70 mai 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 31 mai 2007

Deux unes pour Sextant #3


Sextant est enfin dans les kiosques depuis ce matin ! Comment ne pas être impatient après des mois de retard, et comblé, sachant que je suis en couverture du n°3 de la revue acoustellaire musicalle et culturelle. En réalité, je partage les unes avec le violoncelliste Vincent Courtois, puisque la revue semestrielle peut s'attraper par un bout ou par l'autre... Hyper classieuse comme dirait l'homme à la tête de chou, elle est imprimée tête-bêche, 34 pages dans un sens, 34 dans l'autre, la moitié chacun ! De mon côté, j'ai choisi d'être accompagné par mon compagnon de trente ans, le trompettiste et compositeur Bernard Vitet, ainsi que par les artistes Nicolas Clauss et Antoine Schmitt (petite coquille sur son nom dont le c a sauté sur la couve) qui œuvrent tous deux dans le secteur des nouvelles technologies. Vincent Courtois (qui, petite anecdote, habite à 50 mètres de chez moi, dans la même rue) est quant à lui entouré de la chanteuse Jeanne Added, du saxophoniste Marc Baron et du plasticien Thomas Jankowski.
La revue "acoustellaire" offre en bonus 2 cd-audio sur son site, gratuitement téléchargeables avec le code livré en pages centrales. Celui que j'ai préparé réunit 7 inédits d'Un Drame Musical Instantané : La peur du vide (le trio fondateur Birgé-Vitet-Gorgé live à Paris en 1983) / deux chansons écrites pour ma fille Elsa Birgé 'Cause I’ve Got Time Only For Love lorsqu'elle avait 6 ans (avec la participation d'Hervé Legeay à la guitare) et Écris-moi une chanson lorsqu'elle en avait 9 / Machiavel Meeting (concert mémorable au Glaz’art fin 1998, avec Bernard Vitet, Philippe Deschepper, Étienne Auger, DJ Nem, Hervé Legeay, Didier Petit, Olivier Koechlin) / Le silence éternel des espaces infinis m’effraie (duo électro avec Bernard, 1999) / deux pièces de l'an 2000 avec Bernard, Deschepper et Nem (Stomp et roots).
Le site de la revue présente la maquette des 68 pages en Flash et offre des extraits des entretiens, plus des photos inédites et le livret du CD.
Comme pour les deux précédents numéros consacrés à Henri Texier, Benoît Delbecq et Steve Arguëlles, les entretiens sont extrêmement fournis et documentés. La mise en pages est intelligente et soignée. Si la qualité se maintient, au delà d'être une revue, Sextant (6 euros en kiosque) pourrait devenir une collection de référence.

mercredi 30 mai 2007

La cerise sur le gâteau


Un miracle ! Me penchant vers la boîte aux lettres, je me retrouve nez à nez avec une cerise anglaise. J'ignorais qu'un cerisier avait repoussé dans le jardin. L'arbuste d'un peu plus d'un mètre, caché par l'églantier et un hortensia, porte une cerise, une seule. Voilà trois ans que le grand cerisier est mort. Il montait plus haut que la maison. C'est un de ses rejetons. Ce qui reste du tronc sert de tuteur au tamaris et au lierre. C'est magique, un fruit rouge au milieu des feuilles lorsque l'on ne s'y attend pas. Derrière, la vigne, les framboisiers, le groseillier, les fraises disparaissent peu à peu sous l'épaisse végétation tropicale. Le jardin zen d'il y a sept ans est devenu une jungle. C'était magique, parce que la cerise est apparue juste après la pluie. Elle goutte encore. J'ai pris mon appareil avant que les merles se l'approprient. Ils sont si bavards, cela va se savoir très vite.

mardi 29 mai 2007

Ce soir venez fêter la sortie du n°19 des Allumés !


Ce soir mardi, à l'occasion de la parution du n°19 du Journal des Allumés (la couve est de Sylvie Fontaine), l'association organise une grande fête au Triton (à 50 mètres du Métro Mairie des Lilas). 9 musiciens représenteront 9 des 44 labels des Allumés sortant un nouveau CD. Les 9 solos seront suivis d'une scène ouverte. Si vous envoyez votre nom avant midi à l'adresse info@drame.org, vous pourrez bénéficier d'une invitation. Faites vite, il n'en reste plus que quelques unes !
Voici le programme des Allumés du Solo :
Guillaume de Chassy (piano) pour Bee Jazz
Lionel Garcin (saxophone) pour Emouvance
Michèle Buirette (voix et accordéon) pour GRRR
Edward Perraud (batterie) pour Quark
Christophe Rocher (clarinette) pour Marmouzic
Samson Schmitt (guitare) pour EMD
Franck Vigroux (platines) pour D'autres cordes
Sylvain Guérineau (saxophone) pour amor fati
Mirtha Pozzi (percussion) pour Transes Européennes
Ouverture des portes à 20h30. Concert à 21h pétantes !

lundi 28 mai 2007

Play it again, Christian !


Deuxième billet sur Christian Marclay dont l'exposition Replay (mini-site très bien fait) à la Cité de la Musique est présentée jusqu'au 24 juin (fermée le lundi et n'ouvrant qu'à midi, sauf le dimanche à 10h, moment parfait hier puisque nous étions à peu près seuls). Nous en profiterons d'ailleurs pour faire un petit tour dans la collection d'instruments de musique du Musée dont le superbe aménagement est dû à l'architecte Franck Hammoutène, camarade de classe qui à l'époque jouait de l'orgue électrique. Gros bémol atténuant mon enthousiasme, on ne peut évidemment toucher à rien, et tous ces instruments en vitrine me sont d'une écœurante morbidité.

Revenons à Marclay, et si vous n'y êtes pas encore allés, foncez-y. Or just Replay ! Je pensais que n'étaient exposées que des vidéos souvent trouvables sur le Net. Que nenni, la visite est absolument indispensable, essentiellement pour trois installations, toutes trois sur quatre écrans. La première, Crossfire, est la plus spectaculaire, parce qu'elle véhicule une charge critique sur la violence, époustouflante de réalisme dans un univers cinématographique pétaradant aussi varésien que mes nuits sarajéviennes pendant le siège. J'avais l'habitude de m'endormir sur cette interprétation trop réaliste de Ionisation, en comptant les rafales et les explosions comme on compte les moutons. Ici, pas question de roupiller : placez-vous au centre de la pièce, entouré par les quatre écrans de 3,50m de base où les as de la gâchette vous tirent dessus dans une composition musicale de 8'30" digne des meilleures pièces pour percussion. Video Quartet est plus formaliste puisqu'il s'agit d'un écran de 12m de long divisé en quatre projections d'extraits de films mettant en scène des musiciens ; l'ensemble constitue une œuvre de 14' éminemment musicale, on pouvait s'en douter. Il est courant de citer Duchamp et Cage comme parains de l'artiste, mais l'influence de Charles Ives (1874-1954) est une fois de plus flagrante.

Gestures, la troisième de ces vidéos synchronisées, présente quatre écrans en carré où l'artiste scratche des vinyles pendant 9'. Comme Telephones, le résultat est plus anecdotique. J'ai plus apprécié Guitar Drag où une guitare électrique reliée à un ampli est sadiquement traînée par une camionnette, car question platines rien ne vaut un concert où Marclay scratche en direct devant vous.

Le catalogue de l'expo est très chouette, mais celui publié par Phaidon est encore plus nécessaire car il montre l'étonnante palette des œuvres de Christian Marclay, sculptures, collages, installations autres que vidéo, etc. Je suis sensible aux œuvres qui s'inspirent de leur support. En rejouant tout cela, je me remémore le premier scratch musical entendu sur un disque (je me suis redressé complètement flippé, pensant que j'avais rayé mon album fétiche, comme lorsque le projectionniste avait arrêté Persona d'Ingmar Bergman en voyant la pellicule brûler sur l'écran), ce sont les dernières mesures de Nasal Retentive Calliope Music sur l'album des Mothers of Invention, We're only in it for the money en 1968. Christian Marclay avait treize ans.

dimanche 27 mai 2007

Rideau !


Je n'ai jamais réussi à photographier un éclair. Le ciel s'est assombri d'un coup. Le soleil se réfléchissait toujours dans les vitres nord des tours jumelles. Leur face orientale ne montrait plus qu'un à plat noir. Dans les barres, on a allumé la lumière. Le merle s'est arrêté de chanter. En face, les yeux du caïman se sont ouverts. Plus bas, les passants se mettaient à l'abris. L'orage n'aura duré que quelques minutes. Plus rien ni personne ne respirait.

samedi 26 mai 2007

La musique de l'Afrique est en nous


Depuis que je rédige ma chronique cd pour le magazine Muziq, ce que Fredo appelle un blog papier (nous sommes près d'une quinzaine à pratiquer ce sport, une page, 6000 signes, liberté totale si ce n'est que les albums doivent être parus depuis moins de trois mois), je reçois des dizaines de disques à écouter. Je commence à comprendre l'angoisse des journalistes condamnés à réduire la pile qui encombre leur surface de travail. Comme je n'essaye pas de constituer ma discothèque qui a déjà atteint les limites du supportable ni d'arrondir mon salaire en revendant les services de presse chez les soldeurs, je précise mes goûts pour que l'on m'envoie uniquement ce qui est susceptible de m'emballer. Comme Diaghilev l'exigeant de Cocteau un soir place de la Concorde, j'aime par dessus tout être étonné.

