70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 15 avril 2024

Apéro Labo et consorts sur la revue Bad Alchemy 123




Prequel de l’article de Rigobert Dittmann traduit de l'allemand tant bien que mal par mes soins, extrait de la rubrique nowjazz plink'n'plonk !

JEAN-JACQUES BIRGÉ a commencé la nouvelle année en chroniquant des documentaires sur Jacques Lacan, l'évocation de Bernard Vitet, "Maus" d'Art Spiegelman, "Le voyage dans la lune" de Méliès et les Disques de David Lynch. Et musicalement, nonobstant une rupture de canalisation d'eau, le 14 janvier un concert live au studio GRRR avec le violoniste MATHIAS LEVY, venu malgré la grippe, qui s'est distingué avec "Revisiting Grappelli" et "Les Démons Familiers" et qui a déjà joué "Tout Abus Sera Puni" avec Birgé & Naïssam Jalal, et ANTONIN-TRI HOANG, lui aussi habitué du label GRRR, dont le registre va du Red Desert Orchestra d'Eve Risser à l'Orca Noise Unit. Ce dernier a utilisé des synthétiseurs, une clarinette, un sax alto et des percussions, tandis que JJB s'est intégré aux images sonores avec un sampler, des synthétiseurs Soma, une shahi baaja, une guimbarde et un ballon de baudruche. En résultent sept morceaux d'une 'expérience de mentalisme musical' proposée par Hoang : l'un des 30 auditeurs* écoute une minute piochée dans une playlist d’archives musicales, choisie au hasard et inaudible pour les autres, et décrit brièvement, mais de manière fleurie, ce qu'il a entendu, ce qui commence par déclencher des rires. C'est ainsi que sont nés 'Allumettes Paillasson', 'Particules fines', 'Au delà des galaxies', 'Un gros Sibérien', 'Le train ne s'arrête pas', 'Combat de chiens coréen' et 'Yemen', enchâssés dans Apéro Labo 1 (GRRR 3118, numérique). Seuls ces 'assistants' volontaires peuvent établir un lien avec ce qu'ils entendent, mais tous peuvent faire des comparaisons avec la description. Avec une bonne dose de magie, ces compositions instantanées déploient incontestablement une musique de chambre électroacoustique miraculeuse et un folklore ambiant exotique, avec un violon doux et frémissant ou dansant, le son de cithare de la shahi baaja, un triangle étincelant, des vagues de vrombissements, des lèvres sifflotantes, des 'coups de sabots', des touches de synthés, des sons flottants, de délicats pizzicati. Avec des éraflures rugueuses, des poussées 'russes' orchestrées qui s'élancent, des répétitions qui se balancent, du noise et des sons indescriptiblement terribles ou discrets. Narratif ? Cinématique ? Fantastique ? Le synthé se déplace, double tonalité de locomotive à vapeur, sur un violon monosyllabique qui tire des fils, intime et dansant, et sur une clarinette rugueuse qui suit le mouvement. Le groove de la guimbarde, les harmoniques sifflantes, le son d’une vielle fendue, le chant guttural du chaman et le ballon de baudruche gémissant créent des canards-chats (comme le Dr Moreau chez H. G. Wells ou le Dr Baxter dans "Poor Things") ; d'autres expériences inouïes donnent naissance à des chiens au museau cousu. Et pour finir, la radio-pop déformée, les rythmiques animées, entourées de bruits et le pizzicato dégoulinant dépeignent un autre Yémen. Les Parisiens s'étonnent et rient. Et c'est bien ainsi - rire et jouer et s'étonner et rire.

Le temps passé avec Birgé ne serait pas complet sans un nouveau regard sur www.drame.org/blog, où il nous offre une réécoute de '¡Vivan Las Utopias!', la contribution entraînante d'Un Drame à "Buenaventura Durruti" (1996), chantée par la fille de Birgé, Elsa, alors âgée de 11 ans. Ce qui déclenche involontairement un flashback nostalgique vers →Nato, le fantastique label fondé en 1980 par Jean Rochard. Il va sans dire que JJB fait front sans faiblir contre l'exploitation de l'homme par l'homme, le crime organisé, la manipulation de masse, le cynisme et le défaitisme. Ancré dans le quotidien, il s'insurge contre la date limite de consommation (DLC) en tant que gaspillage alimentaire. Reste à saluer l'édition anglaise de "Underground, The illustrated Bible of Cursed Rockers and High Priestesses of Sound" d'Arnaud Le Gouëfflec & Nicolas Moog, dans laquelle - aux côtés de Daniel Johnston, Moondog, Nico, The Residents, Sun Ra ou Yma Sumac - Un D.M.I. se voit confirmer, avec Boris Vian, Colette Magny, Brigitte Fontaine et Eliane Radigue, sa prétention française au statut de 'weirdo' (bizarre, vous avez dit bizarre ?).



La suite de l’article, déjà publiée le 18 mars dernier, concerne essentiellement l'album Codex, qui fait figure d'Apéro Labo 2, avec l'altiste Maëlle Desbrosses et la tubiste Fanny Meteier.

dimanche 4 février 2024

Denis Desassis encense Pique-nique au labo 3


S’il n’existait pas, je crois qu’il faudrait, de toute urgence, inventer Jean-Jacques Birgé. Je ne reviendrai pas ici sur le parcours très singulier et non moins prolifique de ce musicien compositeur et multi-instrumentiste, véritable boulimique d’une création tout aussi libertaire que jubilatoire. L’artiste est en outre très partageur, non seulement à travers les écrits quotidiens de son blog depuis de très longues années, mais aussi en raison de la somme assez incroyable d’enregistrements qu’il met à la disposition de tous sur son site drame.org. En d’autres termes, Birgé est un cas d’espèce.
Récemment – c’était au mois de septembre – notre homme a publié un « Pique-nique au labo 3 » qui fait suite, comme son titre peut le laisser supposer, à « Pique-nique au labo 1 / 2 » paru sous la forme d’un double CD enregistré de 2010 à 2019. Tout cela se passe sur son propre label, au nom qu’on n’est pas obligé de prononcer uniquement lorsqu’on est en colère : GRRR. Tout comme son prédécesseur, « Pique-nique au labo 3 » est une compilation de sessions enregistrées dans son studio. Celles-ci, disponibles à l’écoute dans leur intégralité, couvrent la période allant du mars 2021 à juin 2023. Soit onze rendez-vous, pour la plupart en trio mais parfois en duo, avec une magnifique galerie de musiciennes et musiciens. Pour bien comprendre le phénomène, il faudrait imaginer un mot qui serait – sans la référence médiévale – aux musiciens ce qu’un bestiaire est aux animaux. Le « musiciaire » de Jean-Jacques Birgé est une véritable gourmandise à consommer sans modération, et quelques exemples suffisent pour donner envie de se plonger dans l’écoute de cette musique instantanée, sans cesse sur la brèche : Naïssam Jalal, Lionel Martin, Gilles Coronado, François Corneloup, Élise Caron, Mathias Lévy, Philippe Deschepper, Hélène Breschand, Sophie Agnel, Csaba Palotaï, Fidel Fourneyron… N’en jetez plus, la cour du labo est pleine !
« Il s’agit de jouer pour se rencontrer et non le contraire », dit Jean-Jacques Birgé. Une magnifique intention et un assez incroyable voyage aux couleurs changeantes au gré des différentes personnalités en action, dont le cap est donné par le hasard puisque « la thématique de chaque pièce est tirée au sort avant de jouer » (on pense alors aux « Oblique Strategies » de Brian Eno). « Pique-nique au labo 3 » est, on l’aura compris, un véritable régal dont la multiplicité des trajectoires n’a d’égale que la joie qui semble habiter les protagonistes de cette aventure, qui fait ressentir le besoin pressent d'une suite. Rendez-vous du côté de drame.org : ce sera la meilleure façon de suivre le déroulement de toute cette histoire pas comme les autres et d’écouter ces funambules. Les écouter pour les rencontrer, bien sûr !

Denis Desassis - NOTES EXTIMES # 39 - Dimanche 4 février 2024

mercredi 31 janvier 2024

Pique-Nique au labo 3 in Jazz News


"Réception"
Jean-Jacques Birgé cultive depuis si longtemps, sous toutes les formes, dans tous les arts, un iconoclasme qui a édifié une œuvre foisonnante, insaisissable, pénétrée de sa propre originalité. Ce troisième volume – les deux précédents étaient dans le même double disque –de son Pique-nique au labo illustre une facette de son travail qui pourrait se targuer sans peine d'être la plus belle à bien des égards : Birgé s’intéresse à ce(ux) qui l’entoure. Invitant à nouveau bien des artistes à venir enregistrer avec lui, il en ressort une collectivité passionnante, où Naïssam Jalal (par exemple) côtoie (à titre d'illustration) Violaine Lochu ou David Fenech, et c'est heureux. Le résultat, surtout, et très réussi, et cela est d'abord dû à l'accueil musical fait par l’hôte, dont l’éclectisme nécessaire dans ce format est servi avec une intelligence et une sensibilité constante.
Pierre Tenne (Jazz News, décembre 2023)

mardi 16 janvier 2024

Pique-nique au labo 3 sur Rock6070


David Fenech me signale un article extrêmement sympathique sur Rock6070 écrit par Douglas à propos de mon dernier CD :

Jean-Jacques Birgé – Pique-nique Au Labo 3 – (2023)

C’est curieux, il me semblait vous avoir présenté le double Cd composant les deux premiers volumes de cette trilogie, mais je ne retrouve pas sur le fil, ayant juste évoqué l’album sans plus. Pourtant ça m’avait vraiment bien plu, ce qui explique la présence de ce volume trois dans les rayons. Birgé ne vend pas cher ses productions, son truc c’est la musique, la diffusion et même la gratuité, le plus souvent à travers son bandcamp ou son site, une sorte d’idéaliste échappé des années soixante-dix, je suppose qu’il doit ressentir amèrement les basculements du monde…

C’est pourquoi Birgé est un trésor et une pépite. L’album est plein, bourré à fond de bonnes ziques gorgées d’impros. Des invités, vingt qui viennent participer au pique-nique et vous offrir ce bel album plein de rêves et de surprises. Je vous mets les plus connus pour que ça évoque de bons souvenirs musicaux chez vous, mais ici personne ne vaut plus qu’un autre. On pourrait citer François Corneloup, Gilles Coronado, David Fenech, Fidel Fourneyron, Naïssam Jalal, Olivier Lété ou Elise Caron et beaucoup de musiciennes et musiciens inconnus pour moi mais dont on fait la découverte à travers ce précieux album…

« Il s’agit de jouer pour se rencontrer et non le contraire comme il est d’usage », écrit Birgé sur le petit livret accompagnant, alors à l’impro on ajoute l’aléatoire, en tirant la thématique de la pièce jouée au hasard. A côté du titre de la pièce jouée figure le nom de l’album virtuel dont elle est extraite. On se rapproche de la démarche d’Eno et de John Zorn et sa série « Cobra ».

Ce n’est pas le genre d’album dont il est aisé d’isoler un extrait car tout fait sens, et le plus curieux, finalement, c’est l’homogénéité de l’album, rien ne devrait prédisposer à cela, pourtant il y a comme un fil secret qui réunit les pièces. Peut-être est-ce la présence de Jean-Jacques Birgé qui joue des claviers, percussions, harmonica, kazoo, guimbarde, flûte et autres instruments, qui fait le liant et par sa seule présence assure une identité à l’ensemble.

Il faut savoir que chaque pièce est individuellement un extrait d’une création plus large qui aurait le format d’un album, disponible gratuitement par ailleurs sur drame.org ou Bandcamp. Les musiciens sont le plus souvent réunis en formation de trois, ou plus rarement de deux. Je vous cite le titre de l’intéressante huitième pièce, car elle prête à sourire, « Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter beaux-arts avec un abruti » ne pas oublier que nous sommes dans le cadre d’un pique-nique…

Chez GRRR.

samedi 6 janvier 2024

Pique-nique au labo 3 in Revue&Corrigée


Activiste musical depuis une bonne cinquantaine d’années, Jean-Jacques Birgé cultive aussi l’art de l’hospitalité, en son laboratoire de Bagnolet, pour des piques-niques sonores. En général, deux invité.e.s, soit des rencontres musicales en trio (il y en a deux en duo). Chacun.e amène son instrument, l’hôte officiant principalement aux claviers, parfois à la flûte, au kazoo, ou à l’harmonica. De cette convivialité est née une série d’enregistrements, disponibles sur le site de JJB*. Entre mars 2021 et juin 2023, il y eut ainsi près d’une douzaine d’enregistrements d’albums numériques. Avec principalement des musiciens français, ou vivant en France (la syrienne Naïssam Jalal, le hongrois Csaba Palotaï). Quelques nouveaux venus, qui commencent à se faire un nom (telle la guitariste Tatiana Paris ou la vocaliste Violaine Lochu), quelques noms qui hantent les musiques créatives depuis bien des années (Philippe Deschepper, Hélène Breschand, Gilles Coronado, François Corneloup, Fidel Fourneyron, David Fenech), d’autres un peu moins médiatisés. En tout, une petite vingtaine de musiciens participent aux diverses agapes. L’idée de cette compilation, près de trois ans après un premier Pique-nique au labo (GRRR 2031/32), reprenant, chronologiquement, un titre de chacun de ces enregistrements, est de nous mettre l’eau à la bouche, bref, de nous donner un avant-goût de chacune des recettes qui nous sont proposées. Les ingrédients varient, leurs combinaisons peuvent surprendre, offrant diverses saveurs parfois jusque dans un même titre. Ainsi après un goût légèrement acidulée, « Give the Game the Way » (Basile Naudet au saxophone soprano, Gilles Coronado à la guitare électrique et Jean-Jacques Birgé aux claviers) révèle peu à peu des saveurs plus épicées, plus corsées. « Utilisez une vieille idée » (Élise Caron, Fidel Fourneyron et l’hôte) cultive davantage une forme d’amertume, dévoilant des fumets aigres-doux, ou encore « Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter Beaux-Arts avec un abruti », qui associe le jeu d’un violon champêtre et printanier à un travail plus déstructuré des pianos et de la guitare (Csaba Palotaï), laissant apparaître quelques sons électroacoustiques me rappelant (c’est très personnel !) « Revolution 9 ». Bref, ces agapes au studio GRRR relèvent aussi, par la science de son chef, et en adoptant un autre vocabulaire, d’un singulier travail d’orfèvrerie, de créations de pièces uniques aux fines ciselures. Et l’aventure continue : trio avec l’artiste Raffaelle Rinaudo (qui officie dans un autre trio, Nout) et Hélène Duret à la clarinette (Le songe de la raison, septembre 2023), trio avec Isabel Sörling et Maëlle Desbrosses (Listen to the Quiet Plattfisk, octobre 2023), to be continued
*http://www.drame.org/2/Musique.php ?MP3
Pierre Durr in Revue&Corrigée n°138, décembre 2023

dimanche 1 octobre 2023

Pique-nique au labo 3 par un universitaire américain


Traduction automatique en français d'un article du Pr David Keffer du 30 septembre 2023 sur le site de la maison d'édition américaine Poison Pie, foyer d'une littérature d'improvisation non idiomatique. Ses propos me touchent, en particulier leur conclusion, même s'il ne semble pas connaître le contexte des pièces des trois volumes de Pique-nique en labo déjà parus en CD. J'ai choisi de publier une pièce par rencontre, or chaque rencontre fit auparavant l'objet d'un album exclusivement en ligne sur drame.org ou Bandcamp. Pour Pique-nique au labo et Pique-nique au labo 3 mes choix pourraient paraître arbitraires, mais ils obéissent à une logique propre à chaque disque physique, à la fois musicale et dramatique. Ces improvisations sont toujours publiées dans l'ordre où elles furent commises, pour chaque album virtuel et évidemment pour la continuité des CD édités. La qualité incroyable de toutes ces rencontres tient à la situation de confort et de complicité préparée en amont et pendant les enregistrements, à l'excellence des artistes invités et peut-être un peu du miracle ! Il m'est arrivé, mais très rarement, d'omettre une pièce redondante, mais je n'ai pratiquement jamais coupé et monté ces séances. Le travail en aval consiste essentiellement à rétablir l'équilibre des voies. Contrairement à ce que suppose David Keffer, certaines pièces publiées sur les CD représentent même les premiers instants de la rencontre (hormis un petit café ou thé, et l'installation des instruments dans le studio), comme on peut en juger en écoutant l'intégralité du corpus, soit 32 albums qui restent en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org ou Bandcamp.

Pique-nique au labo 3 - Jean-Jacques Birgé
Label : GRRR
Catalogue : GRRR 2036
Pays : France
Date de sortie : 11 septembre 2023
Supports : cd et fichiers numériques
bandcamp.com / discogs.com

Pique-nique au labo 3 est le troisième volet (les deux premiers étant sortis ensemble en double cd) du laboratoire musical du compositeur et improvisateur français Jean-Jacques Birgé. La nature de l'expérience est décrite succinctement comme suit : "Il s'agit de jouer pour se rencontrer et non l'inverse comme d'habitude", c'est-à-dire de se rencontrer pour jouer.

