Ce n'est pas facile pour des Hongrois de rendre hommage à l'un de leurs plus célèbres compositeurs en alternant certaines de ses œuvres chorales et des pièces originales composées par des membres du big band de jazz dirigé par Kornél Fekete-Kovács, le Modern Art Orchestra, surtout lorsqu'on sait que leur héros national, Zoltán Kodály, n'appréciait pas vraiment le jazz ! Une vingtaine de musiciens donc, dont le trompettiste Gábor Subicz, les saxophonistes-flûtistes János Ávéd et Kristóf Bacsó, le tromboniste Gábor Cseke et le chef et trompettiste lui-même ont composé des pièces qui répondent à un grand chœur de près de cinquante interprètes, le Kodály Choir dirigé par Zoltán Kocsis-Holper. Ajoutez les voix de Kriszta Pocsai et Milán Szakonyi et vous aurez une vision de cet ensemble qui danse sur des œufs peints. Ce n'est pas facile parce que Zoltán Kodály est une figure de proue de l’ethnomusicologie et de l’éducation musicale hongroises. Il a donc fallu autant de courage que d'humilité pour alterner les pièces chorales du compositeur de Háry János et des instrumentaux d'un jazz plutôt classique. S'il s'agit souvent d'alterner les deux, les instrumentistes et les chanteurs se retrouvent de temps en temps, le chœur élargissant l'espace orchestral par ses harmonies célestes. On sent pourtant bien qu'il y a deux temps, deux époques, deux quartiers, deux manières d'envisager la musique, même si l'alternance fonctionne très bien. C'est d'ailleurs de plus en plus courant, à l'instar des merveilleux programmes de Patkop, la violoniste Patricia Kopatchinskaïa. Pour des publics non œcuméniques, cela tient de l'initiation, rôle pédagogique qu'endossent quelques musiciens qui n'ont aucune frontière. La démarche ne peut que me plaire.

→ Modern Art Orchestra & Kodály Choir, The Peacock - Tribute to Zoltán Kodály, 2CD BMC, dist. Socadisc