Il m'arrive de sauter de joie en ouvrant le courrier ou de me demander quelle mouche a piqué celle ou celui qui a préparé le paquet. Ainsi, détestant le vibraphone, sauf lorsqu'il est utilisé en orchestre pour des effets de timbre ou mélangé à d'autres instruments de percussion à clavier (j'adore par dessus tout le marimba, mais aussi le balafon, le célesta, le piano, les cloches tubulaires, les poelles à frire, les pots de fleurs et même le glockenspiel !), j'avais gardé pour la fin le nouveau disque d'Alex Grillo, charmant garçon, mais néanmoins vibraphoniste. Très agréable surprise, La musique de l’Afrique est en nous (Césaré, dist. Orkhêstra) est un album déjanté comme je les aime. Les paroles caustiques du poète Daniel Biga fonctionnent parfaitement avec les rythmes de Grillo, les sons de bois et de crin du violoncelliste Didier Petit et les manipulations délicates de Christian Sebille à l’ordinateur des pompes joyeuses. Les voix de la bande des quatre sont superposées à une vaisselle éclatante où chacun relèvent ses manches pour confectionner un pan bagnat bruitiste digne des meilleures évocations radiophoniques de France Culture. Cette comédie burlesque interdit de rire sans arrière-pensée. L'esprit parfois potache des bricolos délirants est contrebalancé par un plaisir de faire communicatif qui produit une invention juvénile que l'on aimerait entendre plus souvent chez les autres pros du son. Le petit pain rond qui tourne sur la platine est riche en couleurs, savoureux en langue, épicé à souhait, un vrai bonheur.

Quelques lignes dans Muziq ne feront pas vendre plus de trois ou quatre exemplaires de plus des disques évoqués. Une page dans Libé ne fait guère mieux. Hélas ! Il n'y a que le Journal de 20 heures qui puisse éventuellement faire effet, ou alors, que toute la presse en parle, cela deviendra l'affaire du bouche à oreilles... Quelques lignes ici ou dans Muzik permettront peut-être à quelque musicien d'esquisser un sourire. Les conditions économiques des intermittents se dégradent sans cesse. Être artiste aujourd'hui, qu'est-ce que cela signifie encore ? Transmettre. Informer. Le fruit d'un travail est souvent sanctionné par quelques lignes dérisoires qui pourront être reprises dans un dossier de presse. Ce sont parfois les seules traces qui resteront. La mémoire est volatile. Ici ou ailleurs, chaque fois, s'inscrivent seulement quelques lignes de solidarité. Quelle importance ! La musique est en nous...

vendredi 25 mai 2007

Mammifère - ma mère l'était, il faut m'y faire...


C'est amusant comme parfois le réel nous rattrape. Mercredi en fin d'après-midi, alors que je discutais avec Pierre-Oscar Lévy (son blog sur le site de la-srf) de choses et d'autres, en particulier des substances ingurgitées, inhalées et injectées aux dirigeants politiques qui nous gouvernent, nous évoquons son activité de producteur et réalisateur lorsqu'il fonda le magazine Archimède sur Arte. Du récent décès du Nobel de physique Pierre-Gilles de Gennes nous arrivons, je ne sais plus comment (sans jeu de mot idiot, d'autant que je n'avais pris qu'un Perrier rondelle et Pierre-Oscar un café), au généticien Pierre-Henri Gouyon qui m'avait tant impressionné lorsque j'avais composé la musique du film de Pierre Morize, 1+1, une histoire naturelle du sexe. Je me souviens de son a parte marmonné "J'ai choisi de ne pas reproduire mes gênes...", P.O.L. cite Michel Leiris : "Mammifère - ma mère l'était, il faut m'y faire...". Je grimpe à vélo la côte qui mène à ma tanière et découvre que la conférence que Gouyon a donné au Théâtre Mouffetard est diffusée sur France 5 à 21h45 le soir-même. Anny nous avait parlé de cette série intitulée La recherche nous est contée, mais je suis si difficile à bouger ! Pierre Santini lit des extraits de textes scientifiques historiques, un saxophoniste ponctue la remarquable intervention du généticien qui vulgarise allègrement pendant une petite heure. Chaque fois que j'essaie de raconter ce que j'ai entendu ou cru comprendre (nous ne sommes que des véhicules pour nos gênes qui sont les seuls à se reproduire ou nous avons tous les mêmes ancêtres), ça tombe à plat. Difficile de réduire une démonstration scientifique à quelques sentences ! Comme je googlise Gouyon, je tombe sur une captation en trois parties de l'émission déjà en ligne. Il m'a toujours semblé que pour comprendre l'humanité, Marx et Freud n'abordaient qu'une partie de la question et qu'il était nécessaire de retrouver l'animal. La génétique apporte un éclairage encore différent. Absolument passionnant.


Si cela vous a plu, j'ai trouvé une autre conférence sur le Net, intitulée Nouvelles problématiques pour les Sciences du Vivant qui semble reprendre le même sujet, cette fois enregistrée à l'INRIA Sophia Antipolis en mai 2003 dans le cadre du Colloquium Jacques Morgenstern.

jeudi 24 mai 2007

Dernière du Vrai-Faux Mariage au Cabaret Sauvage


Elsa m'envoie l'annonce du Vrai-Faux Mariage de La Caravane Passe dont c'est la dernière de la saison au Cabaret Sauvage demain vendredi à 20h45. Pour l'illustrer, je trouve un extrait vidéo de leur passage sur France 3. Au programme, vrais danseurs, faux mariés, et grosse fiesta en fanfare, un spectacle-concert où le public est invité à la fête de mariage de Sacha et Mona, avec La Caravane Passe et toute la Clique de Plèchti (magicien, acrobates, clowns, danseurs...). Le flyer prévient : attention, ULTRA FESTIF !!! Baroque, burlesque, déjanté, c'est une hystérie musicale aux accents blues, rock, polka et tango balkanique. Après le spectacle qui a rameuté chaque mois quelques 1300 spectateurs, DJ Tagada mixe le son de l'Est et du monde entier pour une gypsy thérapy qui dure toute la nuit. C'est au Parc de La Villette, 59 bd Mac Donald, M° Porte de la Villette, info : 01 42 09 01 09, PAF : 12 à 18 euros.
Curieux phénomène que ces soirées arrosées de vodka où les spectateurs dansent jusqu'à plus soif ! Les amateurs de raves ont trouvé un défouloir à la mesure de leur folle énergie. À côté de l'orchestre (trompette, fiscorn, sax, contrebasse, batterie), Yann-Yvon Pennec (Sača) et Môh Aroussi (Mona) incarnent les mariés, et les spectateurs les invités de cette soirée survoltée. Cerise sur le gâteau, Elsa occupe l'un des rares moments où la mélodie ralentit le tempo lorsqu'elle se lance au-dessus de la foule, se contorsionnant sur son trapèze au centre de la piste.

mercredi 23 mai 2007

Didascalies de Luc Ferrari


Le répétitif Tautologos III est la dernière pièce de Luc Ferrari enregistrée de son vivant, en juillet 2005. Action-silence. Je l'ai entendue de mes propres oreilles, une vérité pleine et entière : Luc Ferrari est un compositeur majeur du XXe siècle, un auteur empruntant le double sens, jonglant avec mathématique et philosophie.
Rencontres fortuites et Didascalies, la seconde des trois pièces pour violon alto, piano et SM ("SM voulant dire Son Mémorisé et rien d’autre") qui donne son titre à l'album paraissant chez Sub Rosa (dist. Orkhêstra), le présentent tel un Zappa électroacoustique, adepte du montage et de la citation. Il est l'équivalent français de John Cage par son minimalisme dramatique, ses collages improbables et son attachement au réel. Il tient tant de Satie que de Varèse sur qui il réalisa d'ailleurs un fameux film aujourd'hui invisible (en 1965 et 1966, il cosigna ainsi avec Gérard Patris toute une série d'émissions intitulée Les grandes répétitions sur Messiaen, Stockhausen, Scherchen et Cecil Taylor). Ses abstractions instrumentales répondent à de mini-scènes anecdotiques, humoristiques, érotiques, où son inimitable voix donne les règles du jeu. Il parlait du nez. Ses œuvres distillent leur parfum comme une nuée de souvenirs tantôt rémanents, tantôt évanescents. L'auditeur, ne sachant plus à quel sein se vouer, les interprète à sa sauce. Didascalies, ces petites indications de jeu, de tenue vestimentaire que le compositeur ou le metteur en scène écrivent en italiques pour leurs acteurs, est un titre qui lui va comme un gant. C'est un de ses meilleurs disques.