Ces dialogues et trialogues musicaux rendent compte de la conversation telle qu'elle s'est déroulée lors de la rencontre des musiciens. La rencontre initiale des musiciens étant par définition dépourvue d'historique de répétition, on pourrait être prédisposé à penser que la musique qui en résulte devrait être brute, hésitante et sujette à des silences gênants. Cette supposition n'est que partiellement correcte et probablement pour de mauvaises raisons. Dans le meilleur des cas, cette approche de la musique recherche la réaction brute et spontanée qui se produit lors des premières rencontres entre individus, lorsque chacun découvre progressivement la nature de l'autre. Toute maladresse est atténuée par la discipline de l'improvisateur. Comme le dit la contrebassiste française Joëlle Léandre, « un vrai improvisateur, c'est quelqu'un qui se prépare à ne pas être préparé ». C'est exactement cela, c'est tellement vrai. Il est prêt à tout. Des instants uniques. Jean-Jacques Birgé a en effet cherché de vrais improvisateurs pour profiter de son pique-nique au laboratoire.

Nous supposons que cette compilation de rencontres nous présente des fragments de conversations plus larges. Nous semblons être lâchés au milieu des discussions où les improvisateurs ont déjà trouvé des sujets d'intérêt mutuel et sont pleinement engagés. Le bricolage dissonant associé à une grande partie de l'improvisation libre n'est pas le mode dominant dans ces pièces. Au contraire, nous serions tentés de décrire certains de ces morceaux comme comprenant des mélodies composées, sauf que nous savons que c'est la plus grande insulte à l'improvisateur que de dire : « Votre improvisation collective semble presque composée ! » De tels mots ne franchiront pas nos lèvres. Nous nous contentons de faire allusion à l'intuition pratique des interprètes qui ont trouvé le langage commun pour exprimer en temps réel leur chant partagé.

Nous avons tendance à laisser notre imagination s'éloigner des observations factuelles dans les critiques de la maison d'édition Poison Pie. Nous aimons donner une tournure positive à notre manque de fidélité à la musique en nous référant aux idées du tromboniste et érudit américain George Lewis, qui a déclaré :

"J'ai le sentiment qu'il existe une essence de la créativité qui est un droit de naissance de l'homme, qui ne disparaît pas et avec laquelle nous sommes tous nés. Elle n'est pas l'apanage de quelques super-héros. J'ai le sentiment que lorsque les gens écoutent de la musique, ils peuvent le faire grâce au sens de l'empathie qui leur permet de répondre à la créativité des autres en ressentant leur propre créativité. En d'autres termes, ces neurones commencent à s'activer et ces expériences, ces sensations corporelles, entrent en résonance avec la créativité qui vient de l'extérieur, parce qu'ils l'ont en eux."

Lorsque nous entendons cette musique, nos neurones se mettent à fonctionner dans toutes sortes de directions, probablement involontaires de la part des musiciens originaux. Nous nous sommes convaincus que ce n'était pas grave, en nous appuyant sur les propos rassurants de George Lewis. En écoutant cette musique, nous avons pensé aux grands modèles de langage, tels que ChatGPT. Actuellement, de nombreuses personnes ont des conversations initiales avec ces manifestations de ce que l'on appelle les algorithmes d'intelligence artificielle. Nous avons comparé nos propres conversations avec ChatGPT aux dialogues et trialogues de Pique-nique au labo 3. Nous vivons à une époque où certains êtres humains s'emploient activement à développer les capacités des produits d'intelligence artificielle à générer de l'art visuel et de l'art audio sur la base de la combinaison et de l'interpolation d'ensembles de données massives pillées. Un jour, nous dit-on, les machines dépasseront l'ingéniosité humaine. Nous ne savons pas si ces prophéties sont vraies et nous ne sommes pas particulièrement enclins à nous y attarder. Cependant, nous avons l'intuition que le type de musique qui apparaît dans les expériences du Pique-nique au labo sera la dernière frontière à tomber entre les mains des machines ! Nous trouvons du réconfort dans la preuve générée par ces pique-niques en laboratoire que le caractère unique de la réaction intrinsèquement humaine à la rencontre d'un autre être humain pour la première fois ne sera pas facilement dupliqué.

Références :
Joëlle Léandre, Solo. Conversations avec Franck Médioni, kadima collective, Israël, 2011, p. 66.
George Lewis, La musique et l'esprit créatif : Innovators in Jazz, Improvisation and the Avant-Garde, entretiens avec Lloyd Peterson, Scarecrow Press, Lanham, Maryland, 2006, p. 155.

personnel :
Jean-Jacques Birgé (claviers, flûte, harmonica, guimbarde, inanga)
Naïssam Jalal (flûte)
Mathias Lévy (violon)
Fidel Fourneyron (trombone)
Élise Caron (voix)
Lionel Martin (saxophone ténor)
Gilles Coronado (guitare électrique)
Basile Naudet (saxophone soprano)
François Corneloup (saxophone baryton)
Philippe Deschepper (guitare électrique)
Uriel Barthélémi (batterie, synthétiseur)
Hélène Breschand (harpe)
Gwennaëlle Roulleau (batterie, effets)
Csaba Palotaï (guitare électrique)
Fabiana Striffler (violon)
David Fenech (guitare électrique)
Sophie Agnel (piano)
Olivier Lété (basse électrique)
Fanny Méteier (tuba)
Tatiana Paris (guitare électrique)
Violaine Lochu (voix)

Critiques connexes de la maison d'édition Poison Pie
Pique-nique au labo - Jean-Jacques Birgé (10 décembre 2020) (aussi en français)

samedi 16 septembre 2023

Pique-nique au labo sur nato-musique


Troisième retour sur le CD sorti lundi, le premier sur le territoire, "Disque ami" ça fait du bien...

Avec Jean-Jacques Birgé, un train arrive toujours en gare de La Ciotat. Le deuxième volume des rendez-vous un peu énigmatiques du musicien déjà centenaire vient de paraître sous le titre de "Pique-nique au labo 3". Les deux premiers chapitres se révélaient sous la forme d'un double album (GRRR 2031-32) où, en duo et en trio, l'inépuisable JJ Trouvetou conviait au studio GRRR, au Triton ou à la maison de la Radio, 28 musiciennes et musiciens pour un moment de joyeuse recherche (Pique-nique "et" labo) : Vincent Segal , Ravi Shardja, Antonin-Tri Hoang, Alexandra Grimal, Edward Perraud, Fanny Lasfargues, Jocelyn Mienniel, Ève Risser, Linda Edsjö, Birgitte Lyregaard, Julien Desprez, Médéric Collignon, Sophie Bernado, Pascal Contet, Amandine Casadamont, Samuel Ber, Sylvain Lemêtre, Sylvain Rifflet, Élise Dabrowski, Mathias Lévy, Hasse Poulsen, Wassim Halal, Christelle Séry, Jonathan Pontier, Karsten Hochapfel, Jean-François Vrod, Jean-Brice Godet et Nicholas Christenson. Dans ce deuxième mais troisième opus, même principe, mais en unité de lieu (le Studio GRRR comme une sorte de Moulinsart des Bijoux de la Castafiore ou bien de quelque demeure imaginée par Agatha Christie et filmée par Straub et Huillet), la distribution (une fois encore brillante) est à chaque fois renouvelée pour chacun de ces deux duos et neuf trios. À l'exception de Mathias Lévy, aucun des invités suivants n'avait joué dans la précédente mouture : Naïssam Jalal, Fidel Fourneyron, Élise Caron, Lionel Martin, Gilles Coronado, Basile Naudet , François Corneloup, Philippe Deschepper, Uriel Barthélémi, Hélène Breschand, Gwennaëlle Roulleau, Fabiana Striffler, Csaba Palotaï, David Fenech, Sophie Agnel, Olivier Lété, Fanny Méteier, Tatiana Paris, Violaine Lochu. Les titres, souvent extraits d'œuvres littéraires, servent de partitions à tous ces drôles de drames instantanés, ces détours de passe passe, où les différents protagonistes échappent par le fait accompli à toute logique "partisane"(traduction musicale). Onze huit-clos en un pour sortir du temps dans la fusion des formes, celle des métamorphoses tourbillonnant jusqu'à mûrir un chant. Une sorte d'idée du destin.

• Jean-Jacques Birgé "Pique-nique au labo" (Grrr 2036)

lundi 11 septembre 2023

Pique-nique au labo 3 sur Bad Alchemy


Sympa de trouver cette chronique sur notre nouveau CD le jour de sa sortie officielle. Oui c'est aujourd'hui, même s'il est temps d'aller me coucher après la fête dominicale qui a réuni une trentaine des musiciens et musiciennes qui ont joué sur un ou plusieurs des trois volumes de Pique-nique au labo. Je me suis réveillé à 4h30 et il est bientôt 2h30. Si vous me connaissez, vous savez que j'ai donc tout rangé, mais nous n'avons pas tout mangé ! Formidable journée de rencontres, d'amitié et de rigolades. Un énorme merci s'ils ou elles me lisent, partie remise pour celles et ceux qui n'ont pas pu venir...

Après avoir présenté avec Pique-nique au labo 22 moments forts de ses rencontres d'improvisation de la décennie 2010-19 sous la forme d'un double CD, JJB n'a pas attendu cette fois-ci pour présenter la série du 9.3.2021 au 8.6.2023. Pique-nique au labo 3 (GRRR 2036, 09/23) propose une sélection choisie parmi les 11 rencontres avec 20 visiteurs au studio GRRR : Tout Abus Sera Puni avec la flûtiste syrienne Naïssam Jalal et le violoniste Mathias Lévy. Utilisez Une Vieille Idée avec la voix d'Élise Caron et le trombone de Fidel Fourneyron, connu par l'ONJ et Un Poco Loco sur Umlaut. Nul Ne Le Vit Débarquer Dans la Nuit Unanime avec Lionel Martin (d'Ukandanz) au saxophone ténor. Give The Game Away avec Gilles Coronado (qui a beaucoup joué avec Franck Vaillant et Louis Sclavis) à la guitare électrique, Basile Naudet au sax soprano. Exotica avec François Corneloup au sax baryton, Philippe Deschepper à la guitare électrique, tous deux avec l'expérience de Claude Tchamitchian et Henri Texier - Deschepper, né en 1949, est un des grands anciens, avec Sylvain Kassap, Yves Robert, Beñat Achiary. Insurrection avec Uriel Barthélémi à la batterie et au synthétiseur, aux côtés d'Hélène Breschand à la harpe électrique et son spectre aventureux de Ferrari, Niblock, Franck Vigroux ou Chansons Du Crépuscule avec Elliott Sharp. Kakushi Toride No San Akunin avec Gwennaëlle Roulleau à la batterie & aux effets. Manger avec quelqu'un qui n'a pas d'appétit c'est discuter beaux-arts avec un abruti avec Csaba Palotaï de Budapest à la guitare électrique, Fabiana Striffler (de l'Andromeda Mega Express Orchestra) comme surprise allemande au violon. Don't Break The Silence avec David Fenech à la guitare électrique, Sophie Agnel au piano. Un Très Court avec Olivier Lété à la basse électrique, Fanny Méteier au tuba. Et Moitié moite avec Tatiana Paris à la guitare électrique, que Violaine Lochus appelle, croassant et déclamant comme une corneille. JJB est l'hôte de ceux qui sont couronnés de feuilles d'automne et de ceux qui n'ont pas encore de claviers, le magicien du son et des samples que l'on connaît, avec parfois encore des percussions, une flûte, un piano, un kazoo, un harmonica, une guimbarde, un sifflet.
Pour un - son ! - fantastique jeu électro-acoustique-ambient, la musique contemporaine, se couvre sans complexe d'éclaboussures de classique, d'improvisation et d'electronica. Le clou, c'est que cela brille d'une espièglerie surréaliste et d'une sophistication pleine de bon sens, enfilées chronologiquement mais à la manière d'une suite de scènes quasi cinématographiques. En tout cas, cela ne me fait pas l'effet d'une simple compilation en mosaïque ou d'un train de marchandises plein de morceaux, mais plutôt, grâce aussi aux cinq guitares électriques, d'un paysage sonore, d'un jeu onirique qui s'intègre dans la tête du metteur en scène JJB, même si les joueurs ne savent pas comment leur apparition, en tant que scène cohérente, embellit un ensemble plus vaste.

Paru sur Bad Alchemy 121 sous la plume de Rigobert Dittmann, traduit de l'allemand comme j'ai pu / Image du livret du CD

mardi 8 août 2023

Pique-nique au labo, volume 3


Le volume 3 de Pique-nique au labo est déjà sur Bandcamp, les premiers exemplaires sont envoyés à la presse, mais la sortie officielle est le 11 septembre 2023. Les deux précédents volumes rassemblés en un double CD présentaient 22 pièces avec 28 invité/e/s enregistrées de 2010 à 2019. Participaient aux agapes Samuel Ber, Sophie Bernado, Amandine Casadamont, Nicholas Christenson, Médéric Collignon, Pascal Contet, Élise Dabrowski, Julien Desprez, Linda Edsjö, Jean-Brice Godet, Alexandra Grimal, Wassim Halal, Antonin-Tri Hoang, Karsten Hochapfel, Fanny Lasfargues, Mathias Lévy, Sylvain Lemêtre, Birgitte Lyregaard, Jocelyn Mienniel, Edward Perraud, Jonathan Pontier, Hasse Poulsen, Sylvain Rifflet, Eve Risser, Vincent Segal, Christelle Séry, Ravi Shardja, Jean-François Vrod ! La relève est cette fois assurée par Sophie Agnel, Uriel Barthélémi, Hélène Breschand, Élise Caron, François Corneloup, Gilles Coronado, Philippe Deschepper, David Fenech, Fidel Fourneyron, Naïssam Jalal, Olivier Lété, Mathias Lévy, Violaine Lochu, Lionel Martin, Fanny Meteier, Basile Naudet, Csaba Palotaï, Tatiana Paris, Gwennaëlle Roulleau, Fabiana Striffler, soit 11 pièces interprétées par 20 nouveaux/elles invité/e/s de 2021 à 2023. Un quatrième volume est sur le grill puisque sont programmées de nouvelles rencontres dès septembre.

En général j'invite un musicien ou une musicienne en lui demandant de choisir à son tour un ou une troisième avec il ou elle n'a jamais joué, mais en a fort envie, et autant que possible quelqu'un/e avec qui je n'ai jamais joué non plus librement. À chaque séance qui dure une journée complète, il s'agit de jouer pour se rencontrer et non le contraire comme il est d'usage. Une manière aussi de retrouver nos premiers émois de musicien/ne, avant que nous en ayons fait notre métier, lorsqu'il n'y avait d'enjeu que le plaisir pur. Ce n'est pas un hasard si l'une de mes cartes de visite reprenait la phrase de Cocteau "Le matin ne pas se raser les antennes". Je fais tout mon possible pour que mes invités se sentent à l'aise, confortables, libres de créer comme au premier jour. Le déjeuner est un moment aussi convivial. La thématique de chaque pièce est tirée au sort juste avant de jouer. Je mixe le lendemain pour égaliser les niveaux, mais je ne coupe rien. Rarement je retire un morceau qui fait doublon. À la fin de la journée nous avons enregistré un album complet qui sera mis gratuitement en ligne quelques jours plus tard.

Les CD Pique-nique au labo rassemblent une pièce de chacun de ces albums virtuels. Toutes ces compositions instantanées sont inédites en CD. Ce sont donc 32 albums qui ont été ainsi compilés pour faire sens, ce mix racontant une nouvelle histoire. Une rencontre des participants des trois volumes est d'ailleurs prévue à la rentrée, mais cette fois autour d'un verre et de victuailles, pour fêter cette nouvelle sortie !


Si la plasticienne mc gayfflier avait orienté ses graphismes sur le pique-nique du double album, elle s'est cette fois inspirée du labo, peut-être parce que ces pièces post-confinement sont plus noires. Un labo radioactif en hommage à Pierre et Marie Curie, "avec la lumière inquiétante que les deux savants retrouvaient contempler le soir dans leur laboratoire". J'imagine que la peinture à l'intérieur est une référence au Tombeau des Lucioles...


Tout cela pour dire que je suis super content.
Il vaut mieux écouter fort pour profiter de toutes les nuances.
De plus, j'ai récupéré mon ordinateur, réparé en quelques heures par SOSMaster rue Turbigo, et je peux donc filer vers le sud l'esprit tranquille...

→ Jean-Jacques Birgé + 20 invités, Pique-nique au labo 3, CD GRRR, dist.Orkhêstra et Les Allumés du Jazz, également sur Bandcamp

jeudi 12 janvier 2023

Le cri du Caire


Je n'ai pas encore vu La conspiration du Caire du talentueux Tarik Saleh (Le Caire confidentiel / The Nile Hilton Incident), mais j'ai la chance d'écouter Le cri du Caire qui réunit le saxophoniste britannique Peter Corser, le violoncelliste allemand Karsten Hochapfel et, en invité, le trompettiste Erik Truffaz autour du chanteur et poète égyptien Abdullah Miniawy. Aucun rapport entre le film et le groupe, si ce n'est un regard critique sur l'histoire récente égyptienne. La musique sonne bien, mais je me demande quoi écrire sans comprendre les paroles. Cette manie des attachés de presse d'envoyer les CD sous pochette carton sans livret est terriblement frustrante. Accompagnant l'objet, le texte, ici dû à Blaise Merlin acteur déterminant du projet, est biographique et circonstanciel, mais ne permet pas de savoir où l'on met les oreilles du point de vue du sens. Je me retourne donc vers Marc Chonier qui est en charge de la promotion et, en attendant, je me dis qu'il est logique d'entendre là le souffle continu de Peter Corser au ténor (un habitué du festival La voix est libre), les envolées lyriques d'Erik Truffaz (qui s'est toujours intéressé aux autres cultures que la sienne) et les cordes sensibles de Karsten Hochapfel (pilier du groupe Odeia et compagnon de route de Naïssam Jalal). Le soufisme fait tournoyer la tête comme le jazz en phrases hypnotiques qui semblent s'intensifier jusqu'à la transe, et la paix retrouvée.


