70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 26 mars 2024

Sarajevo Suite : disparition d'Abdulah Sidran


Le poète bosniaque Abdulah Sidran est mort samedi dernier à l'âge de 79 ans.
Après les films que j'avais réalisés à Sarajevo pendant le Siège en 1993 dans le cadre de Sarajevo: a street under siege, dont Le sniper, j'avais commis deux ans plus tard avec Corinne Léonet un disque non-benefit au profit de la reconstruction de la Bibliothèque de la ville martyre. L'un comme l'autre avaient eu un succès considérable. Pour unifier les pièces du CD Sarajevo Suite auxquelles participèrent les musiciens Lindsay Cooper, Henri Texier, Dee Dee Bridgewater, le Quatuor Balanescu, Willem Breuker, Louis Sclavis, Pierre Charial, Mike et Kate Westbrook, Linda Sharrock, Wolfgang Puschnig, Un Drame Musical Instantané, Phil Minton, Bruno Chevillon, Chris Biscoe, Noël Akchoté, Sébastien Texier, Bojan Z, Tony Rabeson, Thomas Bloch, Gérard Siracusa, Michèle Buirette, Bernard Vitet et moi-même, Dean Brodrick, Brian Abrahams, Carol Robinson, Michel Godard, Emil Krsitof, Lorre Lynn Trytten, Richard Hayon, j'avais choisi les poèmes d'Abdulah Sidran comme fil conducteur. Il y dit d'ailleurs lui-même Slijepac Pjeva Svome Gradu quand ce ne sont pas Jane Birkin, Bulle Ogier ou André Dussollier qui s'y collent merveilleusement. Sur scène Claude Piéplu assumait leurs rôles à tous les trois !
Avant la guerre, le poète avait été le scénariste d'Emir Kusturica pour Te souviens-tu de Dolly Bell ? et Papa est en voyage d'affaires. Il avait ensuite coécrit celui du film Le Cercle parfait d'Ademir Kenović pour lequel Bernard Vitet et moi avions écrit la musique, mais qui fut remplacée brutalement par un jeu de pouvoir financier qui avait disparu pendant le Siège, période paradoxale où les habitants ne parlaient que philosophie et poésie. J'y avais rencontré ce qu'il y avait de plus terrible et de plus beau dans l'humanité. Abdulah a rejoint Corinne, Lindsay, Willem, Linda, Claude, Bernard et tant d'autres.

The Peacock, hommage à Zoltán Kodály


Ce n'est pas facile pour des Hongrois de rendre hommage à l'un de leurs plus célèbres compositeurs en alternant certaines de ses œuvres chorales et des pièces originales composées par des membres du big band de jazz dirigé par Kornél Fekete-Kovács, le Modern Art Orchestra, surtout lorsqu'on sait que leur héros national, Zoltán Kodály, n'appréciait pas vraiment le jazz ! Une vingtaine de musiciens donc, dont le trompettiste Gábor Subicz, les saxophonistes-flûtistes János Ávéd et Kristóf Bacsó, le tromboniste Gábor Cseke et le chef et trompettiste lui-même ont composé des pièces qui répondent à un grand chœur de près de cinquante interprètes, le Kodály Choir dirigé par Zoltán Kocsis-Holper. Ajoutez les voix de Kriszta Pocsai et Milán Szakonyi et vous aurez une vision de cet ensemble qui danse sur des œufs peints. Ce n'est pas facile parce que Zoltán Kodály est une figure de proue de l’ethnomusicologie et de l’éducation musicale hongroises. Il a donc fallu autant de courage que d'humilité pour alterner les pièces chorales du compositeur de Háry János et des instrumentaux d'un jazz plutôt classique. S'il s'agit souvent d'alterner les deux, les instrumentistes et les chanteurs se retrouvent de temps en temps, le chœur élargissant l'espace orchestral par ses harmonies célestes. On sent pourtant bien qu'il y a deux temps, deux époques, deux quartiers, deux manières d'envisager la musique, même si l'alternance fonctionne très bien. C'est d'ailleurs de plus en plus courant, à l'instar des merveilleux programmes de Patkop, la violoniste Patricia Kopatchinskaïa. Pour des publics non œcuméniques, cela tient de l'initiation, rôle pédagogique qu'endossent quelques musiciens qui n'ont aucune frontière. La démarche ne peut que me plaire.

→ Modern Art Orchestra & Kodály Choir, The Peacock - Tribute to Zoltán Kodály, 2CD BMC, dist. Socadisc