Luc Ferrari possédait son propre studio, mais, en 1982, il avait créé La Muse en Circuit. Il réalisait des Hörspiels, mais savait écrire magnifiquement pour l'orchestre. Il nous faisait l'impression d'un dandy, Bernard l’appelait le Gainsbourg de la musique contemporaine. Sur la radiophonie de Crimes Parfaits (Un Drame Musical Instantané, lp À travail égal salaire égal de 1981 et cd Machiavel de 1999), j'avais monté une de ses phrases que j'ai ensuite souvent citée : "Malheureusement, c'est comme ça qu'on le joue !".


Le 24 février 1992, nous avions enregistré avec lui une improvisation intitulée Comedia dell'Amore 224 qui figure sur notre album Opération Blow Up (dist. Orkhêstra). Pour illustrer sa participation parmi nos 14 invités, il avait envoyé une photocopie qu'il avait signée de Boucher et de lui-même. On l'y entend murmurer : "C'est la nuit, et voilà".

mardi 22 mai 2007

Livraison de planeurs


Orkhêstra distribue trop de bons disques (sans évoquer GRRR !).
La numéro 13 datée du 3 mai présente la réédition en cd remasterisé des Yeux fermés & Lifespan (Elision Fields) de Terry Riley, le premier répétitif révélé par In C, une pièce minimaliste dont l'instrumentation libre a permis une étonnante diversité d'interprétations. Le succès est venu avec Rainbow in Curved Air en 1969. Depuis vingt ans, il écrit essentiellement pour quatuor à cordes, avec la complicité privilégiée du Kronos Quartet. Le cd qui vient de paraître est la musique de deux films peu mémorables de 1972 et 74, réciproquement de Joël Santoni et Alexander Whitelaw. C'est du Riley variétoche, l'entendre en toute sympathie, car c'est plein de volutes de fumée hallucinogène, de boucles hypnotiques qui inspireront des groupes comme Soft Machine, d'orgue électronique, de piano, de saxophone soprano. Les instruments se tuilent en un délicieux mille-feuilles sucré à souhait qui fait tourner la tête. Jusqu'ici j'avais toujours pensé que c'était dans l'ordre inverse, le vertige suggérant la pâtisserie...
La musique de 48 Cameras, collectif implanté en Belgique, appartient à cette même famille des planeurs expérimentaux. Ils collaborent avec de nombreux invités par la voie des télécommunications. After all, isn’t tango the dance of the drunk man ? (Interzone) s'écoute facilement, allongé dans des coussins profonds.
Post-Minimalism rassemble 19 compositeurs de 4 pays en 2 cd (Trace). La musique répétitive a un jour été rebaptisée minimaliste sans que je m'en aperçoive, offrant un espace plus ouvert au retour à la tonalité, déployant un large éventail d'œuvres aux formes simplifiées, mais dont la variété s'expose ici dans un "post" qui n'exprime que l'émergence d'une troisième génération. La première a rendu célèbres Riley, Reich et Glass ; Adams et Bang on a Can appartiennent à la seconde. Quel mouvement lui répondra-t-il, comme eux-mêmes se révoltèrent en leur temps contre l'omniprésence des post-sériels ?
Enfin, les déçus du Volta de Björk pourront se rabattre sur Orphica du grec Mikhail (Q’mass), déclinaison réussie du mythe. Une voix haut perchée, des arrangements qui oscillent entre symphonie virtuelle et rythmiques électroniques ciselées à l'or fin, ce baroque helléniste suggère qu'une page est tournée et qu'il est peut-être temps de défricher de nouveaux paysages utopiques.

P.S. : j'évoquerai bientôt les deux disques distribués par Orkhêstra qui m'ont vraiment surpris, La musique de l'Afrique est en nous d'Alex Grillo (Césaré) et Didascalies de Luc Ferrari (Sub Rosa). À suivre.

lundi 21 mai 2007

Narcisse Machine


Je me demandais ce que j'allais bien raconter aujourd'hui. J'ai commencé à écrire ce que je pensais de mon nouvel ordinateur portable, un MacBook Pro 15 pouces 2,16GHz, 3Go de mémoire vive. Comme chaque jour, la question de l'illustration s'est posée. Une image de l'objet me semblait tout indiquée. Alors que j'étais prêt à le prendre en photo ou à chercher une reproduction sur le Net, la caméra intégrée m'a fait un clin d'œil. J'ai lancé le logiciel Photo Booth, traduisez Photomaton, mais j'avais beau incliner l'écran vers le clavier, cela ne fonctionnait pas. J'ai attrapé le premier miroir qui passait à portée de main, une horloge ORTF que Françoise avait posé dans les archives, et je l'ai retourné de façon à voir le clavier rétro-éclairé sur l'écran. Je ne me suis pas aperçu que je le tenais à l'envers, mais nous n'en sommes plus à cela près. J'ai appuyé sur le déclencheur : 3 2 1... Flash !
L'écran est devenu tout noir. Entièrement noir. Plus aucun logiciel n'était accessible. Aucune touche n'était effective. Impossible de quitter. J'ai flippé. Je ne suis toujours pas remis du crash de mon disque dur le mois dernier. J'ai forcé à quitter brutalement en appuyant quelques secondes sur le bouton d'allumage. C'est reparti, heureusement, mais il faut toujours attendre que le bureau apparaisse pour en être vraiment certain. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Mystère. L'ai-je effrayé en lui renvoyant son image ? L'éclat aveuglant semble lui avoir fortement déplu. Pourtant, c'est là, regardez, comme une pièce à conviction. La prochaine fois, j'essaierai en plein jour, sans le flash automatique ! Il faut savoir sérier les problèmes...

dimanche 20 mai 2007

Pas en notre nom


Sarkozy rêve de grands travaux à la Haussmann. Son urbanité feinte permet de penser qu'ils ne seront pas d'ordre architectural. Ses intérêts sont dans le social. Tracer de grandes allées bien dégagées sur les oreilles permettra à la police de la pensée de rouler vite et droit. Il personnalise le symbole phallique que la bourgeoisie friquée attendait depuis longtemps. La droite est décomplexée. C'est le maître mot. La cohabitation lui liait les poings. Le mal est à l'œuvre. La façade est encore bâchée. Les pompes de la République semblent d'un blanc immaculé, mais derrière se trame déjà un second acte, triste et lugubre.


Après les législatives et un premier gouvernement dit d'ouverture, constitué de barons veules et serviles, de traîtres opportunistes et de gogos naïfs, il s'attaquera aux véritables réformes qui mettront le pays à genoux. Ses admirateurs pensent que lui fera ce qu'il a promis. Lorsqu'on leur pose la question du quoi, ils ne savent que répondre tout. C'est tout dire. Prudents et impudents, ils précisent "pourvu qu'on le laisse faire" ! J'écris comme si c'était de la science-fiction, c'est de la realpolitik, comme Bismarck l'entendait.

samedi 19 mai 2007

Le n°19 consacré à la presse


8h du mat à la gare Montparnasse. Christelle, Jean et moi nous retrouvons une fois de plus dans la rillette pour rejoindre sa capitale où nous bouclons, avec Valérie, le numéro 19 du Journal des Allumés du Jazz, entièrement consacré à la presse musicale et jazz en particulier. Au programme :
- des entretiens de Jean-Paul Rodrigue et Jean Rochard sont menés avec les rédac' chefs de Jazz Magazine, Jazzman et ImproJazz, soit Frédéric Goaty (qui cumule ardemment à la direction de Muziq), Alex Dutilh et Philippe Renaud. P.-L. Renou est interrogé par Raymond Vurluz. Jacques Oger évoque le magazine anglais The Wire.
- La Question de JJB est double : aux journalistes Fara C (L'Humanité), Michel Contat (Télérama), Christophe Conte (Les inrocks), Jacques Denis (Jazzman, Vibrations) et Bernard Loupias (Le Nouvel Obs), je demande "pourquoi écrivez-vous ?" ; pour les musiciens et ciennes Noel Akchoté, Étienne Brunet, Médéric Collignon, Isabelle Olivier, Ève Risser et Stéphane Sanseverino, c'est "qu'aimeriez-vous lire sous la plume des journalistes ?".
- Penser la musique aujourd'hui concerne cette fois Francis Marmande (Le Monde, entre autres).
- Jean-Louis Wiart introduit ce dossier sur la presse, Le jour de Jean Rochard est toujours aussi provoquant, l'Inspecteur Paul cocoone Au coin du polar, Pablo Cueco regarde Paris brûler et votre serviteur rassemble les dvd d'animation sur l'écran noir de vos nuits blanches et tente de susciter de l'intérêt pour le blog des Allumés ! Enfin les nouveautés qu'on retrouvera sur le site marchand des Allumés égaieront un printemps qui a commencé de manière plutôt inquiétante.
Les illustrateurs s'en sont donc donné à c?ur joie : Sylvie Fontaine (couverture), Stéphane Cattaneo, Chantal Montellier, Johan de Moor, Ouin, Jeanne Puchol, la pianiste Ève Risser, Siné, Andy Singer et Zou, sans oublier la superbe photo de Guy Le Querrec commentée par La Tribu Hérisson.
Venez fêter la sortie du n°19 avec nous le 29 mai au Triton (Les Lilas) ! Neuf musiciens et ciennes y joueront en solo. Places à gagner ici.