À la quatrième écoute je reçois enfin les informations dont j'ai besoin pour avancer sur le chemin de sable et de larmes. Mélange de sacré et de profane, de piété et de révolte, les textes sont à la fois reconnaissables dans la forme et nouveaux au creux du cœur. Sous les vers ésotériques se perçoivent l'influence du Coran, de la révolution de 2011 et des désillusions du peuple égyptien. Ainsi la musique prend tout son sens, parce que sa traduction des textes ne peut trahir : elle fait corps avec la poésie, inexplicable, magique, sublime.

→ Le cri du Caire, CD Les Disques du Festival Permanent / Airfono / Big Wax, sortie le 27 janvier 2023

lundi 5 décembre 2022

Vous aurais-je oublié ?


Sur le site du Drame le lien est discret, mais tout en bas de la page d'accueil il faut tomber sur les Crédits pour découvrir mes remerciements à toutes celles et tous ceux que j'ai accompagnés ou qui m'ont accompagné d'une manière ou d'une autre. Comme ma mémoire fait défaut, j'ai constitué cette liste au fur et à mesure depuis 1995, création du premier site, et 2010 lorsque Jacques Perconte m'aida à sa refonte. Hélas parfois le nom de certains ou certaines ne me dit plus rien et je dois faire des recherches compliquées pour raviver ma mémoire. L'important c'est qu'il ou elle soit là, y compris celles et ceux qui nous ont quittés et qui nous manquent souvent cruellement. Musiciens, cinéastes, plasticiens, comédiens, chorégraphes, écrivains, ingénieurs du son, techniciens, journalistes, illustrateurs, maquettistes, producteurs, organisateurs de spectacles, développeurs, scénographes, gens de radio ou de télévision, commissaires d'exposition, disquaires, photographes, assistants, je ne serais pas là sans elles et sans eux.

J'ai ainsi tenu à remercier Homeira Abrishami, Françoise Achard, Sophie Agnel, Paula Aisemberg, Lucien Alfonso, Pedro Almodóvar, Anne Amiand, Richard Arame, Steve Argüelles, Feodor Atkine, José Artur, Cyril Atef, Étienne Auger, Serge Autogue, Gérard Azoulay, Mourchid Baco, Mama Baer, Bradford Bailey, Balanescu String Quartet, Anilore Banon, Patrick Barbéris, Raùl Barboza, Luc Barnier, Patrice Barrat, Bruno Barré, Igor Barrère, Franpi Barriaux, Uriel Barthélémi, Hélène Bass, Blick Bassy, Michal Bathory, Nathalie Baudoin, Ruedi Baur, Michael Bazini, Sidney Bechet, Claudette Belliard, Dominique Belloir, Patrick Bensard, Samuel Ber, Antoine Berjeaut, Sophie Bernado, Sébastien Bernard, Maryse Bernatet, Jacques Berrocal, Michel Berto, Jacques Bidou, Christian Billette, Elsa Birgé, Geneviève et Jean Birgé, Jane Birkin, Charles Bitsch, Ludovic Blanchard, Daphna Blancherie, Emmanuelle Blanchet, Nico Bogaerts, Richard Bohringer, Marc Boisseau, François Bon, Antoine Bonfanti, Raymond Boni, Marianne Bonneau, Stéphane Bonnet, Marc Borgers, Irina Botea, Elisabeth Boudjema, Noémie Breen, Hélène Breschand, Dee Dee Bridgewater, Alex Broutard, Jean Bruller dit Vercors, Étienne Brunet, Menica Brunet-Fabulet, Jean-Yves Bouchicot, Jean-Louis Bucchi, Nicolas Buquet, Bumcello, Noël Burch, Christine Buri-Herscher, Michèle Buirette, Fara C, Geneviève Cabannes, Dominique Cabréra, Patrice Caillet, Philippe Caloni, Lulla Card, Phillipe Carles, Carolyn Carlson, Rafael Carlucci, Élise Caron, Kent Carter, Amandine Casadamont, Gwen Catalá, Stéphane Cattaneo, François Cavanna, Marc Cemin, Evan Chandlee, Dorothéee Charles, Denis Charolles, Christophe Charpenel, Jean-Louis Chautemps, Lulu Chedmail, Nicolas Chedmail, Nicholas Christenson, Mino Cinelu, Mikaël Cixous, Eric Clapton, Valentin Clastrier, Nicolas Clauss, Bass Clef, Annabel Clin, Alain Cluzeau, Gilles Cohen, David Coignard, Denis Colin, Médéric Collignon, Isabelle Collin, Hélène Collon, Henry Colomer, Pascal Contet, Controlled Bleeding, François Corneloup, Aude de Cornoulier, Gilles Coronado, Francisco Cossavella, Lol Coxhill, Valérie Crinière, Sonia Cruchon, Francisco Cruz, Pablo Cueco, Élise Dabrowski, Marwan Danoun, Philippe Danton, Louis Daquin, Corine Dardé, Isabelle Davy, Jon Dean, Françoise Degeorges, Olivier Degorce, Thierry Dehesdin, Benoît Delbecq, Marie-Reine Delpech, Éric Delva, Jacques Denis, Antoine Denize, Jean-Claude Deretout, Régis Deruelle, Xavier Desandre-Navarre, Philippe Deschepper, Pierre Desgraupes, Daniel Deshays, Agnès Desnos, Julien Desprez, Marie-Jésus Diaz, Dana Diminescu, Bernard-Pierre Donnadieu, Jimmy Doody, Yves Dormoy, Brigitte Dornès, Pierre-Étienne Dornès-Thiébaut, Iann Douarinou, Nicolas Dourlhès, Tom Drahos, Benoît Drouillat, Claudine Ducaté, Bernard Ducayron, Alain Durel, Frédéric Durieu, Pierre Durr, André Dussollier, Serge Duval, Antoine Duvernet, Éric Échampard, Linda Edsjö, Xavier Ehretsmann, Julien Eil, Youssef el Idrissi, Samy El Zobo, Ella & Pitr, Alix Ewandé, Pere Fages, Valéry Faidherbe, Fantazio, Pierre Favre, David Fenech, Roger Ferlet, Luc Ferrari, Jean Ferry, Véronique Fèvre, Jean-André Fieschi, Fillion-Guttin, Jean-Luc Fillon, Dominique Fonfrède, Brigitte Fontaine, Isabelle Fougère, Fidel Fourneyron, Régis Franc, Daniela Franco, Mathias Frank, André Franquin, Stéphane Frattini, Alan Freeman, Peter Gabor, Françoise Gagneux, Jalal Gajo, Vyacheslav Ganelin, Christophe Gans, Maurice Garrel, Olivier Gasnier, Sacha Gattino, mc gayffier, Lucas de Geyter, Raphaëlle Giaretto, Jean-Pierre Gillard, Bruno Girard, Gabriel Glissant, Vinko Globokar, Fred Goaty, Michel Godard, Corinne Godeau, Jean-Brice Godet, Alba Gomez-Ramirez, Zeev Gourarier, Alain Grange, Geoffrey Grangé, Jean-Loup Graton, Alexandra Grimal, Antoine Guerrero, Louis Hagen-William, Wassim Halal, Franck Hammoutène, Richard Hamon, Yoshihiro Hanno, Alain-René Hardy, George Harrison, Richard Hayon, Tincuta Heinzel, Annick Hémery, Jean-Jacques Henry, Werner Herzog, Kommissar Hjuler, Anh-Van Hoang, Antonin-Tri Hoang, Karsten Hochapfel, James et Liliane Hodges, Veronica Holguin, Hugh Hopper, Horace, Michel Houellebecq, Éric Houzelot, Régis Huby, Emmanuelle Huret, Tina Hurtis, Tony Hymas, Jean-Jacques Imerglik, Naïssam Jalal, Théo Jarrier, Werner Jeker, David Jisse, Eltron John, Jef Lee Johnson, Oliver Johnson, Matthieu Jouan, Patrick Joubert, Lors Jouin, Igor Juget, Wolf Ka, Hermine Karagheuz, Sylvain Kassap, Dill Katz, Ademir Kenovic, Nikoleta Kerinska, Klee, Olivier Koechlin, Jürgen Königer, Philippe Kotlarsky, Ivan Kozelka, György Kurtag Jr, Hélène Labarrière, Philippe Labat, Pascale Labbé, Hervé Lachize, Philip de La Croix, Alain Lacombe, Étienne Lalou, Daniel Laloux, Nathalie Lance, Jean-Pierre Laplanche, Mireille Larroche, Michèle Larue, Fanny Lasfargues, Pierre Lavoie, Daunik Lazro, Ronan Le Bars, Youenn Le Berre, Nicolas Le Du, Arnaud Le Gouëfflec, Anne-Sarah Le Meur, Le Tone, Joëlle Léandre, Pascal Lebègue, Madeleine Leclair, Jocelyne Leclercq, Irène Lecoq, Patrick Lefebvre, Murielle Lefèvre, Hervé Legeay, Pascal Légitimus, Philippe Legris, André Lejarre, Sylvain Lemêtre, Paul Lemos, Jean-Pierre Lentin, Corinne Léonet, William Leroux, Bruno Letort, Michel Levasseur, Mathias Lévy, Pierre Oscar Lévy, Marc Lichtig, Karl Lieppegaus, Éric Longuet, Michael Lonsdale, Bernard Loupias, Serge Loupien, Bernard Lubat, René Lussier, Birgitte Lyregaard, Jean-Pierre Mabille, Ahmed Madani, Jean-Marie Maddeddu, Colette Magny, Martin Maillardet, Sabine Maisonneuve, Kristine Malden, Didier Malherbe, Bernard Mallaterre, Frank Mallet, Sous-commandant Marcos, Christian Marin, Francis Marmande, Alexandre Martin, Arlette Martin, Jean-Hubert Martin, Lionel Martin, Jacques Marugg, Cesare Massarenti, Massimo Mattioli, Gary May, Dominique Meens, Mephisto, Annick Mevel, Olivier Mevel, Youval Micenmacher, Jocelyn Mienniel, Claire and Étienne Mineur, Jouk Minor, Valérie Moënne, Benoit Moerlen, Bernard Mollerat, Jacques Monory, Anne Montaron, Agnès and Philippe Monteillet, Alain Monvoisin, Nicolas Moog, Thurston Moore, Maxime Morel, Mathilde Morières, Pierre Morize, Ken Morris, Talia Mouracadé, Manolis Mourtzakis, Dolf Mulder, Michel Musseau, Judit Naranjo Rib, Basile Naudet, Laure Nbataï, Dj Nem, Louis-Julien Nicolaou, Lé Quan Ninh, Laura Ngo Minh Hong, Natacha Nisic, Stéphane Ollivier, Hugues Ometaxalia, Aki Onda, Nicolas Oppenot, Christian Orsini, Ben Osborne, Yuko Oshima, Jean-Éric Ougier, Kvèta Pacovská, Csaba Palotaï, Gérard Pangon, Guy Pannequin, Vilma Parado Dejoras, Jean-François Pauvros, Jacques Peillon, Hervé Péjaudier, Yves Pénaud, Jacques Perconte, Didier Périer, Edward Perraud, Didier Petit, Patrice Petitdidier, Claude Piéplu, Guy Piérauld, Max Pinson, Philippe Pochan, Laurent Poitrenaud, Michel Polizzi, Jean-Louis Pommier, Olivier Poncer, Jonathan Pontier, Daphné Postacioglu, Michel Potage, Hasse Poulsen, Anna Prangenberg, Xavier Prévost, Yves Prin, Maÿlis Puyfaucher, Sophie de Quatrebarbes, Jean Querlier, Joseph Racaille, Sylvain Ravasse, Jacques Rebotier, Luis Rego, François Reichenbach, Dominique Répécaud, Nathalie Richard, André Ricros, Michael Riessler, Sylvain Rifflet, Marie-Noëlle Rio, Bruno Riou-Maillard, Eve Risser, Annick Rivoire, Philippe Robert, Yves Robert, Walter Robotka, Jean Rochard, Gilles Rollet, Jean Rollin, Françoise Romand, Aldo Romano, Gwennaëlle Roulleau, Xavier Roux a.k.a Ravi Shardja, Jacques Rouxel, Guillaume Roy, Frank Royon Le Mée, Marie-Noëlle Sabatelli, Farhad S., Hélène Sage, Makiko Sakurai, John Sanborn, Raoul Sangla, Adriana Santini, Benjamin Sanz, Sapho, Raymond Sarti, Sylka Sauvion, Tuff Sherm, Antoine Schmitt, Bruno Schnebelin, Jean-Nicolas Schoeser, Louis Sclavis, Laura Seaton, Miroslav Sebestik, Vincent Segal, Boris Séméniako, Michel Séméniako, Pierre Senges, Christelle Séry, Romina Shama, Archie Shepp, Shiroc, Abdulah Sidran, Didier Silhol, Jean-Pierre Simard, Gérard Siracusa, Yassine Slami, Madeleine Sola, Marie-Christine Soma, Silvio Soave, Aldo Sperber, Alan Spira, Monika Stachowski, Steve Stapleton, Frédéric Stignani, Laurent Stoutzer, Fabiana Striffler, Frédéric Tachou, Christian Taillemite, Cécile Tamalet, Tamia, Henri Texier, Claude Thiébaut, Benoît Thiebergien, Michel Thion, Jean Tholance, Florian Tirot, Toffe, Benoît Tonnerre, Topper, Gérard Touren, Michel Tournier, Luigee Trademarq, Bernard Treton, Claudia Triozzi, Élisa Trocmé, François Tusques, Richard Ugolini, Valentina Vallerga, Serge Valletti, Monique Veaute, Brigitte Vée, Jorge Velez, André Velter, David Venitucci, Daniel Verdier, Éric Vernhes, Isabelle Veyrier, Magali Viallefond, Antoine Viard, Martine Viard, Lucinda Vieira Monteiro, Franck Vigroux, Edgar Vincensini, Boris de Vinogradov, Jacques Vivante, Jean-Pierre Vivante, Jean-François Vrod, Michaëla Watteaux, Gershon Wayserfirer, Joël Weiss, Robert Weiss, Benoît Widemann, Mary Wooten, Sun Sun Yip, Otomo Yoshihide, Meidad Zaharia, Hervé Zenouda, Valérie Ziegler, Carlos Zingaro et toutes les belles personnes avec qui nous avons partagé de délicieux moments.

Dédicace spéciale à Frank Zappa, John Cage, Robert Wyatt, Michel Portal dont les encouragements furent précieux à mes débuts. Pensée quotidienne à Bernard Vitet. Je n'ai évidemment pas cité Francis Gorgé avec qui j'ai commencé, l'autre pilier d'Un drame musical instantané et toujours mon ami. Pour les autres, se reporter aux paroles de l'index 1 de l'album Chansons.

jeudi 13 octobre 2022

GRRR, underground ou uppernet ?


Alors que mes disques physiques sont largement chroniqués par la presse papier et sur la Toile, le silence qui entoure les albums que j'enregistre avec la fine fleur des improvisateurs continue de m'étonner, probablement parce qu'ils n'existent que dans leur version dématérialisée, sur drame.org ou Bandcamp. Quel autre label que GRRR peut se targuer de présenter des inédits de (excusez du peu) Sophie Bernado, Eve Risser, Linda Edsjö, Alexandra Grimal, Birgitte Lyregaard, Fanny Lasfargues, Amandine Casadamont, Elise Dabrowski, Christelle Séry, Joce Mienniel, Edward Perraud, Antonin-Tri Hoang, Xavier Roux, Vincent Segal, Médéric Collignon, Julien Desprez, Pascal Contet, Sylvain Lemêtre, Sylvain Rifflet, Wassim Halal, Hasse Poulsen, Mathias Lévy, Jonathan Pontier, Jean-François Vrod, Karsten Hochapfel, Jean-Brice Godet, Nicholas Christenson, Naïssam Jalal, Élise Caron, Fidel Fourneyron, Lionel Martin, Gilles Coronado, Basile Naudet, François Corneloup, Philippe Deschepper, Hélène Breschand, Uriel Barthélémi, Gwennaëlle Roulleau, Fabiana Striffler, Csaba Palotaï et très très bientôt Sophie Agnel et David Fenech ? De mon côté je tente de me renouveler sans cesse tout en conservant le cap de la liberté absolue. Dans le passé, seul Citizen Jazz a ramassé quelques rares petits cailloux, mais rien depuis quatre ans ! Pourtant, à l'écoute des disques de tant d'autres que je chronique de façon solidaire sur ce blog, il me semble que ces séances occupent une place unique dans le paysage français ou international. Il y a deux ans j'avais choisi une pièce de chacun des vingt-et-un premiers albums de cette aventure pour Pique-nique au labo. Une dizaine sont déjà parus depuis !
Ce ne sont pas juste des séances d'improvisation. À la sortie de ce double CD j'écrivais : "Ce que nous avons enregistré ensemble montre simplement que l'improvisation n'est pas un style, mais une manière de vivre, soit réduire le temps entre composition et interprétation, penser longtemps pour agir vite. [...] Confronter nos expériences, partager cette tendresse qui fait tant défaut aux professionnels que l'on veut faire de nous, il faut sans cesse retrouver la passion des amateurs, étymologiquement celles et ceux qui aiment. Pique-nique au labo ne se voulait pas un manifeste, mais la musique qui s'en dégage m'y fait penser ! Chaque fois il s'agit de jouer pour se rencontrer et non le contraire comme il est d'usage."


