J'aime le changement. Comme changer d'angle. Varier les points de vue. C'est à la fois indispensable et inéluctable. Il y a pourtant des mouvements qui me rendent triste. Des départs. La mort des uns. Ou d'autres leur temps. Révolus. Des émotions qu'on ne revivra plus. Du moins pas comme on les a vécues. Des complicités perdues à jamais. Dans L'isolement des Méditations poétiques Lamartine écrit "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé". Il n'a que trente ans et encore quarante-huit à vivre. Combien manqueront à l'appel entre temps ? Le désert est peuplé de disparus. Des femmes que j'ai aimées. Des amis si proches que nous faisions corps. Elles comme ils ont emporté ce que nous avions en partage. J'ai hérité de tant de souvenirs que je pourrais encore écrire pendant cent ans. Nos jours sont heureusement comptés. Nuages et poussière. Lorsque c'est trop douloureux, je frappe mes claviers. Touches noires et blanches, ou qui s'éclairent quand tombe le soir. Et je chante. Dans Le mariage de Figaro Beaumarchais écrit "Tout finit en chansons". J'ai été marié deux fois, deux fois divorcé, c'est pour l'état civil. Bien en deçà de la vérité. Combien de ruptures, autant d'alliances, encore plus de rencontres ! Il faut que j'assume les codas tant j'aime les débuts, même si rien ne vaut les opéras interminables, les transes qui vous font tourner encore et encore après des années et des années, toujours. Si j'aime l'instantanéité, je n'apprécie guère l'éphémérité. Mon goût pour la vectorisation peut s'exprimer ainsi. Les segments ne m'intéressent pas. Le vecteur c'est aller vers, c'est y croire. Sans s'arrêter. Sans ne jamais atteindre son but. Même si tout a une fin. Et que c’est une chanson.