vendredi 18 mai 2007

L'île déserte


Pourquoi emporter des films sur une île déserte ? Quelle drôle d'idée ! L'expérience nous débarrasserait d'un fatras de mémoire, d'une technologie handicapante qui pourrit nos week-ends, des contingences qui nous font oublier qui nous sommes et à quoi nous appartenons. Au lieu de cela, obsessionnels, nous dressons des listes qui nous poursuivent dans nos rêves. Nous fabriquons ces rêves de toutes pièces pour conjurer le réel, inconscient transposé dans une fiction somnambulique sans issue. L'enjeu serait-il le même avec des disques ou des livres ? Certains manuels de survie seraient plus utiles que de s'abstraire du train-train quotidien en s'aveuglant de bouts de ficelles en celluloïde. Mais non, on s'accroche à ses avoirs pour ne pas évoquer la difficulté d'être. On se moque de Robinson Crusoé en faisant les yeux doux à Babylone. On fait les courses pour la semaine. On accumule des biscuits pour l'hiver, alors que déjà l'été approche avec l'avoir été.

N'empêche. J'ai pensé aux dix films, cédant aux sirènes des retrouvailles, mais pas à la nostalgie. J'ai misé sur l'avenir. Coup de théâtre : le premier sur mes lèvres est Muriel d'Alain Resnais ; son sous-titre, le temps d'un retour, m'en dissuade aussitôt. De plus, je ne veux choisir que des films sortis en dvd : je n'ai pas encore reçu Hellzapoppin (ici le début en images et la jam avec Slim Gaillard), commandé ce matin en Angleterre. C'est trop compliqué, il y en a trop. En parcourant les tranches des boîtiers classés par genre et chronologie sur les étagères, je tombe automatiquement sur les plus épaisses et décide ainsi de suggérer dix coffrets indispensables à mes yeux et à vos oreilles. Évidemment je triche en choisissant des coffrets plutôt que des films, ça laisse un poil plus de temps au naufragé, j'aurais pu choisir ceux de Michael Powell, Fritz Lang, Luc Moullet, Jacques Demy ou des anthologies de Gainsbourg, Brel ou Barbara... Mais aujourd'hui, c'est ainsi :
1. Je saisis l'Atom Egoyan qui vient de paraître parce que je n'ai vu qu'un seul des huit films qu'il réunit (TF1 Vidéo), et même cet Adjuster, je veux le revoir avant de le chroniquer ici.
2. Criterion a rassemblé Le sang d'un poète, Orphée et Le testament d'Orphée avec comme d'habitude d'excellents boni pour honorer l'injustement décrié Jean Cocteau. L'œuvre de ses détracteurs, homophobes nauséabonds, résiste moins bien au temps que celle du poète. Magie du cinématographe. Le parrain de la nouvelle vague. En France, Studio Canal a remplacé Orphée par La belle et la bête, c'est bien aussi. Tout est bien chez Cocteau. J'attends que paraisse Les parents terribles.
3. Les Noailles offrent un pont vers Luis Buñuel. J'aurais opté pour La voie lactée ; le coffret Canal lui adjoignant Belle de Jour et Tristana (les plus beaux rôles de Catherine Deneuve à part chez Demy) fait encore mieux l'affaire. Les absurdités de la religion et les mesquineries de la bourgeoisie me font rire toujours autant. Il existe un coffret encore plus gros de neuf films, c'est trois fois mieux, puisqu'il ajoute Le journal d'une femme de chambre ("je suis pour l'amour, moi, Célestine, pour l'amour fou..."), Le charme discret de la bourgeoisie ("le sergent a un rêve très sympathique à vous raconter"), Le fantôme de la liberté ("mais qu'au moins les moines restent !"), Cet obscur objet du désir, etc. Du pain béni !
4. Je vous ai déjà bâché et rabâché les oreilles avec l'Histoire (s) du cinéma de Jean-Luc Godard (G.C.T.H.V.). C'est tout de même beaucoup plus riche que le coffret Debord (G.C.T.H.V.), plus conceptuel que jouissif, et plus swing encore que L'abécédaire de Deleuze (Éd. Montparnasse).
5. Je n'avais pas le choix avec Lucchino Visconti. Il en manque beaucoup trop. Warner a simplement collé ensemble Les damnés et Mort à Venise. C'est déjà ça. La précision du détail. L'universalité. Il met en scène ce qu'il connaît pour l'avoir vécu. Une histoire de famille. Renoir, Visconti, Mizoguchi, l'appareil critique au meilleur de sa forme.
6. N'importe quels Mizoguchi Kenji donc. Ici Les amants crucifiés, L'intendant Sansho, L'Impératrice Yang Kwei-Fei, Le Héros sacrilège (Opening). Le second volume est aussi formidable. Mais quid de La rue de la honte, le dernier, le plus puissant. Mizoguchi sait filmer les femmes, comme Max Ophüls ou Jean Grémillon. Il a pourtant été poignardé un jour par une prostituée... Allez savoir...
7. Jean Vigo, l'intégrale, tout est là, tout est montré, analysé, à savourer tel quel (G.C.T.H.V.). Dont le Cinéastes de notre temps réalisé par Jacques Rozier. Son Adieu Philippine aurait fait partie des dix films. Je ne me lasse d'aucune de ses réparties, d'aucun plan, d'aucune chanson. Le coffret Cinéma, de notre temps aurait pu aussi figurer ici si y étaient sélectionnés la Première vague, Samuel Fuller, Josef von Sternberg, John Ford... plutôt que quelques contemporains un peu barbants.
8. J'ai déjà évoqué ici Norman McLaren, une autre intégrale, le maître de l'animation...
9. Et le coffret métal bleu style boîte de biscuits (on y revient) de Tex Avery, qui ferait faire des économies considérables à la Sécurité Sociale s'il était remboursé plutôt que tous les anti-dépresseurs prescrits abusivement. Aucun effet secondaire !
10. Je termine avec la meilleure série télévisée de ces dernières années, Six Feet Under, ici la première des cinq saisons, il faut bien commencer quelque part. Puisque tout finit un jour, et que nos rêves nous survivront peut-être. Peut-être ? Pouvoir être. Peu. T'être.