En 1991 et 1992, pour Urgent Meeting et Opération Blow Up, Un Drame Musical Instantané, donc Bernard Vitet, Francis Gorgé et moi-même, avait réalisé une expérience assez proche avec (désolé, cette liste aussi est longue, mais quel florilège !) Joëlle Léandre, Brigitte Fontaine, Colette Magny, Louis Sclavis, Vinko Globokar, Luc Ferrari, René Lussier, Henri Texier, Frank Royon Le Mée, Didier Petit, Yves Robert, Michel Musseau, Raymond Boni, Geneviève Cabannes, Didier Malherbe, Pablo Cueco, Michèle Buirette, Youenn Le Berre, Michael Riessler, Laura Seaton, Mary Wooten, Jean Querlier, François Tusques, Dominique Fonfréde, Michel Godard, Gérard Siracusa, Yves Robert, Denis Colin, Valentin Clastrier, Stéphane Bonnet, Jean-Louis Chautemps, György Kurtag Jr., Hélène Sage, Carlos Zingaro. Évidemment la presse fut très présente pour ces CD. Internet n'existait pratiquement pas.
J'ai commencé à publier des albums exclusivement en ligne à partir de 2010. C'était alors chose rare. Depuis, cent-soixante-quatorze heures d'inédits se sont accumulées et sont offertes gracieusement en écoute et téléchargement. Peut-être que la gratuité dévalorise les objets ? Allez savoir quelle perversité le système a engendrée ? Aujourd'hui où les labels envoient des disques dématérialisés aux journalistes, où les disques physiques, vinyles comme CD, ne se vendent pratiquement plus, sauf parfois à la fin des concerts, les mœurs auraient pu changer, mais non, cela leur semble encore d'un autre temps, un temps à venir, le mystère perdure...

mercredi 21 septembre 2022

Matthieu Donarier explore un bestiaire sans animaux


Beau quartet réuni par le saxophoniste-clarinettiste Matthieu Donarier sur l'excellent label hongrois BMC, avec Ève Risser au piano, avec ou sans préparations, Karsten Hochapfel au violoncelle (on est obligé de préciser, entendu qu'il est à la guitare électrique avec Naïssam Jalal, parfois à la guitare portugaise ou bulgare avec Odeia, etc.) et Toma Gouband à la batterie, quand il ne frappe pas des pierres ou se saisit de plantes. Le ténor donne à ce Bestiaire #1 | Explorations un son jazz, même si les musiciens s'en échappent. Si une large place est laissée à l'improvisation, ces explorations sont composées avec détermination, orientant la découverte sur les pentes escarpées. Comme si le ténor incarnait ce Russell Twang et ses acolytes les paysages se succédant au gré des plages. Nous traçons au milieu des faux-semblants. Pas un seul animal en vue, mais la fiction d'un naturaliste extirpé de son laboratoire et confronté au terrain. Et si les bestioles étaient en fait des mammifères capables de s'exprimer en musique ?

→ Matthieu Donarier, Bestiaire #1 | Explorations, CD BMC, 11€, sortie le 23 septembre 2022

lundi 3 janvier 2022

En quête de mes doubles


Depuis cet article du 27 février 2009, Bernard nous a quittés il y a déjà huit ans, les autres ont pris l'envergure que je leur souhaitais, mais ne plus avoir de partenaires réguliers quotidiens pour partager mes élucubrations et mes interrogations musicales me manque cruellement.

Si je n'ai pas reproduit le système initiatique qui me fut transmis par Jean-André Fieschi, lui-même instruit par l'écrivain Claude Ollier, je n'en ai pas moins toujours cherché mes doubles, d'autres moi-même en somme parmi les générations qui me suivent. Ne rêvant pas d'en faire à leur tour mes élèves, j'ai préféré les considérer comme des collaborateurs avec qui partager mes jeux. Le désir de revivre sans nostalgie les épisodes passés de ma jeunesse, probablement de la comprendre, la tendresse complaisante que j'éprouve pour mon passé, m'ont souvent poussé vers celles et ceux avec qui je sens des points communs, ce qui les différencie a priori de mes compléments, pièces d'un puzzle dont l'équilibre est la clef de voûte. Aucun pseudo double ne peut pour autant être autrement qu'un complément et chaque complément est à sa manière un autre double. Mais je sens bien la différence entre les opposés qui s'attirent et les semblables qui partagent. Bernard Vitet et Francis Gorgé incarnent l'accord parfait de trois individus radicalement différents embarqués sur le même navire, en l'occurrence Un Drame Musical Instantané, près de [cinquante] ans d'amitié, trois tiers d'Un dmi, pour jouer sur les mots comme sur les touches. 3/3 d'1/2 est d'ailleurs le titre que je donnai à l'une des pièces de l'album Machiavel après que nous ayons découpé en trois les vinyles du Drame pour en reconstituer un seul sur la platine tourne-disques ! La joie fut immense de marcher ensemble, de tout casser parfois, de reconstruire aussi le monde à nos mesures, microscopique dans les effets, immense par nos ambitions de rêveurs. Il en fut de même avec mes compagnes [...].
Pourtant la tendresse que j'éprouvai, par exemple, pour les élucubrations instrumentales d'Hélène Sage, les constructions provocantes d'Ève Risser, la rigueur obsessionnelle de Laure Nbataï, la fantaisie gastronomique de Sacha Gattino, la soif d'apprendre d'Antonin Tri Hoang, sans oublier ma propre fille, ne ressembla jamais à la fascination que je ressentais pour les autres, ceux qui savent ce dont j'ignore tout, les peintres, les conteurs, les virtuoses, les ouvriers, les ingénieurs, les voyous... Mes doubles m'émeuvent, mes compléments m'épatent. Les uns valident mes choix, les autres les certifient. Tous à la fois me rassurent et me font marcher au bord d'un précipice où l'écho me demande d'abord qui je suis.

Depuis 2009, j'ai eu la joie de partager des instants magiques avec encore d'autres musiciens/ciennes (Vincent Segal, Edward Perraud, Birgitte Lyregaard, Linda Edsjö, Alexandra Grimal, Pascale Labbé, Joce Mienniel, Sylvain Kassap, Fanny Lasfargues, Ravi Shardja, Bass Clef, Jorge Velez, Benoît Delbecq, Fantazio, Lucien Alfonso, Hervé Legeay, Laurent Stoutzer, Francisco Cossavella, Controlled Bleeding, Quatuor Ixi, Ronan Le Bars, David Venitucci, Jef Lee Johnson, Hélène Bass, Samuel Ber, Médéric Collignon, Julien Desprez, Pascal Contet, Sophie Bernado, Bumcello, Sylvain Lemêtre, Sylvain Rifflet, Amandine Casadamont, Tony Hymas, Mathias Lévy, Élise Dabrowski, Cyril Atef, Wassim Halal, Hasse Poulsen, Christelle Séry, Jonathan Pontier, Jean-François Vrod, Karsten Hochapfel, Nicholas Christenson, Jean-Brice Godet, Naïssam Jalal, Fidel Fourneyron, Élise Caron, Lionel Martin, Basile Naudet, Gilles Coronado, Philippe Deschepper, François Corneloup, Uriel Barthélémi, Hélène Breschand, Michèle Buirette, Nicolas Chedmail, Maxime Morel, Denis Charolles, Julien Eil, Antoine Viard, Benjamin Sanz, etc.), des chorégraphes (Claudia Triozzi, Sandrine Maisonneuve), des plasticiens/ciennes (Antoine Schmitt, Nicolas Clauss, Sun Sun Yip, Anne-Sarah Le Meur, John Sanborn, Jacques Perconte, Valéry Faidherbe, Éric Vernhes, Ella & Pitr, Daniela Franco, David Coignard, mc gayffier, Romina Shama), des graphistes (Claire et Étienne Mineur, Mikaël Cixous, Étienne Auger, Ruedi Baur, Nicolas Moog), des réalisateurs/trices (Françoise Romand, Pierre Oscar Lévy, Sonia Cruchon, Nicolas Le Du, Olivier Koechlin, Gila, Martin Maillardet, Corinne Dardé, Mathilde Morières), des écrivains (Jacques Rebotier, Pierre Senges, Michel Houellebecq, Isabelle Fougere, Dana Diminescu, Arnaud Le Gouëfflec), des photographes (Raymond Depardon, Elliott Erwitt, Hiroshi Sugimoto, Dulce Pinzon, Alec Soth, Simon Norfolk, Tendance Floue, Magnum, Olivier Degorce, etc.), un commissaire d'exposition (Jean-Hubert Martin), un inventeur (Olivier Mevel), des producteurs/trices (Madeleine Leclair, Walter Robotka, Théo Jarrier et Bernard Ducayron, Jean Rochard, Jean-Pierre Mabille, Sophie de Quatrebarbes, Yassine Slami, Xavier Ehretsmann), mais pas le moindre raton-laveur. Nous nous appelons, je vais les écouter, ils passent me voir, mais ce n'est pas pareil. Heureusement il y a plein d'ami/e/s qui ne figurent pas dans la liste...

mardi 21 décembre 2021

Flûtes de bois et de métal


Il y a treize ans, j'entendis pour la première fois Joce Mienniel, il jouait des flûtes et de la guimbarde en vidéo projetée sur un mur en présentation du futur ONJ rassemblé par Daniel Yvinec. La révélation était à la démesure de mon propre chemin, ces deux instruments ayant été les premiers mis à ma portée. Si les flûtistes jazzy ont proliféré depuis Eric Dolphy et Roland Kirk, particulièrement en France où les "bois" brament plus qu'ailleurs, surtout des filles telles Sylvaine Hilary ou Naïssam Jalal, les guimbardiers sont plus rares. Je partage cette passion, qui s'accompagne souvent de collectionnite, avec mon camarade Sacha Gattino, et Joce Mienniel en joue aussi merveilleusement qu'il flûte tous azimuts. En 2014 j'eus la chance d'enregistrer l'album Game Bling avec lui et Ève Risser...


Si, dans ses précédents albums, Joce Mienniel fut séduit avec succès par les mirages de la pop (Paris Short Stories, Tilt, The Dreamer), le petit dernier est un superbe duo/trio, avec le flûtiste Aram Lee et le chanteur chamane et percussionniste Minwang Hwang, qui échappe à tous les genres. Mienniel est aux traversières, alto et basse, tandis que Lee souffle dans des traditionnelles en bambou comme la daegum. Le premier a les clefs du système Boehm, le second un timbre en papier de riz qui fait bzinguer l'instrument. L'émulation était inévitable, comme les deux gosses du train, au début du film Zéro de conduite, qui se montrent leurs jouets. Mingwang Hwang arbitre, tempère, enrobe, accompagnant les deux souffleurs de son chant Pansori, de la peau du janggu, du métal du jing et de l'anche double du taepyongo. La matière est ici synonyme de couleurs. Si c'est un véritable triangle, Wood & Steel, le titre de l'album (et du spectacle) pointe néanmoins les deux capitaines de la rencontre France-Corée. Les trois mille ans qui séparent le daegum de la traversière sont pulvérisés par le pont que construit la musique, en solos, duos et trios, improvisations et compositions d'une très grande puissance poétique.

→ Joce Mienniel / Aram Lee, Wood & Steel, CD Buda Musique, dist. Socadisc

jeudi 8 avril 2021

Disques écoutés confiné


Hier je livrais une liste non exhaustive de films vus confiné. Aujourd'hui je vais chercher à résorber la pile d'albums physiques que j'aurais aimé évoquer, mais faute de trouver les mots, je les ai laissés prendre la poussière à côté de la platine tourne-disques. Ce sont tous des disques intéressants à plus d'un titre.
J'ai repris No Solo du pianiste et compositeur Andy Emler, sensibilité élégante de duos et trios arpégés avec Naïssam Jalal qui flûte et chante, vocalisent aussi Aïda Nosrat, Rhoda Scott, Thomas de Pourquery, Aminata "Nakou" Drame, Hervé Fontaine, participent également le joueur de kora Ballaké Sissoko, le contrebassiste Claude Tchamitchian, la sax alto Géraldine Laurent, le guitariste Nguyên Lê, le sound designer Phil Reptil. Pour les souffleurs la tendance est au chant. On le constate avec Alexandra Grimal, Sylvaine Hélary, Naïssam Jalal, Joce Mienniel et bien d'autres, comme la saxophoniste Lisa Cat-Berro qui flirte avec la pop dans son God Days Bad Days, mélodies accompagnées avec délicatesse par Julien Omé (gt), Stéphane Decolly (bs) et Nicolas Larmignat (dms).
Rien à voir avec l'énergie mordante de la hip-hopeuse de Minneapolis Desdamona dont les revendications féministes dans No Man's Land filent un coup de fouet au monde macho dominant. Je me suis un peu perdu dans la diversité de styles du Puzzle de Denis Gancel Quartet & Cie, dont l'exemplaire promo ne livre aucune information (j'ai perdu la feuille A4 qui l'accompagnait probablement), mais il s'écoute avec plaisir.
J'avais prévu d'écrire quelque chose sur Lumpeks, œuvre "culturelle radicale polonaise", qui, à l'initiative du contrebassiste Sébastien Beliah avec Louis Laurain au cornet et Pierre Borel à l'alto produit un électrochoc en mélangeant leur musique déjantée à la voix de la chanteuse et percussionniste Olga Kozieł, une des démarches les plus originales de cette sélection, leurs compositions et improvisations s'appuyant librement sur des mélodies et danses polonaises. Sur De Mórt Viva, c'est l'occitan auvergnat qui porte le free folk sous le pseudonyme Sourdure ; pour chaque texte et musique Ernest Bergez s'est inspiré de dix arcanes du Tarot ; Laurent Boithias à la vielle à roue, Eloïse Decazes au chant et au concertina, Josiane Guillot à la voix, Wassim Hallal au daf, Maud Herrera au chant, Elisa Trébouville au banjo et au chant, Amélie Pialoux aux cornet à bouquin et trompettes anciennes, Jacques Puech à la cabrette me rappellent Third Ear Band en plus destroy.
Nome Polycephale de Julien Boudart arrache d'une autre manière, sons électroniques scratchant au papier de verre sur synthétiseur Serge, vigueur paysagère se référant au chaos de Pindare, célèbre poète grec dont je n'avais pas entendu parler depuis le film La grande illusion de Jean Renoir (!). S'il est aussi en quête du bonheur, l'Écossais Graham Costello, batteur et compositeur, ne remonte pas si loin pour ses Second Lives, son arbre généalogique exposant ses origines paternelles irlandaises avec celles, birmane et indienne, de ses grand-mère et arrière grand-mère maternelles qu'il n'a pas connues. Je devrais être content de ne pas être capable de trouver des qualificatifs réducteurs à tous ces disques, même si son groupe Strata (t sax, tb, p, el gt, el bs, dms) me fait penser à une mutation du rock progressif.
Je termine ce bâclage avec le disque pour mandoline des compositions de Lalo Schifrin, le compositeur du célèbre thème de Mission Impossible, qu'il les ait écrites ou qu'il ait inspiré celles du pianiste Nicolas Mazmanian qui accompagne le mandoliniste Vincent Beer-Demander et l'accordéoniste Grégory Daltin, fantaisies légères qui détendent après les écoutes musclées !
Comme hier avec ma sélection cinématographique, c'est évidemment sans compter les articles précédents de ma rubrique musicale...

vendredi 19 mars 2021

L'air de rien - avec Élise Caron et Fidel Fourneyron


Entre cet album enregistré le 11 mars avec la chanteuse Élise Caron et le trombone Fidel Fourneyron et celui réalisé deux jours plus tôt avec la flûtiste Naïssam Jalal et le violoniste Mathias Lévy, c'est le jour et la nuit. Tout abus sera puni est une œuvre réveillée et pleine d'entrain, alors que L'air de rien est une évocation sombre et nocturne. Faux miroir l'un de l'autre, ils n'ont de commun que ma présence et le dispositif, tirage aléatoire des thèmes joués au fur et à mesure de la journée. Et puis, si la chanteuse joue de la flûte, la flûtiste chante à son tour. Ou encore, le tromboniste comme le violoniste travaillent le timbre de leur instrument, pervertissant parfois le son "naturel". L'air de rien m'apparaît comme un album noir, plongée dans les profondeurs de l'âme humaine, alors que mes compagnons comme moi-même avons l'habitude de fantaisies sonores primesautières. Peut-être que le climat général de la "crise" sanitaire déteignait sur nous ce jour-là. Il pleuvait. Cela ne nous a pas empêchés de nous amuser comme des gamins...


