Hier soir au Brady était projeté le court métrage de Sonia Cruchon, À quoi rêvent les têtes de veau, une fiction freudienne de 16 minutes où elle règle le sort du loup en deux coups de fourchette à peau, et même de seconde peau... Car sa tête de veau, Sonia l'a mitonnée aux petits oignons. Attrapant le taureau par les cornes, elle a soigné son premier film comme le meilleur praticien, comprenant que nous nous faisons tous et toutes du cinéma. On se raconte des histoires, comme jadis nos parents pour que nous nous endormions. Le film, bouleversant de poésie brute, dresse un pont entre les interrogations de l'enfance et les énigmes de l'âge adulte. Entre les deux, on esquisse des réponses, qui, si elles rassurent, se révèleront forcément fausses.


Alors si vous désirez tout savoir sur le sexe des anges, pourquoi Dreyer aimait les moulins à vent, combien de visages peut prendre une vie sage, si la mémoire nous joue des tours, vous ferez chou blanc. Le film est une œuvre ouverte que chacun assaisonnera à sa sauce. Rite de passage ou jeu de cache-cache avec les sens, le cinéma est la réunion d'images et de sons qui se complètent, le montage jouant à saute-mouton avec le temps et la lumière se gardant bien de mépriser les zones d'ombre. À quoi rêvent les têtes de veau est un film personnel nous permettant d'y trouver nos propres références, et de rêver, longtemps après que la salle fût rallumée.