jeudi 17 mai 2007

Une charade hypnotique


J'attendais le feu vert de Fabrice Journo pour publier la photo de nous quatre le 3 mai au Triton pour la nouvelle formule de Somnambules. L'envie d'évoquer le spectacle me titillait tant j'ai ressenti de plaisir et d'excitation à la performance.
Nicolas Clauss, le grand à gauche, avait corrigé le tir depuis la première mouture début 2006, en travaillant sur la durée : comment avoir suffisamment de matériel pictural animé dans une configuration improvisée où les musiciens ont toujours une approche très approximative du temps qui passe (j'avais tout de même un chronomètre) - comment ne jamais revenir en arrière et structurer son discours avec un début, un développement et une fin - comment jouer en rythme sans être redondant ou platement illustratif (question également valable pour le trio) - comment ne pas faire tomber l'ambiance entre deux pièces, etc. Pari réussi, les images étaient somptueuses, rien que des pièces jamais montrées en spectacle, le déroulement dramatique impeccable avec un rappel imprévu, Les dormeurs, évocation rimbaldienne des tranchées...
Le choix d'un rythmicien comme Éric Échampard, débardeur côté jardin, ne pouvait qu'enchanter Nicolas qui s'en est donné à cœur joie. Mais Éric est beaucoup plus qu'un batteur, je l'ai écrit et répété, c'est un musicien complet, créateur de timbres inouïs. Au risque de le faire devenir écarlate, j'ajouterai qu'il a détrôné Max Roach dans mon Panthéon personnel (une chance, car la probabilité de faire équipe avec le New Yorkais de 83 ans s'amenuise de jour en jour !). Tous deux sont des mélodistes, ils accordent leurs peaux pour les faire chanter. Éric réagit au quart de tour, capable de rattraper toutes mes balles, mes skuds, mes coups tordus, tout un inventaire défenestré à la veille de la mascarade des élections : des accordéons, des hippopotames, des clefs, des pinceaux, un âne mort attelé à un piano à queue, un sapin en flammes, un évêque, des plumes... Sa virtuosité et son sens de l'à-propos justifient toutes mes recherches sur le zapping rythmique qui m'apparaissaient limite lorsque je les expérimentais seul en studio. Jeu en réponses, synchronisme et polyrythmies, explosions de couleurs du dripping au pistolet sans oublier de renverser le pot de peinture sur les passants, spectateurs d'une unique soirée...
Grâce à lui, je peux jouer physiquement de mes deux claviers. Il est si rare que la sueur perle à mon front lorsque je suis en scène. Quelques notes graves de trompette à anche, des stridences flûtistes où le zen chavire vers l'ultrason, mon sax free de quinze centimètres de long et un zeste de guimbarde ne me distraient pas du V-Synth dont j'ai rarement joué en public. Je délaisse mon éternel VFX qui me permet essentiellement d'assurer les transitions. J'ai préparé beaucoup plus de programmes que je n'en utilise. J'essaye de tricoter autour d'un son principal par morceau. Le V-Synth, avec son trackpad, son double beam (des faisceaux infra-bleus que j'intercepte chorégraphiquement) et tous ses contrôles en temps réel, me permettent d'intervenir directement sur les sons, d'improviser totalement la musique qui se joue à quatre, puisque je mixe certains bruits synchrones produits par les modules interactifs de Nicolas.
Nous commençons par Jumeau Bar dont je trafique les sons originaux avec l'Eventide que j'ai entièrement programmé. Après cette introduction bruitiste, nous alternons les passages tendres et les déferlements rockys tandis qu'Étienne Brunet s'empare de sa cornemuse sur White Rituals. La cérémonie peut commencer. Nous faisons la culbute. Mes imitations de guitare hendrixienne passent encore mieux que je ne l'espérais. Heritage nous fait glisser définitivement vers un rock où Bush père et fils sont à la hauteur de leur réputation. On calme le jeu avec Les marcheurs, hommage à Steve Reich, et nous nous laissons aller à l'improvisation absolue sur les dessins d'enfants de L'ardoise.
Étienne Brunet, la sangle au cou, plane au-dessus de la mêlée, saxophone alto traversant trois effets conçus par feu Robert Moog. Ses mélodies aériennes semblent sortir d'un sax préparé comme on dit d'un piano préparé. Les traitements, discrets, actualisent le son sans le déformer, ajoutant des couleurs nouvelles aux éboulements percussifs et aux nuages électroniques. Beaucoup de grâce dans ce chapelet de notes égrainées comme avec un amuse-doigts. La fleur au bec. Parfois vénéneuse...
Je crois avoir retrouvé l'équilibre du trio originel du Drame. Mon premier a les réflexes fulgurants et la complicité inventive de Francis. Mon second accroche nonchalamment ses airs sur la corde à linge, spécialité de Bernard. Mon troisième produit les images du film... Tous ont le sens de la gravité, de l'humour et de la gentillesse, de quoi faire un orchestre comme je les aime. Mon tout ne ressemble à rien et ne demande qu'à se reproduire.

L'enregistrement du concert...

mercredi 16 mai 2007

Their Satanic Majesties Influence


Je résume vite fait. En décembre 1967, les Rolling Stones sortent Their Satanic Majesties Request, 33 tours psychédélique en réponse au Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles paru en juin, lui-même inspiré par le Pet Sounds des Beach Boys. Le seul album expérimental des Stones (conçu sous l'emprise du LSD) eut peu de succès, la presse le descendit, Mick Jagger et Keith Richards dirent qu'ils avaient enregistré "n'importe quoi", sous la pression d'un procès pour détention de stupéfiants et dans l'euphorie des diverses substances qu'ils ingurgitaient pour de vrai. Pourtant, pour les nombreux amateurs de trucs brintzingues et d'inventions musicales, c'est le meilleur disque des Stones, aussi incontournable que le chef d'œuvre des Beatles.
Six mois après sa sortie et le joli mois de mai (n'en déplaise à tous les renégats en costume rayé), je découvre le We're only in it for the money des Mothers of Invention qui va me faire entrer en musique. Autre référence au Sergent Pepper's, la pochette de Zappa est un pastiche inversé de celle des Beatles, insert compris. J'ai déjà raconté l'influence déterminante que Frank Zappa eut sur mes jeunes années. Mais en réécoutant hier le disque ébouriffant des Stones, je m'aperçois avec stupeur qu'il m'a certainement beaucoup plus influencé dans ma démarche de compositeur que par le génial barbichu... Aurais-je été inconsciemment préparé par les Beatles et les Stones à découvrir les Mothers ?
Il est probable que la disparition de Brian Jones en 1969, noyé dans sa piscine de la maison construite pour le créateur de ''Winnie l'Ourson'', orienta définitivement le groupe vers le hard-rock. Les arrangements de Their Satanic Majesties..., étonnants de modernité pour l'époque, le restent aujourd'hui. Le clavecin de Nick Hopkins, le mellotron de Brian Jones, ses improvisations débridées à la flûte, ses cuivres déments font sortir les Stones de leur popitude encore trop sage. Ils durciront le ton avec Street Fighting Man et Sympathy for the Devil, entamant leur période la plus fertile... Brian Jones se révèle ici un multi-instrumentiste arrangeur de génie, intégrant toutes les trouvailles du free jazz, de la musique psychédélique et des formules répétitives qui allaient influencer des groupes comme Soft Machine. Les recherches de timbres pullulent, en particulier sur les voix, le mixage dramatique, au sens où on l'entend à la radio pour les émissions de création.
Sur la pochette est collée une photo en relief des Stones. Des volutes de fumée sur fond bleu font office de papier peint, fond rouge pour la pochette intérieure où l'on glisse le vinyle. Tapisserie au verso et, à l'ouverture, collage réalisé avec le photographe Michael Cooper qui a conçu tout le packaging. Je comprends les fans du vinyle. Une chaleur se dégage de l'objet. Je regarde tourner la galette, l'aiguille passe sur le sillon, c'est mesuré, cadré par le bras qui se lève en fin de face. Juste le temps qu'il faut. Se lever pour retourner le disque. Un peu plus tôt, j'admirais la pochette que Warhol avait faite pour l'Academy in Peril de John Cale...


Je me retrouve dans les longues improvisations de Sing This All Together et de sa longue reprise en fin de face A, (See What Happens), où John Lennon et Paul McCartney prêtent leurs voix et jouent des percussions. Depuis le réveil en 1975 (Birgé Gorgé Shiroc, Défense de, GRRR 1001, réédition cd+dvd MIO 026-027) jusqu'à mon récent concert avec Somnambules, je me reconnais dans ces tourneries qui évoluent sans cesse, couches successives inattendues, travail sur la multiplicité de timbres inouïs (réclamés à l'origine par Jagger pour rivaliser avec les Beatles !). Que je joue de mes synthés, de la flûte, des cuivres, des claviers ou de petites percussions, je comprends soudain à quel point ce disque me marqua. J'avais quinze ans, l'âge du passage à l'acte.
Le son du piano d'Hopkins ou les cordes de John Paul Jones sur She's a Rainbow me frappent si je les compare aux orchestrations que nous imaginons avec Bernard. Tout à coup ça dérape. Les cordes grincent. Un truc inimaginable aujourd'hui, sauf peut-être encore chez quelques Radiohead ou Amon Tobin, et chez tous les chercheurs marginaux style Zorn ou Vigroux qui continuent à ramer en avant-garde de plus aucun mouvement ! Reprise des délires hallucinogènes avec Gomper, tablas, flûte, sitar, fouet des rameaux de baguettes, boucles des guitares, harmonica déjanté, origines indiscernables, je retrouve encore ce que j'ai cherché à reproduire malgré moi. Le pompon va à 2000 Light Years from Home que j'ai revu live un jour à la télé en 89, fabuleux, et j'avais oublié le synthétiseur de Bill Wyman (Lire la suite). Tout l'album est truffé de fugitives petites phrases parlées, de filtrages sur les voix, d'instruments étranges qui flirtent quelques secondes avec l'orchestre. Ici et là, je reconnais mon instrumentarium plus que sur aucun autre enregistrement, sauf peut-être certains vieux Art Ensemble of Chicago. Le dernier morceau du disque me rappelle celui d'Absolutely Free des Mothers, fin de soirée éthylique, ici On with the Show, chez Zappa America Drinks & Goes Home dont je fis la bande-son de mon second court-métrage (Idhec 72, un nouveau scandale financier).
Brian Jones ?!, vous avez dit Brian Jones ?

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mardi 15 mai 2007

Créer c'est résister. Résister c'est créer.



Lancé lors d'une conférence de presse, à Paris, Maison de l’Amérique latine, le 8 mars 2004, pour la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944, ce texte a été refusé de publication par les médias dominants. Les images ont été tournées en réaction à ce refus, au moment de la campagne référendaire. L'appel des Résistants a refait surface sur divers sites à la mi-mars 2007.

L'Appel des Résistants.

Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces Combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et transmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle.
Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n'a pas totalement disparu et notre colère contre l'injustice est toujours intacte.
Nous appelons, en conscience, à célébrer l'actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succéderont d'accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s'éteigne jamais :
Nous appelons d'abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l'anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des «féodalités économiques », droit à la culture et à l'éducation pour tous, presse délivrée de l'argent et de la corruption, lois sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l'Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie. Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs conséquences, à définir ensemble un nouveau « Programme de Résistance » pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l'intolérance et de la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales.
Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grands-parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n'acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.
Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec notre affection :
«Créer, c'est résister. Résister, c'est créer ».

Signataires : Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.

lundi 14 mai 2007

Lors Jouin joue le barde


On continue dans la détente. Et on s'amuse, et on rigole... " Rikita rozenn gaer a Java, Deus da zansal ha deus da voucha, Da vouezh zo flour pa ganez da sonenn, Da zaoulagad evel diou steredenn... " Ainsi commence le refrain de Rikita (jolie fleur de Java) en version bretonne par le barde Lors Jouin dans l'album fraîchement paru chez Keltia Musique, Chansons de la Bretagne éternelle d'hier et de toujours pour maintenant par rapport à demain (cd + dvd de 26 minutes !). C'est sans aucun doute le disque le plus ringard de l'année, le plus kitsch et le plus authentique. Les Bretons s'y reconnaîtront sans mal, à en pisser dans leurs braies. Les autres auront peut-être besoin de quelque explication pour savoir si c'est de l'andouillette ou du cochon. Les deux certainement.
Lors Jouin joue le jeu sans aucun compromis en collectant ces chansons qui marquent l'histoire de la Bretagne, mais en les interprétant avec la plus grande honnêteté, collant à une réalité souvent complexe, quitte à prendre tous les accents du terroir, à chanter volontairement faux ou désynchronisé pour les clips vidéo, avec un orchestre de synthés et un remarquable accordéoniste. Plus vrai que nature !

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dimanche 13 mai 2007

La Marseillaise au pipeau


Petit délassement dominical, la manif de droite qui a pas mal circulé sur le Net depuis le jour des élections. Filmée par Arnaud Contreras (A 360 Productions) et montée récemment, cette action a été organisée à Paris le 25 avril 2003 par le Fourneau, la Fédération des Arts de la Rue et des intermittents (de droite évidemment...). Inventons des grèves populaires, qui fassent plaisir à tous les usagers. L'humour est souvent un bon exutoire, à défaut de convaincre, puisqu'avec des arguments, même les plus sensés, on ne convainc personne qui ne veuille être convaincu. Faisons preuve d'imagination dans les luttes à venir si nous voulons éclairer les indécis et réveiller les intoxiqués qui votent contre leurs intérêts. Kuhle Wampe... D'ailleurs, cela continue à me trotter dans la tête, mais pourquoi les victimes élisent-elles majoritairement leurs bourreaux ? Ce n'est pas nouveau. C'est ainsi depuis la nuit des temps. L'être humain est-il fondamentalement SM ? L'imagerie de l'occident chrétien l'affirme. Comment expliquer que les états perdurent alors qu'ils sont tous à la solde de quelques nantis qui exploitent le bon peuple ? Le syndrome de Stockholm appliqué aux masses !

samedi 12 mai 2007

Ma tante touche du bois


Arlette Martin expose peintures et marqueteries jusqu'au 19 mai à la Mairie du XXe arrondissement à Paris. Elle est passée des pinceaux au travail du bois en 1958 sur la suggestion de mon oncle Gilbert. Arlette est la sœur aînée de ma maman. Lorsque j'étais enfant, les murs de notre appartement étaient recouverts de ses tableaux abstraits parce qu'elle ne savait pas où les accrocher dans leur mansarde de la rue Rosa Bonheur. La question de l'abstraction s'est donc très tôt posée à moi. On me répondait que cela ne représentait rien, qu'il ne fallait pas essayer d'y voir des ressemblances avec quoi que ce soit comme on fait avec les nuages lorsque l'on découvre parfois avec surprise des analogies avec des formes existantes. J'ai déjà évoqué le déséquilibre intentionnel, inspiré par cet unique lien avec l'art dans mes jeunes années. Je me souviens parfaitement de certains de ces tableaux peints au début des années 50. Arlette a continué en travaillant le bois, c'était une des rares marquetistes à ne pas faire dans le ringard, ni figurative ni géométrique. Abstraite !
D'elle je possède ainsi une table basse, un tableau et une aquarelle, mais la pièce dont je suis le plus fier est la porte qu'elle m'offrit pour le studio de musique à mon installation à Bagnolet. Arlette est étonnante de vitalité et cela se retrouve dans ses œuvres. Elle accumule les responsabilités à la Maison des Artistes (trésorière non solidaire des délires sarkozistes de son président !), au Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens (secrétaire générale honoraire), à la SAD (présidente en 1986-87 au Grand Palais) et jusqu'à l'année dernière, à 80 ans passés, elle était encore bénévole aux Restos du Cœur... Dans ses tableaux où les essences de bois remplacent la palette de couleurs en tubes, la matière continue à vivre. Il lui arrive de mélanger les deux techniques et j'aime particulièrement ceux où le rouge contraste avec les veines des bois exotiques. Les sinuosités du bois obligent à les suivre, à dessiner avec l'aléatoire. Arlette a réalisé des pièces monumentales, des meubles, mais Place Gambetta ce sont des tableaux ou des objets plus modestes comme de grands éventails dont l'accrochage fait bien ressortir tant l'homogénéité de l'œuvre que la variété de tons. En écrivant, je me rends compte que toutes ses toiles comme ses marqueteries sont des coupes transversales. L'aubier sous l'écorce.


Gros plan sur la poignée racine de la porte coulissante qui mène au studio. Ma sœur a également plusieurs meubles et un grand paravent marqueté et turquoise. Sa fille Estelle, ma nièce, a réalisé la maquette de l'élégant catalogue. Toute la famille est décorée par ses cadeaux uniques et attentionnés. Seule Françoise est venue au vernissage avec un original, puisqu'elle porte le magnifique pull over orange, blanc, rouge et noir qu'Arlette a tricoté pour elle l'an passé ! Sur le livre d'or, je gribouille : "L'abstraction fondatrice. La rémanence. Du bois dont je ne ferai pas de flûte..."

vendredi 11 mai 2007

Tutti frutti


Bernard et moi avons terminé de composer la musique du clip pour le film que réalise Pierre-Oscar pour la Communauté Européenne. Nous sommes impatients de l'enregistrer, mais des formalités administratives en repoussent la date. L'orchestration comprend un quatuor à cordes, un accordéon musette, une guitare manouche, un zarb et des uillean pipes, la cornemuse irlandaise. Des documents d'archives y seront mêlés dans la partition sonore définitive. C'est toujours excitant d'écrire avec les images. Françoise nous apporte des petits morceaux d'ananas dans le studio...
Pourquoi les fruits qu'elle a rapportés du Brésil sont-ils si parfumés ? Pourquoi le voyage affadirait-il leur goût s'il est organisé par un importateur consciencieux ? Pourquoi les fruits de nos étalages ont-ils perdu leur arôme ? Je crains les réponses bien informées. Pourquoi vouloir manger des fraises en toutes saisons ? Pourquoi est-ce que je remplace l'apport en fruits dans mon alimentation par un grand verre de jus d'orange avec pulpe dès que je me lève le matin ? Pourquoi, enfant, ne mangeais-je que des bananes ? Là je connais la réponse en chanson, c'est "parce qu'il n'y a pas d'os dedans". Pour quelle raison le coût prohibitif de certains fruits leur assure-t-il de posséder ce qu'ont perdu les autres ? Toutes ces questions me donnent le tournis et m'anémient. Je m'allonge sur les planches de bois exotique pour admirer l'ananas, l'anone (ou corossol), les fruits de la passion (qui poussent sur la grenadille), la papaye (ici ouverte) et la mangue passés à la douane avant d'atterrir dans mon assiette. J'ai semé quelques noix du Brésil sur le bord de l'assiette et rapproché le rhododendron qui s'est remis à fleurir après deux ans de grève. Anny affirme qe c'est un azalée. L'encyclopédie explique que les azalées sont de la famille des rhododendrons. Alors ai-je planté l'un ou l'autre, ou les deux en un ?