Élise Caron est tombée amoureuse de l'un de mes synthés-jouets chinois. J'en ai toute une panoplie acquise il y a quinze ans chez Tati Barbès. Chacun ne coûtait qu'une quinzaine ou une vingtaine d'euros. Ils sont tous composés d'une partie séquenceur pré-enregistré, d'un clavier et de disques scratchables. Je n'ai pas pris le temps de montrer à Élise qu'il y avait même un microphone sur certains ! Elle m'avait d'ailleurs demandé un micro avec réverbération maximale que nous avons placé dans la cabine, loin de nous. Lorsqu'elle le souhaitait, Élise ouvrait et fermait la porte, grincement à la clef. Quant à Fidel Fourneyron, j'aurais dû fixer plus tôt une bonnette sur le Neumann, cela m'aurait évité d'avoir recours à un filtre numérique anti-pop au mixage ! Au fur et à mesure des pièces il devient de plus en plus lyrique au trombone ; au début il se fond discrètement dans des ambiances graves qui se mélangent à mes sons souterrains. J'étrennais pour la première fois mon kazoo amplifié, ainsi que, comme deux jours plus tôt, ma shahi baaja, une cithare à touches électrique. N'ayant pas eu le temps de cuisiner, au déjeuner je leur ai servi un assortiment de viandes laquées avec le délicieux riz gluant de chez Super Tofou. Étonnamment les pièces de l'après-midi sont plus dynamiques. Je crains toujours que la digestion nous endorme. C'était loin d'être le cas. Nous n'arrivions plus à nous arrêter. Ces deux journées m'ont redonné la pêche. Je n'avais pas joué ainsi depuis décembre 2019, mais entre temps était sorti Pique-nique au labo, double CD des précédentes improvisations commencées en 2010. D'autres séances sont déjà prévues avec de nouveaux musiciens et musiciennes ! J'aime rappeler que les musiciens ont en commun avec les comédiens le privilège de jouer, jouer comme des enfants, ce qui manque par exemple cruellement aux artistes plasticiens et aux romanciers.

Fidèle aux cartes du jeu Oblique Strategies que j'avais soumis à Élise et Fidel, nous avons été confrontés aux thèmes suivants : Y a-t-il des parties? Considérez les transitions. / Est-ce que c’est fini ? / Faites une action soudaine, destructive, imprévisible. Incorporez. / Analysez précisément les détails les plus embarrassants, amplifiez les. / Regardez dans quel ordre vous faites les choses. / Ne stressez pas pour une chose plus qu’une autre. / Du jardinage. Pas d’architecture. / Que ferait votre ami le plus cher (votre amie la plus chère) ? / Détruisez : rien ou ce qu’il y a de plus important. / Utilisez une vieille idée. / Ne brisez pas le silence. / Ne craignez pas d’afficher vos talents. / Toujours les premiers pas. / Avons-nous besoin de trous ? Ce genre de journée vous requinque...

→ Birgé Caron Fourneyron, L'air de rien, en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org

Photo du trio © Peter Gabor

lundi 15 mars 2021

Tout abus sera puni avec Naïssam Jalal et Mathias Lévy


Mardi dernier, le 9 mars, nous avons enregistré 9 compositions instantanées en tirant au hasard les thèmes d'après le livre graphique de mc gayffier publié l'année dernière. Naïssam Jalal joue de la flûte et chante, tandis que le violoniste Mathias Lévy s'empare, le temps d'un morceau, de ma guitare folk ou de mon sax alto ! Que l'on s'amuse bien s'entend. Parmi les 100 variations pour tenter de déjouer (ou jouer avec) la sentence, nous sommes tombés sur les pages Tout Repu Fera Urée, Tout Kilo Sera Abdo, Tout Abus Sera Puni, Tout Étau Sera Limé, Tout Mini Sera Muni, Tout Pâté Sera Gâté et Tout Pavé Sera Jeté. Pas moyen de faire rentrer notre musique dans un carré ! L'heure de nous séparer approchant, nous terminons sur la quatrième de couverture qui est toute noire et, comme cela ne suffit pas, nous improvisons un dernier À la cool. Peter Gabor, qui est venu filmer la séance pour le documentaire qu'il tourne depuis trois ans sur ma pomme, nous immortalise faisant les zouaves. Ayant enregistré seulement trois pièces avant le déjeuner, nous étions affamés. J'avais cuisiné une pieuvre au court-bouillon (délicieusement tendre) avec du riz (mélange de riz parfumé, riz rond et riz gluant avec une phalange d'eau au-dessus, surtout ne pas remuer avant son évaporation) et une purée de butternut, rutabaga et patates, ce qui eut forcément des incidences sur les enregistrements de l'après-midi.


La couverture du livre de Marie-Christine était tout indiquée pour devenir celle de notre ouvrage. Dans son introduction la plasticienne de surface analyse l'avertissement avec humour et précision, son absolutisme et la menace définitive. Elle fait référence à la phrase du Schpountz déclinée sur tous les tons par Fernandel dans le sublime film de Pagnol, "Tout condamné à mort aura la tête tranchée", déclinaisons qu'elle fait sienne et que nous reprenons à notre manière. Après qu'elle ait conçu et réalisé l'aspect graphique de mon dernier CD, Pique-nique au labo, il était juste de lui renvoyer la balle à l'occasion de cette nouvelle rencontre, la première depuis décembre 2019 et la première à ne pas figurer dans le double album en question.


Il y a deux ans, j'avais enregistré l'album Questions, avec Élise Dabrowski et déjà Mathias Lévy, qui s'était drôlement bien passé, mais j'ignorais si je saurais composer avec le lyrisme moyen-oriental de Naïssam Jalal. Je me demande comment cela se goupille, mais je me suis senti en pantoufles (Naïssam avait apporté les siennes !). La virtuosité de mes deux invités me pousse à faire des choses qui me sont inhabituelles. C'est évidemment ce que je recherche. J'imagine qu'eux deux n'ont pas souvent non plus l'habitude d'avoir à faire avec un olibrius encyclopédique dont les sons sortent de nulle part. En fait, toutes les séances sont jouées au casque pour ne pas provoquer de larsen dans le studio, car si mes instruments électroniques sont en prises directes j'utilise pour mes invités des Schœps et des Neumann très sensibles. J'enregistre toujours droit, sans aucune correction, ni pendant, ni après. Ce sont les musiciens qui font leur son. Il s'agit simplement de bien placer les micros. Par contre, je rééquilibre la balance au mixage et nettoie quelques scories comme des coups dans le micro assénés dans le feu de l'action ! Les nouveaux outils informatiques en font un jeu d'enfant, du moins quand on a connu des systèmes autrement plus rébarbatifs. Il n'y a plus qu'à espérer que vous aurez autant de plaisir à nous écouter que nous avons eu à nous rencontrer.

→ Birgé Jalal Lévy, Tout abus sera puni, en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org

N.B.: deux jours plus tard, toujours au Studio GRRR, ayant reçu à leur tour la chanteuse Élise Caron et le tromboniste Fidel Fourneyron, nous enregistrâmes un second album intitulé L'air de rien et qui sera évidemment en ligne dans les jours prochains !

Photos du trio © Peter Gabor

jeudi 11 mars 2021

Toot, Whistle, Plunk and Boom


Mardi j'enregistrais Tout abus sera puni, un nouvel album en trio avec la flûtiste Naïssam Jalal et le violoniste Mathias Lévy. Aujourd'hui ce sont la chanteuse Élise Caron et le tromboniste Fidel Fourneyron qui sont invités à me rejoindre au Studio GRRR pour un second album qui sera également bientôt en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org ! Entre les deux, Eric Delaye m'interrogeait hier sur les instruments jouets pour un article qu'il écrit pour Libération. C'est l'occasion de republier ce petit article tut tut pouët pouët sur deux dessins animés assez peu connus de Walt Disney...

Article du 11 mars 2008

Ce film de Walt Disney tourné en 1953 présente l'évolution des instruments de musique à travers les âges. Pourquoi une trompe s'enroula sur elle-même et fut affublée de pistons devenant la trompette, comment les instruments à anche gagnèrent leurs clefs, etc. Et ça fait Toot, Whistle, Plunk and Boom [...].


Un autre petit film d'animation de la même année présente "la mélodie". Même professeur hibou, même chœur des élèves et le graphisme est aussi réussi.


Il est intéressant de noter que ce fut le première tentative 3D de Disney, même si la version présentée est hélas en 2D. Ces deux films n'appartiennent pas à l'excellente et indispensable collection des Silly Symphonies sortie en DVD à l'origine sous boîtier métallique. [P.S.: je les revois tous, ainsi que les vieux Mickey des années 1930-1940, avec mon petit-fils qui vient d'avoir 3 ans...]

lundi 8 mars 2021

Jazz Mag et Jazz News sont dans un bateau...


Jazz News s’honore en arborant la flûtiste Naïssam Jalal en couverture. La revue montre régulièrement son attachement pour l’avenir quand sa sœur aînée, Jazz Magazine, s’enfonce répétitivement dans le passé. Que la plupart des musiciens ne lisent plus ce dernier, éventuellement au profit de Jazz News, est un signe qui ne trompe pas, car n’oublions pas que ce sont eux qui font l’actualité et non les journalistes, organisateurs de spectacles, tenanciers de clubs, agents, attachés de presse, blogueurs, producteurs de disques, etc. Ils et elles sont la source à laquelle s’abreuvent tous les autres. Or la France peut s’enorgueillir d’abriter des centaines de musiciens et musiciennes inventives qui se sont affranchi/e/s du modèle américain. La starification morbide de Jazz Mag le pousse au revival vintage et à passer à côté des musiques vivantes qui ont fait valser les étiquettes mercantiles.
Se mettre du côté des artistes a prouvé l’intelligence de certains contre l’arrogance des autres. Quand l’ancien club Dunois offrait la gratuité aux musiciens, ils s’y retrouvaient tous et le jeune public suivait. En refusant cette pratique, la plupart des clubs se condamnent à n’accueillir que des tempes grises et des crânes dégarnis en quête de leurs illusions perdues.
Bien entendu il ne s’agit pas d’opposer les différents professionnels les uns aux autres, mais pour que le monde de la musique se fédère et promeuve la solidarité entre tous, il est indispensable de reconnaître la légitimité des artistes comme base active du combat. Je ne cautionne pas « la résistance » affichée dernièrement par Jazz Mag qui consiste à censurer des labels historiques toujours à la pointe de la créativité et de l’engagement politique. Sa couverture avec « la Liberté guidant le peuple » tient tout simplement de la tartuferie.
Si l’on ajoute que les revues Jazz Mag et Jazz News, appartenant toutes deux au même propriétaire, Édouard Rencker, PDG du groupe Makheia, et s’étant associées en ce début d'année sur ce thème de la résistance, se retrouvent ironiquement affublées de suppléments de 24 et 18 pages payées par la BNP-Paribas, tant les musiciens que les lecteurs ne peuvent manquer le ridicule qui entache le propos. Qu'ils aillent chercher des sponsors se comprend, mais qu'une banque finance la résistance est aussi cynique que les yaourts Yoplait affichant le mot Liberté sur les abris-bus alors que le couvre-feu, et les lois iniques que la crise escamote, nous en privent !
Ce n’est donc pas un hasard si depuis 15 ans je pratique ce blog militant en solidarité avec toutes celles et tous ceux que les médias officiels négligent, et pour dénoncer un vichysme plus vivace que jamais.

P.S.: et aujourd'hui 8 mars, passionnant numéro de CitizenJazz, une belle revue qui n'existe qu'en ligne... Et abonnez-vous gracieusement au Journal des Allumés du Jazz !

lundi 22 février 2021

Pique-nique au labo sur Citizen Jazz


En mars je reprends les enregistrements conviviaux où nous jouons pour nous rencontrer, et non le contraire comme il est d'usage entre improvisateurs et improvisatrices. Mes prochain/e/s invité/e/s sont la flûtiste Naïssam Jalal et le violoniste Mathias Lévy, la chanteuse Élise Caron et le tromboniste Fidel Fourneyron.

Article de Franpi Barriaux dans Citizen Jazz
paru dimanche 21 février 2021


Ce n’est pas à Citizen Jazz qu’on vous dira le contraire : il faut toujours avoir un œil sur ce que fait Jean-Jacques Birgé. Que ce soit dans sa vision du futur ou dans ses projections du passé, il est une voix toujours très pertinente et inventive de nos musiques. Depuis des années, le musicien francilien propose sur son site internet drame.org des enregistrements disponibles gracieusement, sur la base de rencontres, de jeux communs et d’idées qui doivent autant au hasard qu’au plaisir partagé de l’improvisation. Nous avions évoqué ceux-ci dans ce choix tout autant artistique ici et , et c’est une saine discipline que d’aller se faire un drame de temps en temps. Ce qui n’empêche pas d’avoir un guide touristique pour redécouvrir le moelleux « Tapis Volant » de l’hôte du Studio GRRR avec Alexandra Grimal, ou « Acceptez un conseil » avec Médéric Collignon et Julien Desprez sur l’un des multiples Un coup de dés jamais n’abolira le hasard où Birgé mélange son électronique avec des baudruches. L’invention toujours, et un certain rapport à l’imprévisible.

Pique-nique au labo n’est pas seulement une compilation de ces moments de liberté. C’est un panorama des artistes prêts à lâcher la bride, de Sophie Bernado et Linda Edsjö sur le joyeux « Marron Marrant » à Christelle Séry et Jonathan Pontier et leur « Remember Those Quiet Evenings » sur le plus récent WD-40 qui permet de goûter, pour ceux qui n’en auraient pas eu l’occasion, au grand talent de la guitariste qu’on retrouvera dans le prochain programme de l’ONJ de Fred Maurin. C’est un peu le plaisir que Birgé prend et nous procure, celui d’aller à la rencontre de cette génération - dans son sens le plus large - de musiciens affranchis et fureteurs, et de leur proposer de gratter un peu plus loin, au-delà du vernis.

Dans le labo de ce sorcier de Jean-Jacques Birgé, on refait le monde et on s’amuse bien. Le pique-nique est un moment de partage. Chacun apporte ses plats, on mange avec les doigts. En général il fait beau, il fait chaud, et les nappes sont à carreaux. C’est précisément ce dont on a besoin en ce moment de froid et de distanciation. Quoi de mieux alors que ce « Toussaint Louverture » avec Hasse Poulsen et Wassim Halal qui danse en liberté et sans but dans un champ à défricher où les interférences électroniques se brisent une à une pour invoquer la chaleur de l’été ?


L'article est suivi d'un lien vers Bandcamp qui permet d'écouter in extenso Pique-nique au labo , mon dernier disque avec ses 28 invités...
Double CD GRRR, dist. Orkhêstra

mercredi 17 février 2021

Retour sur mon duo avec Nicolas Clauss


Il ne nous reste que des souvenirs, aujourd'hui un autre d'il y a treize ans.
Leur morne absurdité condamne des générations d'artistes, les plus jeunes plus fragiles que tous les autres. Notre création Perspectives du XXIIe siècle est ajournée sine die. Alors nous nous replions sur nos pénates. Notre force de résistance est intacte. Ils ont tout à craindre. Elle explosera. En attendant, dans le mois qui vient j'enregistrerai deux trios, le premier avec Naïssam Jalal et Mathias Lévy, le second avec Élise Caron et Fidel Fourneyron. C'est dire si je ne me laisse pas abattre !

Article du 18 mars 2008

Donc, le lendemain, pour mon duo avec Nicolas Clauss à L'Échangeur, je n'emporterai pas de clavier. Mon instrument principal devient mon micro devant lequel je chante, joue de la flûte et de la trompette à anche. Je transforme tous les sons en temps réel, les miens comme ceux que Nicolas produit en jouant de ses modules interactifs, avec mon Eventide (une sorte de synthétiseur d'effets que j'ai programmés) et mon AirFX que je module sans le toucher en faisant au dessus de lui des passes "magnétiques" (en fait, optiques, puisqu'il s'agit d'un rayon avec un système de repères en 3D). Jamais nous ne sommes parvenus à faire aussi bien ressortir l'humour grinçant de Jumeau Bar, les effets amplifiant les intentions critiques que véhicule ce petit bar de campagne. Après un White Rituals des plus SM, voix et flûte aidant, j'accompagne L'ardoise avec mon Tenori-on dont je joue ce soir pour la première fois. J'oscille entre le côté kawaï (mignon) des dessins d'enfants et les sujets graves qu'ils évoquent. Lorsque je n'installe pas le cadre, décor qui permettra tous les possibles et parfois même l'impossible, je cherche surtout la complémentarité avec les images projetées par Nicolas. Nous terminons notre petite prestation par de délicats et lugubres Dormeurs qui s'écroulent au combat comme des quilles s'affalant sous leur propre poids et font sonner leur marche ralentie au son d'une martiale trompette à anche. Rebelote. Nicolas et moi sommes aux anges, impatients de recommencer l'expérience du duo, et heureux d'avoir participé à une si belle soirée. Françoise Romand a réagencé quelques extraits de notre prestation pour le petit film qu'elle a réalisé.


