique. On s'imagine que chacun/e est joignable à chaque instant. Comme si on emportait son smartphone sous la douche. Dans ma grande maison je ne veux pas l'avoir en permanence dans la poche, alors je rate les appels. Il faut que je sois loin de Paris pour accepter de sortir sans. Me reconnecter à la nature, à l'instant présent est devenu une épreuve que je réussis heureusement aisément, mais pas assez souvent. Ayant choisi des sonneries personnalisées, je réponds tout de même systématiquement à de rares numéros. Pour le reste je tente le silence ou je diffuse la musique à fond, à en faire vibrer les murs et les plafonds. Il y a pire que nos cerveaux anesthésiés, ce sont les dégâts humains et planétaires que la consommation folle leur fait subir, comme les mines de métaux rares dans des pays où la colonisation a pris un nouveau visage, mais cela vous le savez et je rabâche, complice de tout ce gâchis.

Enfant, j'admirais l'énorme bande magnétique enfermée dans son boîtier plastique que ma tante Catherine m'avait rapportée d'IBM où elle travaillait. Je la regardais comme une relique parmi les dizaines de souvenirs qui ne servent à rien et que l'on conserve pieusement dans des tiroirs ou des boîtes en carton. Mon père avait fait mumuse avec un ZX Sinclair, j'avais utilisé quelques systèmes dédiés à la musique comme la console Yamaha CX5M, mais mon premier véritable ordinateur fut un Atari ST et ce n'est qu'à l'acquisition de mon premier PowerBook que je fis le grand saut dans l'informatique. Jusque là, n'étant pas un gamer, les jeux d'arcade ne m'avaient jamais passionné, de même que les traitements de texte et tableurs ne me convainquirent que lorsque l'ordinateur devint portable. Un nouveau monde s'ouvrait à moi, répondant aux rêves de l'enfant qui avait été plongé dans les lectures de Jules Verne. À l'arrivée de l'iPhone, j'eus le même sentiment d'un objet qui allait révolutionner les usages. En retrouvant la facture de mon premier Apple qui date de 1992, je me rends compte des sacrifices qu'il avait générés. D'après l'indice de l'INSEE, cela équivaudrait à 6 550 euros d'aujourd'hui ! Le PowerBook 170, haut de la gamme portable d'Apple, embarquait 4 Mo de mémoire vive. Pour les applications gourmandes, nous utilisions de la mémoire virtuelle amputant celle du disque dur de 40 Mo. Vous avez bien lu, ce sont des mégas ! Évidemment, tout cela se passant bien après le cahier de brouillon, le stylo plume, la machine à écrire, la règle à calcul, la table de trigonométrie et la calculette de poche, j'ai gardé le goût pour le calcul mental et la réflexion équilibriste sans autre accessoire que les cinq sens qui me furent légués à ma naissance. Si je mets en ligne cet article en cliquant sur l'image appelée bouton en langage informatique, cela ne m'empêche pas de pédaler sur mon [vélo] ou de prendre mes jambes à mon cou jusqu'au prochain whisky bar, oh don't ask why, oh don't ask why !