jeudi 10 mai 2007

Bretonnant


Mathilde et Pascale ont poussé les meubles pour danser la gavotte sur le cd de l'Acoustic Quartet de Jacky Molard. C'est Elsa qui m'a fait découvrir ce très bel album du violoniste en compagnie de la contebassiste Hélène Labarrière, du saxophoniste Yannick Jory et de l'accordéoniste Janick Martin, paru chez innacor (l'autre distribution). Il doit exister dans mes archives quelques photos où Jacky et Hélène improvisaient avec Hervé à la guitare et Michèle à l'accordéon tandis qu'Elsa se tordait dans tous les sens sur son trapèze. Elle retrouve dans les rythmes balkaniques cette puissance du groupe, l'ivresse de la fête, la sueur bien portante des pas partagés, mais aussi le blues tzigane qui flanque des frissons tout le long de la colonne vertébrale. La bande à Molard slalome chez ses cousins, ignorant les frontières, assumant leur culture, agrémentant leurs ritournelles d'improvisations jazz, de compositions savantes avec une grande vivacité.
J'ai toujours préféré la musique bretonne au panceltisme world qui écrabouille les racines pour en faire une tisane qui soigne tout, qui soigne rien. Je suis un grand admirateur du Nusrath breton qu'est Lors Jouin et des spirituels Ours du Scorff dont il est l'un des piliers avec Gigi Bourdin. Je fonds devant les pulsions ancestrales que développent les bagadoù, ces orchestres créés à la fin de la seconde guerre mondiale, composés de nombreux sonneurs (bombardes et cornemuses) accompagnés par la batterie bretonne dont les caisses claires cinglantes claquent comme si l'on battait un jeu de cartes en bois tranchantes. Sur scène, Lors alternait aussi des gwerzioù, ballades tragiques qu'il avait collectées dans toute la Bretagne, et des commentaires explicatifs en français à pisser de rire. J'attends donc avec impatience le cd que "le barde" a récemment sorti avec l'accordéoniste Robert Kervran et le dvd qui recèle certainement des trésors !

mercredi 9 mai 2007

Tribal


Volta, le nouvel album de Björk, sort en version "luxe" pour 2 euros de plus que la version classique. L'emballage est soigné, original, un peu attrape-couillon tout de même comme tous les "produits dérivés" qu'elle propose avec beaucoup d'astuce et de malice, mais ils n'apportent pas grand chose hormis le fétichisme de rigueur. C'est méticuleusement packagé et marketisé en fonction de l'engouement que la chanteuse islandaise provoque sur ses fans, prêts à acheter la moindre variation qui paraît régulièrement. À ce titre, le site français vous donnera plus d'informations que vous ne pourrez en ingurgiter. Tout semble avoir été si bien pensé que l'ensemble finit par produire un effet Ikéa un peu nauséeux à force d'avoir été mâché et remâché pour la clientèle hip que nous formons. On y trouve donc son bonheur, textes, paroles, commentaires, photographies, clips vidéo, dates de concert et tutti quanti. Sous sa pochette gigogne, aux couleurs flashy des peintures de guerre que Björk arbore en maquillage, cette édition "limitée" contient 2 disques. Le premier est un CD, le second un DVD. Ce dernier est en réalité la version 5.1 de l'album, une image statique illustrant chaque morceau, un point c'est tout. Par contre, la spatialisation de la musique, comme pour le précédent Medulla, donne tout son sens au travail de studio encore une fois magnifiquement réalisé, les sons électroniques et les voix se prêtant superbement au ping-pong acoustique qu'offre le 5.1.
Le seul bonus est ici, clip réalisé par Michel Ocelot, le réalisateur de Kirikou, mais pas de quoi se relever la nuit et se mettre à danser sous la lune :



Si vous préférez la version live avec musiciens, voici à nouveau l'index 1, Earth Intruders, avec les chanteuses cornistes, les claviers de Timbaland et Nate Dangerhands, le batteur Chris Corsano...



Après deux albums intimistes ou expérimentaux, Björk sort un album dance plutôt tripal, voire tribal, un truc surtout "pas cérébral" qui donne envie de bouger ses jambes tous ensemble, comme un seul homme. Bernard disait que ceux qui aiment le rock aujourd'hui auraient adoré la musique militaire au XIXe siècle. Il est certain que les rythmes ternaires du jazz se prêtent moins à la marche des conquérants et au pas de l'oie. À première écoute, domine donc une impression brutale, à l'emporte-pièces, martiale, mâtinée des sempiternelles ballades accompagnées des cordes pincées de la pipa ou de la kora et des sons cristallins des claviers. Les rythmiques lourdes et les cuivres héroïques flirtent avec Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux, ce qui ne me ravit guère à une époque où les clans sont devenus le modèle de la classe politique comme celui des quartiers. L'ambiguïté du propos finit par me rappeler le formalisme faux derche de son époux, le plasticien Matthew Barney. J'avoue n'avoir jamais bien saisi le sens des paroles de ses chansons, sorte de paganisme pro-nature qui contraste avec l'aspect technoïde de sa musique, syntaxe qui noie habilement le poisson pour laisser à la musique le soin de nous emporter loin des rivages de notre île. Car Björk a ce pouvoir magique de galvaniser les énergies, d'exciter nos émotions au delà de ce que nous nous sentions capables de vivre. Si elle nous a habitués à être surpris pas ses inventions vocales, il n'y en a cette fois nulle trace, elle se répète inlassablement sans qu'aucune mélodie ne se distingue non plus du lot. On finit par se lasser de ses éruptions volcaniques qui crachent les phonèmes comme si c'était des coups de butoir. À s'autopasticher les geysers les plus étonnants s'épuisent. Les orchestrations de cuivres avec les cors sonnant comme des trompes africaines, les bruits de la nature échantillonnés, les percussions et les sons électroniques qui zèbrent l'espace du 5.1 donnent pourtant une ambiance intéressante à cette pile électrique. Si l'on aime Björk, on sera tout de même content, mais c'est loin d'être le chef d'œuvre que fut par exemple Homogenic.

mardi 8 mai 2007

Young Mrs Lincoln


À 77 ans, Abbey Lincoln sort un disque intemporel dont la couleur est presque plus pop que jazz, incroyablement émouvant, simple comme bonjour, évident.
Peut-être est-ce le choix de l'accordéon, Gil Goldstein, et du violoncelle, Dave Eggar, qui se joignent au trio guitare, basse, batterie formé par Larry Campbell, Scott Colley et Shawn Elton, ou justement la personnalité du polyinstrumentiste Campbell, compagnon de Bob Dylan, qui donnent, à l'album cette tonalité folk à la grande voix noire d'Abbey Lincoln ? Abbey, de son vrai nom Anna Maria Woolridge, doit probablement son pseudonyme au seizième président des États Unis. La dame porte d'ailleurs des chapeaux qui rappellent souvent le haut de forme de l'abolitionniste assassiné en 1865. Je l'avais découverte dans la discothèque de Jean-André sur l'incontournable brûlot historique We insist ! (Freedom Now Suite) de Max Roach, son compagnon d'alors, paroles d'Oscar Brown Jr, aux côtés de Coleman Hawkins et Booker Little, et sur le tout aussi sublime Straight Ahead enregistré sous son nom l'année suivante, en 1961, avec les mêmes plus Mal Waldron et Eric Dolphy...
Les chansons sèment le frisson et réchauffent le cœur, toujours porteuses du même engagement, de la ferveur des revendications partagées avec ses frères et sœurs de misère, solidarité avec les femmes battues, affirmation de soi en tant que femme. Abbey sings Abbey est le premier disque qu'elle signe en tant que compositrice et auteur en plus de l'interpréter. Bluesy, ses chansons épurées, servies par un accompagnement discret et élégant, ont des accents country, cajun ou sud-américains, car les sentiments et les émotions sont les mêmes pour toutes les femmes, et pour les hommes qui les écoutent, où que nos latitudes et nos longitudes se croisent, dans l'abandon de la musique toujours plus nécessaire à supporter le poids de la vie et du combat qu'elle réclame. Il y a de la revendication dans l'air.
Sortie officielle le 21 mai chez Verve (Universal).

lundi 7 mai 2007

À table !


Remettre le compteur à zéro, rêver d'abord, recommencer à rêver, inventer, agir, communiquer, résister. Le lot habituel, mais comme ce sera un peu plus dur, il faudra mettre les bouchées doubles. J'aimerais que les circonstances transforment nos expressions artistiques. Un programme alléchant.

dimanche 6 mai 2007

Réfutations


Quelles que soient nos critiques à l'égard de la politique proposée par Ségolène Royal (on sait à quoi s'en tenir avec les "Démocrates" du parti Socialiste comme on a déjà expérimenté les "Républicains" de la droite traditionnelle), je n'ai pas cédé ce matin à l'envie de vous montrer Réfutations, un film de 66 minutes de Thomas Lacoste (ici en 4 parties), histoire de savoir ce qui nous attend à partir de ce soir.
" Seize militants et chercheurs, seize regards acérés sur le monde que nous prépare Nicolas Sarkozy. Ni haine, ni diabolisation, mais la réalité d'une droite décomplexée en passe d'accéder au pouvoir. Une déconstruction implacable de la rhétorique sarkozyste...".
Avec la participation de Jeanne Balibar (comédienne), Monique Chemillier-Gendreau (juriste), Anne Debrégeas (Fédération Sud-Energie), Eric Fassin (sociologue), Hélène Franco (Syndicat de la magistrature), Susan George (économiste), Michel Husson (économiste), Bruno Julliard (Uunef), Christian Lehmann (médecin), Nacira Guenif-Souilamas (sociologue), Thomas Heams (Convention pour la 6e République), Richard Moyon (Réseau Éducation Sans Frontière), Thomas Piketty (économiste), Emmanuel Terray (ethnologue), Louis-Georges Tin (maître de conférence, CRAN), Alain Trautmann (Sauvons la Recherche !).