Mirtha Pozzi et Pablo Cueco avaient ouvert le bal par leur duo de percussion, avec Étienne Bultingaire aux manettes. Grosse surprise du remarquable jeu théâtral de Didier Petit qui partage la scène avec son violoncelle et le chorégraphe Mic Guillaumes. Final avec Jean-François Pauvros transformant son instrument en vielle et revenant progressivement vers ce qu'elle est, une guitare électrique vrombissante.
Le surlendemain, je vais écouter Pascal Contet maltraitant délicatement son accordéon devant l'installation végétale de Johnny Lebigot, Lucia Recio donnant la réplique aux sculptures en bois que José Lepiez caresse astucieusement, et les WormHoles dirigés de main de maître à l'archet par l'ami Didier Petit, grand organisateur de ce somptueux et malin mini-festival, hôte parfait, qui sait mieux que personne ce que signifie la générosité... Lucia passe d'un registre à l'autre, tantôt grave et bruitiste, tantôt rock et coupant ; Camel Zekri à la guitare en demi-teintes et Edward Perraud au jeu inventif et grinçant, Bultingaire aux effets métropolitains complètent ce quintet original dont la clarinettiste Carol Robinson est l'invitée et que je n'avais pas revue depuis l'enregistrement de Sarajevo (Suite). À l'entrée (et à la sortie !), Théo Jarrier et Hervé Péjaudier tiennent la boutique de disques installée sur des tréteaux de fortune et ça marche. Lors du concert au Triton, les vinyles du Drame étaient partis comme des petits pains, les plus jeunes étant friands de 33 tours. [...]

mardi 12 janvier 2021

Joce Mienniel rêve la pop


The Dreamer n'est pas un disque de flûtiste, mais celui d'un compositeur qui rêve de pop. Par pop, entendre que le rock est une musique plus populaire que le jazz ou la musique improvisée. Il n'empêche que la flûte de Joce Mienniel tinte le son de son nouveau groupe d'une couleur céleste qui s'intègre merveilleusement au métal de ses influences pinkfloydiennes seconde manière. La première était plus psychédélique, mais là il y a le muscle de ce qui fit le succès du groupe anglais dont Joce reprend d'ailleurs le tube Money. Et puis il chante, il chante feutré, mais il chante, en anglais, des mots de tristesse. Ils s'évaporeront lorsqu'une femme lui prendra la main dans une inattendue mise à nu ; les photographies de Cédric Roulliat laissent pantois, entre Orphée, fidèle insouciant, et la trivialité d'Œdipe. Planante et affirmée, la musique s'envole en volutes répétitives jusqu'à la reprise du thème de Michel Nyman pour le film Meurtres dans un jardin anglais. Pas de crime ici, mais un hommage assumé à la puissance électrique de la pop. En ajoutant son synthétiseur Korg MS20 (comme on peut aussi l'entendre sur notre collaboration Game Bling avec Eve Risser et mon récent album Pique-nique au labo), en s'associant au claviériste Vincent Lafont (qu'il a longtemps cotoyé au sein de l'ONJ période Yvinec), au guitariste Maxime Delpierre et au batteur Sébastien Brun (tous deux entendus, entre autres, avec Jeanne Added), Joce Mienniel produit ce son de groupe qui fait la particularité du rock face aux discours solistes des jazzmen. En 2012 ses Paris Short Stories lui permettaient de s'approprier les standards de notre époque avec une originalité de timbres inédite. En 2016 sur Tilt, déjà avec Lafont et Brun, il continuait à jongler avec le rock et les trouvailles à la Morricone. Il est logique que, quatre nouvelles années plus tard, son style s'affirme encore une fois, un truc addictif, suffisamment riche pour tourner en boucle sur la platine.
Comme Sylvaine Hélary, Joce Mienniel dresse un pont entre ce qui est assimilé au jazz et la pop. Sur d'autres projets, comme pour Naïssam Jalal, les musiques extra-européennes lui rappellent les origines ancestrales de son instrument. Comme leurs homologues qui ont choisi les bois (clarinettes, basson), les cordes (violons, violoncelles) ou la percussion, ces virtuoses de la flûte précisent une caractéristique hexagonale qui se démarque des Anglo-saxons plus branchés par les saxophones, les guitares électriques ou la batterie. Mais quel que soit l'instrument, les nouvelles générations de musiciens français affirment de plus en plus un courant novateur et inventif, indéfinissable parce qu'ils réfléchissent la variété et la richesse de nos paysages continentaux, un œcuménisme qu'il s'agit de défendre contre les coups de butoir d'une industrie multinationale phagocytée par les États Unis. Aucun nationalisme évidemment dans mon propos, mais le désir de marier ses propres racines aux grands mouvements planétaires. La musique classique et la pop anglaise sont facilement décelables chez ce rêveur, travailleur acharné qui nous fait partager ses trépidants fantasmes oniriques.

→ Joce Mienniel, The Dreamer, CD Drugstore Malone, dist. L'autre distribution, sortie le 5 février 2021

mercredi 6 janvier 2021

Le temps de la musique, le temps du politique


Le numéro 40 du Journal des Allumés du Jazz est à la hauteur des précédents, toujours aussi riche et passionnant. Il est d’autant plus indispensable que l'ancestral Jazz Mag est dévoyé par un rédacteur-en-chef paranoïaque qui n’a rien trouvé de mieux que de censurer les labels, en l’occurrence GRRR et nato, dont les producteurs auraient eu l’outrecuidance de critiquer ses couves et articles vintage au détriment de la scène vivante. C'est cocasse lorsqu'on sait que son prochain numéro est censé évoquer la résistance ! Drôle de conception de la presse et belle manière d'enterrer une revue que plus grand monde ne lit, et pour cause. Époque pitoyable comparée à l'ouverture d'esprit de son ancien rédac'chef, Philippe Carles. Cela rappelle aussi les "canons" de Télérama à l'époque où Jean Wagner y sévissait, ils équivalaient à la consécration suprême... Quant à Jazz News, il semble emboîter le pas à Jazz Mag depuis qu’il a été racheté par le même propriétaire, Édouard Rencker, PDG du groupe Makheia. La presse musicale est véritablement sinistrée, tous genres confondus, et la presse généraliste a perdu presque toutes ses colonnes qui étaient dédiées à la musique. Il reste quelques journalistes qui savent écrire, mais leur espace d'expression est une peau de chagrin.

Allumez donc la mèche, et cette fois, la rubrique Encyclopédie d’Albert Lory analyse les termes résilience, présentiel, distanciel et process, illustrés par Matthias Lehmann, Edith, Julien Mariolle et Gabriel Rebuffelo. Rappelons que ce journal « gratuit, à la périodicité diablement aléatoire » sollicite la participation de nombreux auteurs de bandes dessinées. Suivent cinq pages et demie intitulées Le temps de la musique, le temps du politique, témoignages passionnants et réveillés recueillis par Pierre Tenne et Jean Rochard avec Éric Beynel, Billie Brelok, Jean-Louis Comolli, François Corneloup, Gilles Coronado, D’ de Kabal, Élise Dabrowski, Denis Fournier, Antonin-Tri Hoang, Naïssam Jalal, Caroline Lemière, Frédéric Maurin, Fanny Ménégoz, Jacky Molard Quartet (Hélène Labarrière, Yannick Jory, Janick Martin, Jacky Molard), Basile Naudet, Jean-François Pauvros, Nicolas Souchal, Yoram Rosilio, Christian Tarting, Léa Trommenschlager, illustrées par Emre Orhun, Sylvie Fontaine, Andy Singer, Zou et les photographies de Jean-Pierre Levaray et Guy Le Querrec. Serge Adam remet les concerts sans public en perspective, illustration de Rocco. En demandant "Faut-il aller plus vite que la musique ?", le communiqué des Allumés pose les questions que le Centre national de la Musique fraîchement créé évacue : disques, petites structures, numérisation à outrance, droits d'auteur, empreinte carbone... Partout Le Tamis de l'essentiel fait froid dans le dos. Thierry Alba dessine le vertige. Jean-Brice Godet aborde La musique au temps du corona et s'entretient avec Raphaëlle Tchamitchian, Matthieu Malgrange, Félicie Bazelaire, Alexandre Pierrepont, Nawel Benziane, Timothée Quost, Mathieu Schoenahl, Anouchka Charbey, Julien Courquin, illustrés par Johan De Moor. En intro, il rappelle un texte prémonitoire de Marc Moulin, Big Brother de 2003 ! Le premier confinement a mis le Système D à l'honneur, mais le second a mis à mal le volontarisme. Changer ses habitudes est une bonne chose pour un artiste, à condition qu'il puisse exercer son art du partage. Pour The Healing Force, Jean Mestinard interroge les doutes de Paul Wacrenier photographié par Philippe Clin. Jazz Police, un intermède (L)BD de Pic et JR qui rappelle que la confrontation ne date pas d'aujourd'hui. Efix tire le portrait du Gredin, neuf et fringant syndicat des disquaires indépendants avec Julie David, Christophe Ouali et Yves Plouhinec interrogés par Allumette. On est à la moitié du canard et on a déjà passé plusieurs heures à le décortiquer. Il reste pourtant plus de chair sur la carcasse que la somme des numéros de Jazz Magazine de l'année !

Reprise de Jean-Brice Godet qui s'est intéressé au DOC, le Doigt dans l'Oreille du Chauve, un conglomérat d'activités résistantes en Normandie. La Bretagne n'est pas en reste, Gaby Kerdoncuff évoquant ses Échos-sillons, six maisons de disques et une ribambelle de musiciens et producteurs qui d'habitude "résisdansent" en se fichant du centralisme. Laurel fait sauter les disques comme des crêpes. Yec'hed mat ! Illustré par Anna Hymas, le texte de Jonathan Thomas, membre du CRAL (EHESS), évoque Des disques politiques historiques, avec la figure, inattendue pour certains, de Jean-Marie Le Pen ! Je précise que la SERP ne possédait pas que des enregistrements d'extrême-droite, mais aussi les droits des discours de Lénine, peut-être pour mieux faire passer la pilule ? Reprise de Pierre Tenne qui recense les encyclopédies du Net (Wikipedia, Discogs, Bandcamp...) pour un Saint Thomas Swing illustré par Nathalie Ferlut. L'inénarrable Pablo Cueco, soutenu par Johann de Moor, dévoile Les abîmes du complot ("Protégez-nous de ceux qui veulent nous sauver", Livre du Deuxième Confinement). Il est aussi l'auteur d'un rébus diabolique avec Denis Bourdaud. On retrouve le médecin-urgentiste Mohamed El Khebir, présent dans le numéro 39, évoquant le ras-le-bol du nouveau confinement, avec Zou se prenant pour Van Gogh. Terminons avec les nouveautés, parce que les Allumés ce sont aussi des centaines et des centaines de disques formidables vendus sur leur site. J'apprécie évidemment la chronique de mon Pique-nique au labo par un certain T.C. avant les dernières étincelles d'Allumette par Efix et Jiair et la photo de Le Querrec commentée cette fois par Antoine Péran.

Ce n'est pas tout ça, j'ai mon ménage à faire. J'espère ne pas vous avoir saoulés avec cette distribution digne d'un générique de film hollywoodien, mais il y a là plus qu'à boire et à manger. C'est du roboratif ! Alors d'ici le prochain numéro, abonnez-vous, c'est gratuit ! À moins que vous ne préfériez soutenir...

jeudi 10 décembre 2020

Naïssam Jalal, flûtiste et compositrice (2)


Le nouvel album de la flûtiste Naïssam Jalal est double. Double CD, double vue, double fond, double vitrage, double sens... Pour envisager Un autre monde aujourd'hui, il faut être doué/e de double vue. Si l'on désire faire traverser les frontières à nos désirs d'amour et de fraternité, les valises simples ne conviennent plus. Comme si ces sentiments étaient d'une époque révolue, la contrebande s'impose. Et je ne pense pas que le double vitrage suffise à contenir sa rage contre l'absurdité criminelle du Capital. La musique de Naïssam Jalal est à double sens. Côté face, le mélange de Moyen Orient et de jazz rappelle la transe mélodique de John Coltrane. De l'autre côté, les revendications s'empilent. Être une femme, d'origine syrienne, compositrice, engagée politiquement et refusant de céder à la banalité du décervelage programmé, exige une tenue de combat, une forme exceptionnelle si l'on veut garder le sourire. Parce que la vie est là, qui vous tend les bras, quand on a 36 ans.


La virtuose, à la traversière comme au nay, chante parfois en doublant un autre instrument, car elle est accompagnée par le groupe Rhythms of Resistance composé du saxophoniste Mehdi Chaïb, du violoncelliste Karsten Hochapfel qui tient souvent ici le rôle de guitariste, du contrebassiste Damien Varaillon, du batteur Arnaud Dolmen qui privilégie les peaux et, pour le second disque, de l'Orchestre National de Bretagne dirigé par Zahia Ziouani, une autre manière d'assumer la migration, même si les interprètes classiques sont lents à se mettre au diapason des métriques complexes. Les arabesques de la flûte, et du nay auquel je suis encore plus sensible, nous emmènent vers Un autre monde, celui où l'on se saoule de musique pour vivre au lieu de survivre.



→ Naïssam Jalal, Un autre monde, 2CD Les couleurs du son, dist. L'autre distribution, sortie le 5 février 2021

Cet article fait suite à l'article d'hier sur quatre autres disques de flûtistes et précède la chronique du Glowing Life de Sylvaine Hélary.

mercredi 9 décembre 2020

Flûte ! (1)


Mon premier instrument fut une flûte rapportée de Sicile en 1967. Je l'ai toujours, mais je crains souvent que les conditions hydrométriques fassent éclater le bambou. Depuis, j'en ai acquis des dizaines, en bois, en métal, en terre, en plastique, mais je joue toujours des mêmes : une roumaine très aiguë, deux fabriquées par Bernard Vitet (une en plexiglas qui sonne comme un shakuhachi, l'autre très basse en PVC), deux encore en PVC achetées à Nicolas Bras, une varinette (flûte de nez) et des harmoniques comme celles aperçues sur la photo. La semaine dernière, pour le disque de rock que nous enregistrons en ce moment, Nicolas Chedmail m'a emprunté ma flûte à bec ténor ! Longtemps la flûte traversière était vouée aux filles, préjugé absurde que ridiculisent les souffles actuels de Naïssam Jalal, Sylvaine Hélary, Eve Risser, Elise Caron et bien d'autres...
M'arrivent quatre disques dont vous aurez deviné l'instrumentation ! Les deux premiers viennent d'Inde du Nord, musique hindoustanie interprétée sur des flûtes en bambou bansurî (merci à Cyriaque Kempf). Si Hamsadhwani propose des pièces variées, raga pentatonique joué par Ravi Shankar Mishra sur des instruments qu'il fabrique lui-même dans son atelier-garage de Mysore en Inde du Sud, je suis particulièrement bouleversé par la lente progression du Raag Yaman de son maître Pandit Nityanand Haldipur, qui lui-même fut le disciple de l'extraordinaire Annapurna Devi. Celle-ci, fille du légendaire Ustad Baba Allauddin Khan, fut la première épouse du célèbre Ravi Shankar. En Inde, comme pour les autres musiques, la tradition du Maihar Gharana se transmet ainsi, formant des lignées. Les tablistes sont nommés sur les pochettes, le plus jeune, Pandit Ravindra Yavagal, et le plus âgé, Pandit Omkar Gulvady, mais il n'est pas fait mention des joueurs de tampura qui entretiennent la basse continue... Je ne m'attendais pas à être envouté à ce point. Comme avec les drones de La Monte Young, la musique envahit l'espace, puis le corps qui finit par se dématérialiser jusqu'à l'abstraction de soi-même !
C'est une autre tradition que perpétue le duo de flûtistes Isophone composé de Rosa Parlato et Claire Marchal, celle de la musique contemporaine improvisée faisant appel aux traversières, de la piccolo à la basse. L'album Bise est tout en retenues délicates, réminiscences effleurées, harmoniques retrouvées, recherchant l'écoute de l'autre du bout des lèvres.
Le dernier est encore un duo, mais si Miquèu Montanaro joue des flûtes dont la fujara et la dvojnica, du galoubet tambourin (sa spécialité) et de la guimbarde, il dialogue avec son fils, le violoniste baryton Baltazar Montanaro-Nagy. Les improvisations ont évidemment un goût provençal prononcé. Les rythmes sont enlevés, les timbres variés et la danse n'est jamais loin.

P.S.: J'ignore où en est Joce Mienniel, mais je reçois à l'instant les disques de Sylvaine Hélary (avec Antonin Rayon, Benjamin Gilbert, Christophe Lavergne et Mark Tompkins) et de Naïssam Jalal (avec le groupe Rhythms of Resistance et le Nouvel Orchestre de Bretagne) que je suis impatient de découvrir et que je n'ai évidemment pas eu le temps d'écouter... À suivre !

→ Ravi Shankar Mishra, Hamsadhwani, CD Bansuriworld
→ Pandit Nityanand Haldipur, Raag Yaman, CD Bansuriworld
→ Isophone (Rosa Parlato & Claire Marchal), Bise - Improvisations aux flûtes traversières, CD Setola Di Maiale
→ Duo Montanaro, Be, CD Compagnie Montanaro

lundi 16 novembre 2020

Musiques du monde arabe


Je ne me suis rarement senti aussi ignare en abordant un continent musical comme celui que Coline Houssais nous fait découvrir dans l'anthologie des Musiques du monde arabe qui vient de paraître. L'éditeur Le Mot et Le Reste s'est fait une spécialité d'ouvrages musicaux de référence(s) comme celui-ci. Si j'attends d'avoir tout lu pour en parler, cela risque de nous emmener loin. Chacun des 100 articles relatifs à un artiste mériterait qu'il soit connecté à une base de données sonores nous offrant d'en écouter quelques extraits. Cela reste assez abstrait au vu de l'éventail qui ne se contente pas de la musique strictement arabe, mais aborde les domaines berbère, kurde, nubien, libanais, etc., donc le Moyen Orient et l'Afrique du Nord. Les textes introductifs sont déjà passionnants, en termes d'histoire et de géographie, cherchant ce qu'il y a de commun à ces musiques si diverses. D'origine traditionnelle, elles évoluent aussi avec le temps, passant des campagnes à la ville, traditions orales et musique savante se retrouvant dans un panarabisme aux parfums très variés. Elles nous sont parvenues grâce à des passeurs qui ont voué une partie de leur vie à les faire connaître, particulièrement en France, conséquence critique du colonialisme. Depuis les années 50, les disques (et les cassettes, très en vogue dans leurs pays) leur ont permis de voyager. Coline Houssais préfère le concept de florilège à celui d'anthologie, et son approche sociohistorique n'est pas pour me déplaire, bien au contraire. Tant d'articles évitent de replacer les œuvres dans leur contexte qu'on n'y comprend rien du tout.
Je suis allé jeter un œil à ma vidéothèque (le cinéma égyptien, par exemple, fourmille de comédies et drames musicaux, sans compter Oum Kalsoum, Natacha Atlas et Transes de Nass El Ghiwane) ainsi qu'à ma discothèque, mieux fournie que je ne pensais : Fayrouz, Marcel Khalifé, Nassir Shamma, Mohammed Abdu, Kazem El Saher, Mohammed Abdel, Wahab, Asalah, Nagat, Abboud Abdel 'Ral, Abdel Kalim Hafez, Idir (sur lequel j'ai réalisé un film), Lili Boniche, Line Monty, Reinette L'Oranaise, Amina Alaoui, Laayoun El Kouchi, Dahmane El Harachi, Ahallil de Gouraba, Hasna El Becharia, Cheikha Rimitti, Khaled, Cheb Mami, Sofiane Saidi, Omar El Maghribi, Cirrus, Amazigh, Tartit, des compilations algériennes, mauritaniennes, soudanaises, éthiopiennes, de très vieilles archives et de jeunes musicien/ne/s comme Wassim Halal, Naïssam Jalal ou le Fanfaraï Big Band... D'autant que c'est la musique qu'écoutent mes chats lorsque je suis absent !
Je n'en reconnais qu'une dizaine dans le choix de Coline Houssais. C'est dire que je n'ai plus qu'à lire une fiche de temps en temps, puis googliser chaque artiste pour l'entendre si je veux faire mon chemin parmi l'immense nébuleuse qui se déploie devant mes yeux, et bientôt mes oreilles. Je vais évidemment commencer par sélectionner celles et ceux dont la description semble s'approcher de mes goûts. Mais cet ouvrage risque fort de m'en faire changer au fur et à mesure de la découverte...

→ Coline Houssais, Musiques du monde arabe, ed. Le Mot et le Reste, 22€

lundi 25 février 2019

Naïssam Jalal et Nicole Mitchell à Sons d'Hiver


J'ai avoué à Naïssam Jalal que j'étais allée à son concert à reculons. Pensez, une flûtiste seule en scène, certes avec une comédienne qui récitait en arabe ancien, celui de l'Égypte, des poèmes d'Amal Donkol disparu en 1983 à l'âge de 43 ans, mais c'était à Choisy-le-Roi dans le cadre de Sons d'Hiver. La dernière fois que j'ai joué à ce festival c'était il y a 25 ans, du temps où Michel Thion le dirigeait, lui qui l'avait fondé sous le nom de Futurs/Musiques, lui-même devenu aujourd'hui poète après avoir été barman, déménageur, fabricant de bougies, agent de planning en compagnie aérienne, dessinateur en béton armé, puis analyste informaticien durant huit ans, et même professeur de judo diplômé ! Je parle de Thion parce qu'il avait cherché à faire venir le public local et que ses successeurs ont continué à s'y employer. Je me souviens qu'il y avait alors toujours un groupe amateur en première partie des luxueuses soirées. Figurait cette fois le nonette de Nicole Mitchell en seconde partie, mais j'étais encore un peu cassé par le décès maternel survenu lundi matin. J'ai pensé que cela me ferait du bien de sortir et j'ai emmené Éric et Michèle qui avait de son côté gardé Eliott toute la journée. C'est dire si nous étions frais ! La musique a le pouvoir de nous faire oublier la tristesse et la fatigue, qu'on l'écoute ou, mieux, qu'on la joue. Comme j'avais trouvé formidable la quête d'invisible de Naïssam Jalal au travers de son récent double album et que la présence en France de l'ancienne présidente de l'AACM est une chose rare, j'ai pris mon volant à deux mains et j'ai filé par des chemins détournés que Waze m'indiqua subtilement.
Le sens des mots étant capital, un joli petit livret avec les textes d'Amal Donkol nous fut remis avant le début du spectacle. Ensuite j'ai préféré me laisser bercer par la voix de Nanda Mohammad et les flûtes incroyables de Naïsam Jalal. Lire les traductions projetées en surtitres cassait l'évocation. Que ce soit à la flûte traversière ou au nay, Naïssam rivalise de virtuosité lyrique avec une variété de timbres et d'attaques époustouflantes. Elle chante aussi, sans la flûte, dans la flûte, à côté de la flûte. Nous étions transportés par la magie de son jeu tandis que les poèmes choisis par le metteur-en scène/écrivain Ahmed El Attar chantaient calmement, mais de manière déterminée, une colère qui semblait cibler le régime syrien alors qu'elle remontait aux catastrophiques Accords de Camp David qui isoleraient dramatiquement le peuple palestinien. La poésie est éternelle. Même pas millésimée. Éternelle. Comme la musique. Parce qu'elles tournent autour des choses sans les nommer précisément. Elles y révèlent pourtant l'essence de la vie, justement. Des Fragments du Livre de la Mort aux Dernières paroles de Spartacus, impossible de se réconcilier lorsqu'on a subi l'outrage, la lâcheté et la violence.


Puis se fut l'entr'acte où nous nous rassasiâmes au bar d'une soupe de châtaignes. La prestation de Nicole Mitchell était intéressante, mais écrasée par le son des retours qui brouillait la spatialisation des musiciennes et musiciens organisés en arc de cercle. Les improvisations de la violoncelliste Tomeka Reid semblaient super, mais son instrument en plastique ou résine avait une sonorité sourde et étouffée qui n'arrangeait pas les choses. On entendait difficilement la harpe d'Hélène Breschand, pourtant heureuse de participer à cette "belle aventure humaine" dirigée par la flûtiste américaine. L'ambiance du Black Earth Ensemble composé également d'un excellent joueur de shakuhachi et d'un autre Japonais qui jouait du shamisen, de la contrebasse et du taiko, d'une violoniste et d'un guitariste, était chaleureuse, mais les mises en place approximatives, probablement dues à une percussionniste bien lourde qui suivait plutôt qu'elle ne guidait, ramollissaient l'ensemble jusqu'à ce qu'un type dont on se demandait ce qu'il faisait là intervienne...


Quand un chanteur se sert du sens pour choisir ses intonations, tout devient lumineux. Avery R. Young nous gratifia d'une prestation exceptionnelle, retenant ses effets, éclatant, se tordant, se redressant comme les meilleurs interprètes de soul. L'orchestre trouva là sa forme, emporté par le feeling d'un artiste vivant son rôle de tous ses muscles, électrisé de la tête aux pieds. J'ai cru comprendre qu'il était question de transmission. Dans ses performances Young révèle le racisme et la misogynie qui étaient toujours à l'œuvre derrière les paravents obamesques. On voit bien ici aussi où nous mène notre pseudo démocratie.

mercredi 30 janvier 2019

En peu de mots


Les disques ont beau être excellents, je ne trouve pas toujours les mots. Avant de les ranger, je les écoute plusieurs fois, mais sans un point de vue personnel je passe mon tour. Écrire quotidiennement exige que mes doigts soient guidés par une force irrépressible qui les fait danser sur le clavier sans qu'aucune résistance vienne freiner mon élan. Dans mon travail non plus, le syndrome de la page blanche n'existe pas. J'ai suffisamment de projets sur le feu pour qu'il y en ait toujours un qui me sourit...
Quest of The Invisible de Naïssam Jalal accompagnée par le pianiste Leonardo Montana, le contrebassiste Claude Tchamitchian et Hamid Drake au daf est un petit bijou d'une évidence désarmante ; s'il pouvait désarmer les brutes qui s'entretuent la flûtiste dont le chant est aussi envoûtant pourrait se consacrer plus souvent à cette superbe méditation introspective.
Un autre flûtiste, Gurvant Le Gac, guide les Bretons de Charkha dans les zones humides où Faustine Audebert chante La colère de la boue sur des textes poétiques d'Édouard Glissant, Monchoachi, Léon Gontran Damas, Cécile Even, Bertrand Dupont, Erik Premel et Antonin Artaud. Entre le jazz, le rock et les improvisations qu'ils suscitent, les terroirs rappellent qu'une autre humanité est possible. Le sextet est aussi composé de Florian Baron au oud, du sax ténor Timothée Le Bour, du contrebassiste Jonathan Caserta et du percussionniste Gaëtan Samson.
Autour de l'accordéon de Christophe Girard, les Chroniques de Mélusine dessinent des paysages évocateurs qu'interprètent Anthony Caillet à l'euphonium, William Rollin à la guitare électrique, Simon Tailleu à la contrebasse et Stan Delannoy à la batterie.
Gumbo Kings du chanteur Matthieu Boré m'a fait penser à un Van Dyke Parks jazzy de la Louisianne tandis que Pearl Diver de la chanteuse Himiko (Paganotti) appartient à ce qu'il est coutume d'appeler rock progressif, une tendresse mélodique aérienne dans un univers enveloppant où excellent Emmanuel Borghi aux claviers, Bernard Paganotti à la basse et son frère Antoine à la batterie et électronique, une branche de la famille Magma en somme. Avec Jeanne Added ou Claudia Solal, la batteuse Anne Paceo confirme la tendance des musiciennes de jazz à lorgner du côté de la pop anglo-saxonne ; elle est secondée par les chanteurs Ann Sharley et Florent Mateo, le guitariste Pierre Perchaud, le saxophoniste-clarinettiste Christophe Panzani et le claviériste Tony Paeleman. Bright Shadows est très agréable, mais elles ont pourtant toutes autant à perdre qu'à gagner si elles ne trouvent pas une manière de se démarquer des Anglaises et des Américaines. L'audience s'élargit considérablement, mais le danger du formatage les guette au coin du studio et de la scène. Tout Bleu, le projet solo de Simone Aubert, chanteuse et batteuse du duo Hyperculte et guitariste du groupe Massicot, est plus expérimental ; des boucles sombres et lancinantes soutiennent des psalmodies répétitives où le rock affirme une manière de vivre, assumant explicitement la difficulté d'être.
Dans le genre expérimental, la palme revient au clarinettiste Joris Rühl qui produit lui-même un superbe disque solo extrêmement délicat où les sons multiphoniques proviennent de doigtés inusités laissant filtrer l'air des tampons à peine fermés ou de façons perverses de faire vibrer l'anche. Si la grande Toile est écrite, les petites Étoiles sont improvisées. Cette "poésie de la technique" s'est étendue à la fabrication de 40 exemplaires numérotés de la pochette réalisés à la main par son père, Wolfgang Rühl, toile rugueuse, caractères en plomb, reliure et dorure...
Avec le minimalisme de Kepler on retrouve la lenteur et la "beauté froide" offrant de la musique une écoute totalement différente de tout le reste. Le saxophoniste-clarinettiste Julien Pontvianne, habitué à ce retour aux sources vitales proche des transcendantalistes de Concord, Alcott, Emerson, Hawthorne et Thoreau, qui inspirèrent tant Charles Ives, a rejoint les deux frères Maxime Sanchez au piano et l'autre ténor, Adrien Sanchez, pour une plongée introspective vertigineuse.
Je réécoute deux disques très agréables, 4è jour Kan Ya Ma kan du duo Interzone composé par le guitariste Serge Teyssot-Gay et du oudiste syrien Khaled Aljaramani, qui chantent tous deux, et Uña y carne du guitariste Chicuelo. L'un et l'autre font voyager, le premier sur la route des caravanes, le second sur celle d'un flamenco aux accents jazz et aux orchestrations délicates, ajoutant ici ou là une trompette ou un violon.
Je termine ce petit tour qui m'aura pris un temps fou avec les très belles Pictures for orchestra de Jean-Marie Machado qui a composé pour l'orchestre Danzas (ici saxophone, clarinette, deux violons altos, violoncelle, accordéon, flûte et tuba) offrant de belles plages à chaque soliste dont il s'est inspiré. J'aime énormément que l'on imagine sa musique pour des hommes et des femmes, et non pour des instruments. Le pianiste s'éloigne du jazz en assumant sa passion pour le tango, la musique romantique ou celle des Balkans, générant ainsi de magnifiques couleurs...

→ Naïssam Jalal, Quest of The Invisible, 2CD Les Couleurs du Son, dist. L'autre distribution, sortie le 1er mars 2019
→ Charkha, La colère de la boue, CD Innacor, dist. L'autre distribution
→ Mélusine, Chroniques, CD Babil, dist. Inouïes
→ Matthieu Boré, Gumbo Kings, CD Bonsaï, sortie le 1er mars 2019
→ Himiko, Pearl Diver, CD Le Triton, dist. L'autre distribution
→ Anne Paceo, Bright Shadows, CD Laborie Jazz Records, dist. Socadisc
Tout Bleu, CD Bongo Joe, dist. L'autre distribution
→ Joris Rühl, Toile Étoiles, CD Umlaut
→ Kepler, CD Onze Heures Onze, dist. Absilone, sortie le 22 mars 2019
→ Interzone (Serge Teyssot-Gay et Khaled Aljaramani), 4è jour Kan Ya Ma Kan, CD Intervalle Triton, dist. L'autre distribution, sortie le 1er février 2019
→ Chicuelo, Uña y carne, CD Accords croisés, dist. Pias, sortie le 8 février 2019
→ Jean-Marie Machado, Pictures for orchestra, CD La Buissonne, sortie le 8 mars 2019

jeudi 15 février 2018

Les autres, par un rappeur palestinien et une flûtiste d'origine syrienne


Trop de disques de rap américain sont frustrants lorsque leurs livrets ne divulguent pas les paroles de leur flow. Les commerçants inondent le globe de leurs produits comme si le monde entier comprenait leur langue. L'impérialisme s'infiltre insidieusement dans toutes les couches de la société. Pour Al Akhareen (Les autres), Osloob, rappeur, chanteur, beatboxer et producteur palestinien, et la flûtiste franco-syrienne Naïssam Jalal ont traduit ou fait traduire les textes arabes en français et en anglais. On perd sur le papier le rythme de la poésie qui s'écoute, mais l'on peut au moins savoir contre quoi ils protestent. Osloob, qui est né dans un camp de réfugiés au Liban, a retrouvé en France Naïssam Jalal, fille d'immigrés syriens. Ensemble ils hurlent leur colère contre le régime de Bachar el-Assad, contre l'occupation israélienne de la Palestine, contre la guerre qu'ils n'ont pas connue, mais dont ils subissent les effets, contre les religieux de tous bords, contre les marchands qui se gavent sur la misère des peuples, contre les médias corrompus qui trafiquent la réalité du terrain...


En passant du trio avec Dj Junkaz Lou au sextet en s'adjoignant le saxophoniste castelroussin Mehdi Chaïb, le bassiste sénégalais Alune Wade et le batteur guadeloupéen Arnaud Dolmen, Osloob et Naïssam Jalal allient le hip hop au jazz instrumental, les racines populaires du rap aux recherches lyriques cantonnées à un petit milieu élitaire. Comme les flûtistes Joce Mienniel et Sylvaine Hélary elle offre une nouvelle voie à son instrument. À Tunis lors du festival La Voix Est Libre j'avais été impressionné par les improvisations de Naïssam au ney et à la flûte traversière, entre la rage du ghetto et une poésie kirkienne. On la connaissait avec son groupe Rhythms of Resistance. Elle s'envole et entraîne ses camarades dans un groove qui sort le rap de sa monotonie instrumentale tandis qu'Osloob trouve dans cet orchestre une machine puissante qui porte ses mots de colère et ses vers d'espoir.

→ Osloob & Naïssam Jalal, Al Akhareen, cd Les couleurs du son, dist. L'autre distribution, sortie le 2 mars 2018

jeudi 21 mai 2015

Le Kef, une ouverture


Ayant quitté Tunis le matin, notre bus est escorté par la police à l'entrée dans la province du Kef. Pour une fois sa présence rassure plutôt qu'elle n'inquiète. Gros dispositif autour du théâtre où s'est replié le Festival El Chanti / la Voix Est Libre à cause de la pluie. Il y a deux ans les Salafistes qui avaient tenté de l'incendier ont cassé les dents de son principal responsable et l'ont roué de coups. Ils se cachent dans la montagne près de la frontière algérienne, mais personne ne sait ici quelle idée idiote peut les traverser. Que les concerts se passent dans la joie et l'allégresse est une grande victoire pour les organisateurs locaux qui montrent à la population que la culture est toujours la bienvenue dans leur ville et que la liberté d'expression est un combat de tous les jours !


Nous visitons la Kasbah où devait se dérouler l'ensemble des festivités, mais où seul se tient le concert acoustique en plein air à la basilique. Éclaircie. Les oiseaux qui ouvrent la cérémonie ne lâcheront plus les artistes jusqu'à ce que la nuit tombe. Aux tubes volants que le jongleur Jörg Muller a installés dans le trou à ciel ouvert qui tient lieu de toit répondent les chanteuses Violaine Lochu et Alia Sellami. Elles commencent par imiter les harmoniques de l'aluminium avant d'aller projeter leurs voix contre les colonnes du temple. Le saxophoniste Peter Corser prend le relais de ce rituel païen en soufflant continu dans son ténor tandis que l'émotion nous submerge.