"Pour soutenir cette action, qui en appelle de nouvelles, vous pouvez acheter le DVD du film Réfutations sur le site www.lautrecampagne.org ou par chèque (10 euros) à l’ordre de l’Autre association, 3 rue des Petites Ecuries, 75010 Paris."

samedi 5 mai 2007

Solitude


Achevons Mai 68 est le titre du dernier texte publié par Michel Onfray sur son blog datant du 3 mai, passionnante plaidoirie qui remet chacune et chacun à sa place. Les idéaux de l’époque et la réaction qu’ils engendrèrent et qui se perpétue dans les propos de nos présidentiables et de leurs apôtres devraient intéresser les jeunes générations si elles souhaitent vivre autrement que dans la peur, l’ennui ou un cynisme démobilisateur. Les vieux disaient alors : « si tu n’es pas anarchiste à vingt ans, tu ne le seras jamais », sous-entendu il est normal et sain que la jeunesse se rebelle, elle se tassera à l’épreuve de la vie. Nombreux fils et filles de bourgeois qui furent les artisans de cette révolution de mœurs se résignèrent en effet à leurs intérêts de classe lorsqu’ils furent en âge d’hériter, d’un métier d’abord, de la famille ensuite. Je me souviendrai toujours du choc que me fit Pier Paolo Pasolini lorsqu’il clama que les étudiants étaient tout de même des fils de bourgeois qui se battaient contre des fils de prolos, les flics. Cette phrase me permit d’appréhender l’avenir en me préparant aux multiples trahisons dont nombreux acteurs de Mai 68 allaient faire leur fonds de commerce. J’avais quinze ans et les années qui suivirent se vêtirent du costume du rêve. L’imagination au pouvoir, lisait-on tagué sur les murs de l’école. Comme un devoir imposé. Faites l’amour, pas la guerre, chantait-on tandis que les jeunes Américains allaient se faire tuer en brûlant le Vietnam au napalm. On préférait incendier le drapeau. Mai 68 ne fut pas une affaire française ou parisienne, sur tous les continents la révolte grondait, le poing levé ou avec le V du majeur et de l’index pointés vers le ciel, qu’importe. Il y avait des fleurs, le sexe des plantes. Une solidarité de chaque instant s’exprimait parmi nous. Nous partagions. Nos cheveux longs étaient un signe de reconnaissance, laissant faire la nature… Frank Zappa fit un peu tomber l’ambiance lorsque, sur Weasels ripped my flesh, on l’entend répondre à un excité : « Chacun dans cette salle porte un uniforme, ne vous racontez pas d’histoire, don’t kid yourself ! » Des kids, nous étions des gosses qui pensions changer le monde. Certes, nous l’avons dévoré à pleines dents et nous avons continué à rêver tandis que le capital agissait dans le réel. La mort s’empara de tous, les uns après les autres, la mort sociale, le renoncement, la mort programmée du cycle de la vie, la mort contre laquelle nous avions grandi, la mort des utopies. Faute de combattants, la solitude gagne du terrain, c’est le blues. C’est d'abord aux plus jeunes d’être anarchistes, il en restera peut-être quelque chose. Tout cela n’est qu’une affaire de cycle, une révolution. Car tous, autant que nous sommes, si nous désertons les rêves en croyant que ci ou ça ne se fait pas ou que c’est irréaliste, nous sommes morts avant même d’être venus à la vie, la vraie, celle qui est ailleurs. La libido s'éteint lorsque le désir s'exprime sans solidarité. Si nous sommes incapables d’imaginer un monde meilleur ou que la tâche semble trop lourde, je ne donne pas chère de cette planète. L'avenir est entre nos mains, sous l'entière responsabilité de chacune et de chacun.

vendredi 4 mai 2007

À côté de mes pompes


Le spectacle d'hier soir au Triton a été un plaisir sans mélange. Les neuf étudiants des Conservatoires s'en sont sortis comme des chefs. Quant à Somnambules, j'ai pu jouer avec Éric dans la même complicité que j'ai entretenue avec Francis et Bernard dans le Drame pendant des années. Étienne a fait planer son lyrisme au-dessus de nos rythmes emmêlés. Nicolas n'a plus qu'une idée, c'est de recommencer. J'y reviendrai, évidemment.
Mais ce matin, en bon somnambule, je me lève pour ranger mes instruments dans le studio pendant que Françoise défait ses valises. Elle est revenue avec une petite cargaison d'Havaianas. Les tongues brésiliennes, vendues 6,50 euros à Sao Paulo, sont commercialisées 45 euros en France. Je crains que ce ne soit pas du commerce équitable.

jeudi 3 mai 2007

Pas de billet, aujourd'hui ça se passe en live !


Jeu de piste. La réponse est ICI. C'est ce soir au Triton (Métro Mairie des Lilas). Nicolas Clauss et moi-même invitons Étienne Brunet et Éric Échampard. En ouverture à 21 heures pétantes, un atelier jazz d'élèves de trois conservatoires. Ensuite les images explosent sur l'écran, la musique à la fois rythmique et lyrique se jouent des bruits et des énigmes des peintures en mouvement. Une occasion exceptionnelle ne nous voir et nous entendre en vrai, loin du virtuel de la Toile. À ce soir !

mercredi 2 mai 2007

Sacrées bobines


Le flyer parle de lui-même. Le programme du festival Sacrées Bobines est en ligne sur le site du Théâtre Mouffetard (pas cher du tout). Ce sont des dramatiques historiques, pleines d'intelligence et avec des risques que la télé ne prend plus aujourd'hui. Marcel Bluwal, Stellio Lorenzi, Claude Santelli... ont fait la télévision de mon enfance, ils frôlaient nos utopies. Le film de Jacques Rozier, Adieu Philippine (1960), montre le tournage de Montserrat de Lorenzi. J'avais rencontré Santelli peu de temps avant qu'il ne se fasse renverser par un éléphant en répétant une adaptation circassienne de La flûte enchantée. C'était très émouvant, il était toujours le même conteur enthousiaste. La caméra explore le temps comme Le Théâtre de la Jeunesse mettent en scène des comédiens exceptionnels (Cassel, Brasseur, Fresnay, Marielle, Piccoli, Piéplu, Poiret et Serrault, Maillan, Blier, Girardot, Hirsch, Topart, Belmondo, Denner, Villeret, Dussollier...) autour de grands textes adaptés magistralement pour le petit écran. À ces pièces du répertoire projetées au Mouffetard, retour à la case départ et prenez-en plein les mirettes et les esgourdes, et bien que ce ne soit pas du théâtre, j'ajouterais quelques Raisins verts de Jean-Christophe Averty, quelques audaces de Raoul Sangla, et le bonheur serait complet !

Pour la gravité et les effusions romantiques, se coltiner les commentaires du billet d'hier.

mardi 1 mai 2007

1er mai


Fête du Travail (Fête des travailleurs rebaptisée par Pétain), jour chômé. Le muguet (ayant remplacé l'églantine rouge) est précoce encore cette année. Il a fané avant la date. Les autres plantes grignotent toujours un peu plus son espace vital. Il résiste. C'est chouette d'avoir du muguet dans son jardin. De toute façon, notre églantier fait des fleurs blanches, elles ont éclot avec l'orage de dimanche soir. C'est chouette aussi d'avoir le droit de voter, mais les améliorations sociales ont toujours été acquises dans la rue. Si les Français sont assez fous pour élire un psychopathe, c'est qu'il leur ressemble. Ne soyons dupes d'aucune démocratie, pas plus la sociale qu'une autre, mais il serait criminel de ne pas tenter de faire barrage à un dictateur en puissance. Quelles que soient vos opinions politiques, vous ne pouvez vous faire complice de la main mise sur la république par les grands patrons qui manipulent ce dangereux paranoïaque. La pègre pétrolière a réussi son coup d'État aux USA. En France, la presse est déjà aux mains des marchands de canons, ses amis. Les lois sont déjà prêtes pour contrôler et museler les informations qui leur échappent encore (article paru dans Le Monde en cliquant sur Lire la suite). Internet bientôt au régime chinois ? Big Brother resserre son étau. J'ai souvent répété que la liberté était un fantôme, mais sa privation est une réalité. Sarkozy marche sur les pas de Bush et Berlusconi. Catastrophes économiques et sociales en perspective. La transposition ne fait pas sourire. Rien n'est joué, mais il faudrait un miracle pour que les sociaux-démocrates lui fassent échec. Commençons par là dimanche prochain. Un petit bulletin contre un petit hargneux. Après on verra. Il y aura les législatives. Et la rue.

J'allais oublier de rappeler que je suis l'invité de David Jisse et Yvan Amar dans l'émission Un poco agitato diffusée aujourd'hui de 15h à 15h30 sur France Culture.

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