Au théâtre le chanteur Mounir Troudi et le percussionniste Wassim Halal ont cette fois invité Zied Zouari, violoniste classique très influencé par la musique d'Inde du Sud. Le temps d'un morceau, la Mayennaise Violaine Lochu les rejoint pour l'un de leurs ragas maghrébins, et ça prend ! Duo vocal, plaintes du soufflet, envolées de l'archet, rebonds des peaux totalement différents du concert de Tunis avec Erwan Keravec...


Quand le Stambali de Chedli Bidali se déploie avec en plus Amazigh Kateb au gumbri, Dgiz à la contrebasse, Naïssam Jalal à la flûte, Philippe Gleizes à la batterie, le public se lève et danse, danse, danse au milieu des fauteuils, saisis par les rythmes des karkabas. J'ai sorti mon Tenori-on et quelques guimbardes. Avec Médéric Collignon au clavier, Djiz, Gleizes et Corser, nous fermons le bal, clôture d'un festival exceptionnel qui montre que les mélanges produisent les plus beaux enfants. Ceux de Tunisie le savent bien. Tous les participants, artistes et public, organisateurs et journalistes, techniciens et bénévoles ont partagé des moments inouïs dont il s'agit maintenant de prolonger les effets...

mercredi 20 mai 2015

Le Stambali au Café Ellouh / Whatever Saloon


La jeunesse tunisienne s'est déplacée pour le Stambali dont Amazigh Kateb de Gnawa Diffusion et le slameur Dgiz tiennent le rôle de Masters of Ceremony. Arrivé du Niger, du Tchad et du Mali par la route des esclaves, le Stambali est le cousin tunisien des Gnaoui. Musique de transe, il fut l'occasion d'improvisations débridées, donnant au Festival El Chanti / La Voix Est Libre sa véritable dimension. Au Café Ellouh / Whatever Saloon les jeunes sautent sur place, excités par les chansons de Kateb et les paroles de Dgiz. Certains convives commencent d'ailleurs à entrer dangereusement en symbiose avec la musique. La flûtiste Naïssam Jalal et le batteur Philippe Gleizes s'intègrent parfaitement aux gumbris de Kateb et Chedli Bidali et aux karkabas du reste de l'orchestre.


Un vent de fête souffle sur Tunis. Les visages rayonnent. Les musiciens venus de France retrouvent leurs racines par la magie du soufisme subsaharien. Les rives de la Méditerranée se touchent. La tête nous tourne.


Après l'entr'acte, le jongleur Jörg Muller fait à son tour tourner ses tubes de métal dans le ciel couvert du Café Ellouh. Dans le silence retrouvé, les tiges accrochées au plafond filent telles les lames d'un lanceur de couteaux. Au doigt et à l'œil sonnent les cloches tubulaires. Et Muller de danser au milieu de ses tubes apprivoisés qui virevoltent au dessus du public comme des libellules en laisse laissant la foule en liesse.


Le saxophoniste anglais Peter Corser fait descendre son souffle continu du haut d'un escalier en hélice aux fragiles marches de bois. Musique répétitive qui prolonge le stambali et ses castagnettes en métal comme le ballet des tubes.


Une scène impro très funky clôture les quatre jours du festival à Tunis avant de se transporter au Kef où la plupart des artistes réinterpréteront le lendemain certaines scènes de cette étonnante caravane. Médéric Collignon au clavier, Dgiz à la contrebasse, Gleizes derrière ses fûts, Peter Corser au ténor, Naïssam Jalal à la flûte, le percussionniste Jihed Khmiri sont rejoints le temps d'un échange par le violoniste Zied Zouari, les chanteuses Alia Sellami et Violaine Lochu, les rappeurs Katybon et Vippa, le slameur Anis Chouchene... À suivre.

lundi 18 mai 2015

La Voix Est Libre à Tunis, un vent de liberté


En prologue à la seconde soirée du Festival El Chanti / La Voix est Libre Dgiz fait monter sur la scène de l'Institut Français, fraîchement inauguré de la veille, cinq slameurs dont c'est pour certains le baptême du feu. Les jeunes Tunisiens et Tunisiennes montrent que leur engagement met leur cœur et leur corps, leur sens critique et leur émotion au service d'une révolution qui ne se fera pas en un jour. Que leurs récits soient légendes merveilleuses ou dur retour à une réalité l'urgence et la sincérité suent de leurs lèvres même si un vent frais s'est levé sur Tunis.
Dgiz embraye avec une contrebasse de fortune, épaulé par le batteur Philippe Gleizes dont les tambours chantent l'Afrique, le saxophoniste Peter Corser trafiquant sa voix électroniquement, Blaise Merlin ayant troqué son costume de directeur du festival contre un violon, et l'extraordinaire Naïssam JaJal dont la flûte traversière et le ney swinguent avec des accents kirkiens et les cris du désert.


Dgiz slamant sur les mots du public, réagissant au quart de tour à tout ce qu'offre l'instant, entraîne tout ce petit monde dans une course folle qui donne envie de danser. L'humour du provocateur patenté transforme ses flèches en crève-cœur, les rythmes survoltés ne pouvant cacher sa tendresse pour le peuple tunisien.


Après l'entr'acte, le chanteur Mounir Troudi rejoint l'Electro Mezoued pour clore la soirée en beauté. Le quintet rassemblant Mehdi Haddab au oud électrique, le DJ electro Skander Besbes, le bassiste Pasco Teillet, le percussionniste Jihed Khmiri et le joueur de cornemuse Lotfi Gerbi rappelle étonnamment les grandes heures du rock celtique. L'histoire des musiques traditionnelles recèle plus d'un secret que les voyageurs ont adopté comme à mon tour je m'imprègne probablement de tout ce que j'entends au cours de mon voyage. Le mezoued, musique populaire des bas-fonds dont les paroles argotiques choquaient au point d'être interdites pendant la dictature de Ben Ali, revient sur le devant de la scène.


Son nom lui vient de la cornemuse bédouine issue des campements nomades, puis des campagnes investissant la ville. Sa sonorité aigre et puissante sort de deux cornes de veau, propulsée par le réservoir en peau de chèvre.


Mehdi Haddab, surnommé le Jimi Hendrix du oud, électrise le groupe. Son complice, le bassiste avec qui il travaille depuis quinze ans, livre un groove puissant sur lequel la voix peut improviser en toute liberté. Car l'improvisation marque tout le festival. L'Electro Mezoued et le Stamboli (prochain article !) seront hélas absents de l'édition parisienne du Festival qui se tiendra à la Maison de la Poésie, au Cirque Électrique et aux Bouffes du Nord du 26 au 30 mai, mais quantité de surprises nous attendent la semaine prochaine.

vendredi 23 août 2013

Les affranchis


Un mouvement exceptionnel se dégage enfin parmi les jeunes musiciens vivant en France. On attendait depuis longtemps qu'une musique inventive naisse de ce territoire historique, carrefour géographique où se croisent toutes les influences. Si le jazz, le rock, les musiques traditionnelles, la chanson, l'électronique, le minimalisme, le classique pouvaient se sentir chez les uns et les autres il manquait encore à la plupart de s'affranchir du modèle anglo-saxon ou américain. Depuis quelque temps la surprise va grandissant. Ces jeunes musiciens et musiciennes, car il y a de nombreuses filles dans ce mouvement et ce n'est pas la moindre de ses caractéristiques, ont pour beaucoup suivi des études classiques. Ils sortent souvent du CNSM, le Conservatoire, même si ce sont forcément les plus rebelles qui nous intéressent ici. Non contents d'être des virtuoses sur leur instrument ils composent et improvisent, entendre là que la composition soit préalable ou instantanée n'a pas d'importance. Leur univers assume l'héritage de la musique savante du XXe siècle et de la musique populaire, chanson française et rythmes afro-américains, structures complexes et simplicité de l'émission. Le blues et ses ramifications jazz et rock les ont amenés à se démarquer du ghetto dans lequel s'est enfermée la musique contemporaine. La tradition de la chanson française leur offre un nouveau répertoire de standards. La connaissance des maîtres les a armés. L'improvisation libre leur ouvre les portes du direct.

Leurs sources sont trop vastes pour être citées, mais les différentes formes que le jazz a empruntées au cours du siècle précédent les ont fortement marqués. Pour s'en affranchir ils l'ont croisé avec la musique savante, privilégiant les marginaux aux nouveaux académiques, revalorisant le rock et toutes les musiques du monde. On retrouve souvent Debussy, Satie, Stravinski, Cage, Ligeti, Monk, Hendrix, Miles, Reich, Zappa, Wyatt dans leur discours. Beaucoup d'hommes encore, mais leur féminité est de plus en plus assumée, et tant de filles peuvent enfin s'épanouir aujourd'hui sans devoir imiter le jeu des machos. Même si certains de leurs aînés ont préparé le terrain, ces "jeunes" musiciennes et musiciens ne sont pas dans la concurrence, mais dans une solidarité qui fait chaud au cœur. Encore faut-il maintenant qu'ils et elles s'organisent ! Leur culture musicale, et plus encore extra-musicale, soit ce que l'on appelle la culture générale faite de littérature, de cinéma, de spectacles en tous genres, de voyages, gastronomiques et fraternels, de conscience politique ou écologique, etc., leur confère à chacun et chacune une indépendance de création. Leur imagination accouche de mondes très variés, inventifs, surprenants, porteurs d'espoir dans l'univers formaté que les financiers et censeurs veulent nous imposer. J'ai longtemps cherché un terme à proposer pour caractériser ce mouvement exceptionnel. LES AFFRANCHIS correspond bien à ce qu'ils et elles représentent.

Pour terminer ce petit manifeste je livre une première liste. Ajoutez-y tous les autres que j'ignore et que je sais nombreux, en envoyant un mail à info(at)drame.org. Je les signalerai avec joie. Plus on est de fous plus on rit !

Les premiers auxquels j'ai pensé pour les avoir entendus et puisqu'ils ont suscité ma réflexion (par ordre alphabétique) : Jeanne Added, Lucien Alfonso, Aymeric Avice, Sylvain Bardiau, Antoine Berjeaut, Antoine Berland, Sophie Bernado, Lisa Cat-Berro, Thibaut Cellier, Cédric Chatelain, Romain Clerc-Renaud, Sylvain Darrifourcq, Maxime Delpierre, Julien Desprez, Héloise Divilly, Benjamin Dousteyssier, Benjamin Duboc, Jozef Dumoulin, Élie Duris, Benjamin Flament, Fred Gastard, Sacha Gattino, Baptiste Germser, Jean-Brice Godet, Phil Gordiani, Alexandra Grimal, Sylvaine Hélary, Clément Himbert, Antonin-Tri Hoang, Karsten Hochapfel, Naïssam Jalal, Fanny Lasfargues, Louis Laurain, Sylvain Lemêtre, Émilie Lesbros, Antonin Leymarie, Rodolphe Loubatière, Matthias Mahler, Matthieu Metzger, Jocelyn Mienniel, Yuko Oshima, Émile Parisien, Edward Perraud, Julien Pontvianne, Thomas de Pourquery, Antonin Rayon, Sylvain Rifflet, Rafaelle Rinaudo, Ève Risser, Ravi Shardja... Des camarades m'en susurrent d'autres : Pierre-Antoine Badaroux, Marc Baron, Félicie Bazelaire, Sébastien Beliah, Florian Bergmann, Pierre Borel, Seb Brun, Cyprien Busolini, Sylvain Choinier, Ronan Courty, Élise Dabrowski, Jean Dousteyssier, Yoan Durant, Clément Édouard, Joachim Florent, Fidel Forneyron, Élodie Gaudet, Antonin Gerbal, Quentin Ghomari, Yan Joussain, Xavier López, Julien Loutelier, Guillaume Magne, Hugues Maillot, Frédéric Marty, François Michel, Roméo Monteiro, Roberto Negro, Sébastien Palis, Laurent Pascal, Francesco Pastacaldi, Jérémie Piazza, Brice Pichard, Raphaël Quenehen, Arnaud Roullin, Joris Ruhl, Emmanuel Scarpa, Kevin Seddiki, Alvise Sinivia, Dafne Vicente-Sandoval, Deborah Walker... Il faudrait aussi citer les groupes car les démarches collectives sont de plus en plus courantes, se démarquant de la compétition individuelle façon struggle for life : Actuum, Alphabet, Big, DDJ, Dedalus, Donkey Monkey, DPZ, Ensemble Art Sonic, Ensemble Hodos, Irène, Jean-Louis, Journal intime, Kumquat, Le Cabaret Contemporain, Le Sacre du Tympan, Les Vibrants Défricheurs, Limousine, Magnetic Ensemble, Metallophone, Novembre, Nuage Magique, Ok, ONCEIM, OrTie, Oui Monsieur, Papanosh, Peeping Tom, Petite Vengeance, Ping Machine, Plaistow, Q, Surnatural Orchestra, The Fish, The New Song, The Silencers, Theverybigexperimental Toubifriorchestra, Tricollectif, Umlaut, Viking, Watt, etc. Ce ne sont ici que des pistes offertes à votre curiosité. Libre à vous que cette liste s'allonge, s'allonge...

P.S.: ci-dessous la nouvelle liste (par ordre alphabétique) inclut tous ceux et toutes celles cités dans les commentaires, qui se reconnaissent dans Les affranchis. Certains ont tout de même près de 50 ans, ce qui, à mes yeux, n'en fait plus des p'tits jeunes, mais je n'ai pas voulu censurer les suggestions qui m'étaient envoyées. De mon côté j'ai sciemment omis les aînés qui leur ont préparé le terrain et ouvert la voie, et qui mériteraient de figurer plus qu'aucun autre dans ce mouvement ;-)

Jeanne Added, Lucien Alfonso, Aymeric Avice, Pierre-Antoine Badaroux, Sylvain Bardiau, Marc Baron, Jérémie Bastard, Félicie Bazelaire, Sébastien Beliah, Florian Bergmann, Antoine Berjeaut, Antoine Berland, Sophie Bernado, Quentin Biardeau, Fred Blondy, Jean Bordé, Pierre Borel, Sébastien Bouhana, Sébastien Branche, Seb Brun, Cyprien Busolini, Lisa Cat-Berro, les frères Ceccaldi, Thibaut Cellier, Cédric Chatelain, Gérald Chevillon, Sylvain Choinier, Romain Clerc-Renaud, Manu Codjia, Ronan Courty, Élise Dabrowski, Sylvain Darrifourcq, Maxime Delpierre, Julien Desprez, Héloise Divilly, Benjamin Dousteyssier, Jean Dousteyssier, Benjamin Duboc, Romain Dugelay, Léo Dumont, Jozef Dumoulin, Yoan Durant, Élie Duris, Clément Édouard, Julien Eil, Benjamin Flament, Joachim Florent, Fidel Fourneyron, Fred Gastard, Sacha Gattino, Élodie Gaudet, Antonin Gerbal, Baptiste Germser, Quentin Ghomari, Jean-Brice Godet, Phil Gordiani, Alexandra Grimal, Johan Guidou, Jean-Luc Guionnet, Sylvaine Hélary, Cathy Heyden, Clément Himbert, Antonin-Tri Hoang, Karsten Hochapfel, Naïssam Jalal, Jean Joly, Yan Joussain, Fanny Lasfargues, Louis Laurain, Sylvain Lemêtre, Émilie Lesbros, Antonin Leymarie, Xavier López, Rodolphe Loubatière, Julien Loutelier, Guillaume Magne, Matthias Mahler, Hugues Maillot, Frédéric Marty, Matthieu Metzger, François Michel, Jocelyn Mienniel, Anton Mobin, Roméo Monteiro, Roberto Negro, Yuko Oshima, Anne Pacéo, Sébastien Palis, Émile Parisien, Laurent Pascal, Francesco Pastacaldi, Marine Pellegrini, Edward Perraud, Alice Perret, Jérémie Piazza, Brice Pichard, Julien Pontvianne, Thomas de Pourquery, Raphaël Quenehen, Antonin Rayon, Jean-François Riffaud, Sylvain Rifflet, Rafaelle Rinaudo, Ève Risser, Arnaud Roullin, Joris Ruhl, Damien Sabatier, Florian Satche, Emmanuel Scarpa, Kevin Seddiki, Alvise Sinivia, Franck Vaillant, Dafne Vicente-Sandoval, Deborah Walker, Lawrence Williams...

Les groupes : Actuum, Alphabet, Big, DDJ, Dedalus, Donkey Monkey, DPZ, Ensemble Art Sonic, Ensemble Hodos, Impérial Quartet, Irène, Jean-Louis, Journal intime, Kouma, Kumquat, Le Cabaret Contemporain, Le Sacre du Tympan, Les Vibrants Défricheurs, Limousine, Lunatic Toys, Magnetic Ensemble, Metallophone, Novembre, Nuage Magique, Ok, ONCEIM, OrTie, Oui Monsieur, Papanosh, pearl&john, Peeping Tom, Petite Vengeance, Ping Machine, Plaistow, Polymorphie, Q, SnAp, Surnatural Orchestra, The Fish, The New Song, The Silencers, Theverybigexperimental Toubifriorchestra, Tricollectif, Umlaut, Viking, Watt...